+ Je suis tranquillement assise dans un des grands canapés très confortables du salon, un magazine entre les mains, comme souvent quand je suis dans cette pièce. J'ai déjà lu ce numéro, mais je n'ai pas vraiment le choix, on ne nous réapprovisionne pas tant que ça ici, et c'est vraiment nul. Certes, si je veux lire je n'ai qu'à aller à la bibliothèque mais j'aime pas lire de gros bouquins en noir et blanc et souvent sans images. Moi, ce que j'aime c'est feuilleter distraitement un magazine en m'arrêtant de temps en temps sur un article au titre rose fluo accrocheur ou sur la photo sympa d'une petite robe ou d'un mec bien sculpté et sans T-shirt. Sauf que je tourne certainement les pages de ce numéro pour la centième fois et que je commence à en avoir marre. Je soupire de lassitude en refermant l'exemplaire, le plaquant sur mes jambes avant de l'envoyer valser sur la table où je l'ai pris. Heureusement, je ne m'ennuie pas plus d'une seconde et demi grâce à Paloma qui fait son entrée dans la pièce. Je lui souris légèrement, me forçant un peu. Au début, je ne sais pas trop quoi lui dire alors je garde le silence, puis un tas de pensées me passent par la tête et je me sens obligée d'en laisser échapper quelques unes à voix haute. « Alors, c'est comment la loveroom ? » Je demande d'un air qui laisse probablement sentir un reste de contrariété vis-à-vis du prime où l'accès à la pièce m'est passé sous le nez. Mais non, mais non, ça m'est pas du tout resté en travers de la gorge, n'importe quoi ! « Et, je voulais savoir aussi, vu que ça m'est jamais arrivé : ça fait quoi d'être la première du classement de popularité depuis deux... Trois semaines maintenant ? » Oh mais non, mais je suis pas jalouse, je m'en fiche moi, d'être neuvième alors qu'elle est encore en tête de la cote, mais ça me fait ni chaud ni froid, tant mieux pour elle, j'ai envie de dire. Ouais, non... Pour être honnête, au moins avec moi-même, ça me saoule un peu parce que je vois pas ce qu'on lui trouve, à cette nana, mais bon, peu importe.

Ce n'est pas que je n'aime pas Paloma, elle est très sympa autant avec les autres qu'avec moi depuis notre première rencontre dans les locaux de l'émission, ou même quand elle m'a fait les ongles l'autre fois, mais elle est peut-être trop sympa, ou trop parfaite, je ne sais pas, elle commence à m'agacer. En fait, c'est surtout que j'ai la rancune tenace, et donc j'avais toujours une petite dent contre elle depuis qu'elle m'avait fait perdre de l'argent, certes encore virtuel pour l'instant, et l'accès à la loveroom qui m'intriguait tant. Je m'étais donc permis de lui demander comme s'était. Particulier, too muche et truffé de caméras, d'après elle. Mouais. « Ah. C'est marrant, c'est pas du tout l'image que je m'en faisais. Mais bon, tu sais sans doute mieux que moi, vu que t'y es allée. » Je rétorque dans un faux sourire, quelque chose de pas très naturel, mais juste ce qu'il faut pour que je n'ai pas trop l'air de me forcer, juste d'être légèrement contrariée, voire agacée, peut-être. Elle doit l'avoir remarqué, puisqu'elle déclare qu'elle n'a pas l'intention de s'excuser. « Hm, pas grave. » Je réponds en haussant distraitement les épaules. Je n'attends rien d'elle, elle fait bien ce qu'elle veut, ça m'est égal. J'accepterais des excuses, mais ce serait un peu ridicule, et en fait, je ne suis même pas sûre que ça servirait à quoi que ce soit. Je continue avec mes questions, pas du tout innocentes, et j'évoque cette fois-ci la cote de popularité, où Paloma figure à la première place depuis maintenant trois semaines. Elle prétend que ça lui fout la pression parce qu'elle sait qu'elle va finir par se casser la figure, ce que je lui souhaite un peu autant au sens propre qu'au figuré. Puis elle ne sait pas bien ce qu'elle fait de plus ou de moins qu'un autre, moi non plus, je comprends pas, mais ça ne veut rien dire de toute façon, d'après elle. Je hausse les sourcils, d'un air presque consterné mais ne dis rien. Je ne crois pas que ce soit nécessaire, chacun voit le classement comme il veut, là encore, même si on nous conseille, en effet, de ne pas le prendre trop au sérieux. Moi je suis du genre à prendre ces conneries au sérieux parce que le regard des autres, la façon dont ils me voient et me jugent m'importe énormément, mais heureusement, tout le monde n'est pas comme moi. La brune, qui est venue s'asseoir sur la table basse pour me faire face au début de notre discussion, aborde un autre point similaire. L'histoire des points, ceux du petit jeu d'Isaac et Percy, je présume. Elle veut savoir si ça m'a vexé. « Bah à ton avis ? » C'est pas comme si j'avais planté deux mecs en caleçons la semaine dernière alors que j'avais joué à la fille prête à le faire rien que pour me venger du peu de points que je valais dans leur concours. « Toi ça te vexerait pas qu'on juge que tu vaux moins que les autres ? » Parce que si j'ai bien compris, j'étais la seule, avec Maddy, à n'être cotée qu'à cinq pauvres malheureux petits points quand toutes les autres en valaient sept. Enfin bon, j'imagine que maintenant, je ne dois plus rien valoir du tout. De toute façon, c'est même plus la peine qu'ils tentent quoi que ce soit avec moi, à moins qu'ils veuillent voir apparaître la marque de mes doigts sur leur visage, évidement, ce dont je doute fort.