J’avais décidé, sans vraiment savoir pourquoi, de quitter le plateau en plein milieu du prime et de m’exiler dans les coulisses, l’esprit rêveur. Je pouvais donc entendre Alix parler d’où j’étais, alors même pas besoin de retourner avec mes petits camarades. Je suis même le premier nom prononcé pour l’annonce des candidats sauvés. Et même si je me faisais assez confiance pour savoir qu’il y avait peu de chance que je parte ce soir, je reste assez soulagé malgré tout, puisque la vie m’avait appris qu’on pouvait s’attendre à tout, et n’importe quand. Mais qu’importe. Quelques minutes après la fin du prime, Tilda se retrouve en face de moi par pur hasard, pied nu, flûte de champagne à la main qu’elle me tend. Et rien pour elle, encore. «  Parce que tu doutais de ça ? » Je demande avec ma modestie habituelle. «  Qui est-ce qui t’a mis en cloque pour que tu ne prennes pas de champagne ? » Je demande, faisant une supposition en l’air, alors que je prends une gorgée. Je me rappelais de mon ex, lors de sa grossesse, qui me criait dessus dès que je lui proposais un verre, ou qui me faisait des crises pour un oui ou pour un non. Au final, Tilda était une chieuse du même type, elle pourrait très bien passer pour une femme enceinte. Enfin, j’avais dit ça sans vraiment le penser, l’incitant tout simplement à se confier à moi pour me donner la vraie raison de son abstinence sur ce délicieux champagne. «  Quoi ? » je demande, étonné. «  Ce serait rompre une promesse, ça. » Je réplique, un sourire aux lèvres. Elle me l’avait promis, ce baiser, après tout. Il fallait toujours tenir ses promesses, toujours. Mais elle finit par s’approcher de moi pour poser ses mains sur mes joues, et je ris légèrement à sa réplique, n’en attendant pas moins de sa part. Et je la laisse faire sans rien faire de mon côté pour le moment, me contentant de l’observer, mon regard bleu plongé dans le sien alors que ma partenaire s’approche encore plus. Et lorsqu’elle m’embrasse enfin, une de mes mains vient instinctivement se déposer sur son cou tandis que l’autre glisse sur sa hanche pour la rapprocher encore plus de moi. Et je fais durer le baiser - qui est plus que plaisant, il faut l’avouer - aussi longtemps que possible, alors que nos langues s’entremêlent et se heurtent. Et puis finalement, je romps le baiser, reculant légèrement la tête sans pour autant enlever ma main de son cou et de sa hanche, gardant la proximité qu’il y avait entre nous en cet instant. Je la regarde un moment dans les yeux, souriant. Bon, ok, peut-être qu’elle était douée. Un peu. «  Mouais, bof. » je souffle, souriant. C’était plus fort que moi, et on peut voir à mon regard que je ne fais que la taquiner.

Ce n’était pas l’envie qui me manquait de lui enlever beaucoup plus que cette robe, alors qu’elle était là sur cette table. Non, vraiment, j’aurai pu lui faire tout pleins de choses sur cette table, hm. J’ai d’ailleurs pendant un moment des pensées très peu catholique à son égard. Ma maman me taperait sur les doigts pour ça. Pourtant, je recule, parce que je me crois plus malin qu’un autre. Ce n’est pas forcément vrai, et pourtant j’aime bien le croire. «  À ton service. » Je lui dis en souriant, attendant presque que ma partenaire revienne à la charge. Comme si c’était une évidence qu’elle allait le faire. Mais non. Elle ne fait rien, et pire que ça elle prononce ces mots qui ont l’effet d’un électrochoc pour moi. Je crois bien que je suis devenu livide à la compréhension de ces mots. Je pourrai sûrement m’évanouir si je n’essayais pas de faire bonne figure. Rien que ses paroles m’avaient fait revenir en tête des souvenirs de 3 ans plus tôt. Des souvenirs que j’essayais en vain d’oublier. Des mauvais souvenirs, qui sans que je m’en rende compte m’avaient totalement changé. Je me rappelle tout simplement du chaos de ma vie trois ans plus tôt. Et c’est bien pour ça que je réagis mal. Tout simplement parce que je calque sa situation à la mienne. C’est sûrement égoïste de ma part, mais c’est quelque chose qui se fait dans mon cerveau sans même que je m’en rende compte. « Mais qu’est-ce que tu as dans la tête ? » Je la sermonne. Je la sermonne alors que je n’ai aucun droit, vraiment aucun, et j’en ai bien conscience. Quelle idée de venir dans un jeu de télé réalité alors qu’on attendait un gosse ? «  Je t’ai pendu par les pieds, Tilda ! » je m’exclame, complètement ahuri. Je l’avais secoué dans tous les sens. Et elle ne m’avait rien dit, elle m’avait laissé faire. Je ne savais même pas si c’était dangereux ou non de la secouer ainsi, mais j’en déduisais que ce n’était sûrement pas conseillé. Je portais malheur aux femmes enceintes. Du moins, j’avais porté malheur à une femme enceinte, et j’en concluais que je portais malheur à toutes les femmes enceintes. Et je ne voulais pas porter malheur à Tilda. Il valait mieux que je reste éloigné d’elle. Pour son bien. Elle allait avoir un enfant… Et c’était horrible à dire, mais j’en étais presque jaloux. «  Je peux pas… » Je ne finis même pas ma phrase. Je passe ma main sur mon visage. C’était trop pour moi. J’avais tellement de choses qui me revenaient en tête que j’en oubliais que Tilda devait sûrement être paniqué à l’idée d’être enceinte et que je ne l’aidais en rien. Bon sang, j’étais un homme horrible.

C’était sûrement la pire chose à me dire, à moi. Vraiment. J’ai pourtant très clairement conscience que ce n’était pas mon enfant, et que je n’avais aucune responsabilité là-dedans. Et pourtant, ça me chamboulait totalement. Tout simplement parce que des souvenirs me revenaient en tête, comme si je revenais 3 ans en arrière. Et ça, ça me tuait - à juste titre. Je crois que ça se voit à mon regard, que je suis complètement perdu. J’ai cette incapacité à différencier le passé et le présent, et par conséquent j’ai inconsciemment peur que le même schéma se reproduise. Et c’était quelque chose que je ne pouvais pas accepter. Non, vraiment pas. Alors la solution me paraissait pourtant simple. Si je ne voulais pas que le même schéma se reproduise, il fallait que je me retire de l’équation. Je n’en faisais déjà pas parti, mais pourtant rien que le fait de la côtoyer me paraissait de trop. J’avais cette certitude d’être dangereux pour elle. Pour elle et son bébé. Et je ne pouvais pas accepter l’idée de lui faire du mal. Autant dire qu’à cet instant précis, c’était le bordel dans la tête. Le bordel comme ça ne l’avait pas été depuis longtemps. Je ne sais pas quoi faire, et je ne sais pas quoi dire. Je crois que j’aurai préféré qu’elle ne me dise rien, j’aurai préféré rester dans le flou. Je vois sa larme couler sur sa joue et ça me fend le coeur. Et pourtant, je suis incapable de la consoler. Pas maintenant. Je crois que c’est beaucoup trop pour moi. Elle n’en savait rien à ce moment là, qu’elle dit. Et je la fixe sans rien dire. Qu’est-ce que je pouvais bien répondre ? Je n’étais pas en colère contre Tilda - pourquoi est-ce que je serai en colère ? J’étais tout simplement désorienté, totalement perdu. Je savais bien que ce n’était pas une réaction normale à avoir, j’en avais bien conscience, et si seulement je pouvais contrôler mes émotions je le ferai avec plaisir, mais je ne suis pas le mettre de ce qui se passe dans mon cerveau. Je n’étais pas sûr qu’elle puisse comprendre ce qui se passait en moi à l’instant, et j’étais certain d’être incapable de lui expliquer. Je n’étais pas sûr de pouvoir continuer l’aventure auprès d’une femme enceinte. Ça me rappellerait beaucoup trop de choses que je ne pouvais pas supporter. Je ne pourrais tout simplement pas me supporter. Je la suis du regard alors qu’elle se lève et me tourne le dos pour chercher je-ne-sais-quoi. Je crois bien que j’ai tout gâché en agissant de la sorte. Et je crois bien que j’ai également perdu toute envie de rester dans l’aventure. J’aimerai retourner sur mon bateau, loin de tout. En mer je n’étais jamais confronté à ce genre de problèmes. En mer tous ces souvenirs ne venaient pas me hanter les uns après les autres comme un mauvais cauchemar. «  Tilda, attends ! » Je pose ma main sur son bras pour la retenir. Main que j’enlève aussitôt, comme si sa peau m’avait électrocuté, ce qui n’était pas le cas. Je me rendais tout simplement compte que je n’avais pas l’autorisation de la toucher, je ne me le permettais pas. J’avais tout simplement peur de lui faire du mal. Et une de mes pensées alla pour mon ex et ces mots qu’elle m’avait craché à la figure le jour de son accouchement. «  Je suis désolé. » Je souffle, sincère. Désolé pour tout ce que j’avais pu lui dire, désolé d’être incapable de la consoler et désolé de réagir de la sorte. Désolé de ne pas gérer ce genre d’annonce correctement. Désolé de ne pas être un homme face à tout ça.