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Une fois n’est pas coutume, c’est sur les hauteurs du nid qu’Alistair se réfugie en ce début de soirée. Il estime qu’il peut s’accorder une petite pause, ayant supporté toute la journée ses camarades. Quoi que supporter est un mot un peu fort, il commence à s’y faire sans avoir l’impression de subir une forme de torture bien cachée aux yeux de tous et particulièrement douloureuse. Mais pour autant, il a toujours ce besoin de s’accorder du temps à lui, seul avec ses pensées toujours aussi peu réjouissantes, loin des autres candidats. Sauf que sa tranquillité est bien souvent perturbée et compte tenu de l’heure, il se doit d’éviter un maximum le nid s’il souhaite être seul avec lui-même. C’est l’heure de pointe en cuisine, il a l’espoir secret et naïf de s’éloigner au bon moment, au moment propice à la solitude. Et la falaise lui semble être l’endroit idéal, qui viendrait s’attarder ici alors qu’il est supposément l’heure de se restaurer ? De plus, la falaise lui assure la non-présence des potentiels phobiques du vide, ça lui laisse donc un certain nombre de chance en sa faveur qui lui assure une tranquillité durant une petite heure, avant que certains n’estiment nécessaires de faire une petite promenade de santé après le repas pour admirer le ciel qui se pare de nouvelles couleurs et le soleil qui disparait. Une fois arrivé sur les hauteurs, il savoure le silence avec une petite cigarette amplement méritée, en sachant qu’il n’a pas touché à son paquet depuis une bonne demi-heure, un véritable exploit de sa part. Il s’appuie contre la barrière et observe les alentours, mais il ne tarde pas à s’en lasser. Même si la falaise fait partie de ces endroits favoris, la vue qui s’offre à lui n’a désormais plus rien de si particulier et intéressant, il se permet donc de faire divaguer ses prunelles. Il aime bien cette falaise, mais aujourd’hui, son regard est capté par un autre lieu non loin de là. Cette fameuse grotte secrète qui ne l’est plus vraiment. Il n’a jamais eu l’occasion de s’y rendre, c’est tout juste s’il lui a prêté attention jusqu’ici, préférant s’asseoir sur le banc en haut de la falaise ou s’appuyer contre la rambarde qui le sépare du vide. Mais en cet instant, sa curiosité est piquée au vif, il serait bête de mourir idiot, ou plus sérieusement, de quitter cet endroit sans avoir eu l’occasion d’explorer ce lieu si secret et à l’abri des regards indiscrets (même s’il est certain que rideau d’eau ou non, il y a même des caméras là-bas). Il s’avance donc et n’est pas démotivé par le fait de devoir passer à travers l’eau pour pénétrer dans le lieu. Il presse simplement le pas pour ne pas se retrouver trempé de la tête au pied et ainsi éviter de se choper un bon gros rhume qui lui gâchera la fin de la semaine. Une fois dans la grotte, il ne se formalise pas de son corps légèrement mouillé, il n’est pas du genre à se tracasser pour si peu. Il met les mains dans ses poches tandis que ses prunelles divaguent sur les dessins laissés sur la grotte. Il ne sait pas si c’est la production qui les a volontairement gravés pour prétendre que cette grotte a une histoire ou s’ils étaient en effet là avant que Cupidon ne prenne ses quartiers. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une question existentielle qui lui occupera l’esprit durant les dix prochains jours. Quand il entend le bruit de l’eau qui cesse une fraction de secondes, il détourne la tête pour apercevoir Paloma qui vient de franchir la petite cascade. « C’est une heure correcte, pour une fois. » Drôle de façon de l’accueillir, mais elle doit probablement être habituée depuis le temps qu’ils se côtoient. Il est vrai que jusqu'ici, ils se sont plutôt croisés à des heures peu probables. Et sans plus se soucier d’elle, il continue son exploration en se décalant un peu plus au fond de la grotte (laissant par la même occasion suffisamment d’espace entre lui et Paloma) pour y analyser les derniers dessins encore inconnus.

Il n’avait jamais prêté attention à cette cascade jusqu’à aujourd’hui, même s’il connait son existence depuis la première semaine. C’est juste qu’à ses yeux, cet endroit n’avait pas grand intérêt. Et pourtant, même si les dessins ne lui inspirent absolument rien – ils sont jolis, mais pas marquants – le fait est que cette grotte semble être tenue à l’écart du nid, plus que la falaise, et qu’Alistair est presque convaincu à en faire un lieu d’isolement pour ses prochaines envies de solitudes. Il se connait, il sait que même en étant en contact avec les autres, il ne peut pas abandonner ces moments privilégiés où il se retrouve en tête à tête avec son esprit. Et si la falaise lui semblait être l’endroit idéal, jusqu’ici, pour retrouver une tranquillité qui n’existe pas dans le nid, cette grotte pourrait bien la surpasser. Il faut, certes, accepter le fait de se mouiller un peu, mais l’eau ne lui a jamais fait peur et ce n’est pas comme s’il risquait grand-chose, un petit rhume s’il est vraiment malchanceux. L’intérieur de cette grotte est calme. Beaucoup trop calme probablement pour certains, mais elle est parfaite aux yeux d’Alistair. Petite, sombre et surtout, on ne le voit pas à moins de franchir le rideau d’eau. Pour être invisible aux yeux du monde, c’est l’endroit idéal. Sauf qu’il ne peut pas bénéficier bien longtemps de ce calme puisque Paloma ne tarde pas à le rejoindre. Il est partagé par cette arrivée. Tout d’abord parce qu’il est déçu de constater que cet endroit est tout de même fréquenté et qu’il baisse dans son intérêt. Ensuite, parce que Paloma fait partie des candidats qu’il apprécie et sa présence ne le dérange pas. Mais finalement, il ne se formalise pas de cette intrusion dans sa nouvelle petite bulle de tranquillité et préfère engager la conversation. Il est vrai que pour une fois, ils se rencontrent à une heure à peu près correcte, eux qui sont plus habitués à se croiser au milieu de la nuit. C’est une réflexion des plus banales, à laquelle Paloma ne répond pas, ce qui a le don de le surprendre puisqu’habituellement, c’est plutôt lui qui se veut muet. Il sent son regard sur lui et comme lors de leur dernière rencontre à la plage, c’est un comportement qui lui plait moyennement, puisqu’il n’aime pas être la cible des regards. Mais le schéma est le même que la dernière fois, ce n’est pas son regard insistant sur lui qui finit par le déranger le plus, mais la question qu’elle lui pose au bout de quelques instants. Elle est gentille, Paloma, avec ses questions, mais elle a le don de poser les mauvaises. Celles auxquelles Alistair ne parvient pas à répondre en un claquement de doigts, celles dont il n’a jamais cherché une véritable réponse, celles qui l’obligent à se murer dans le silence un instant avant de parvenir à formuler un semblant de réponses. Et c’est ce qu’il fait, il se tait tandis qu’il réfléchit. La vérité, c’est que la réponse à cette question, il l’a connait, depuis le début, c’est juste qu’il ne veut pas l’admettre à voix haute, c’est juste qu’il n’est pas prêt à l’admettre. « Si j’y arrive, ça ne sera qu’une illusion. » Il avoue, au bout de quelques minutes de silence qui lui paraissent une éternité. Il ne laisse rien paraître, sa voix est toujours monocorde et ses expressions figées. Il aimerait y arriver, c’est un fait, mais il sait qu’il n’y parviendra pas. Et bien même s’il vient à se rapprocher de celui qu’il était auparavant, ce serait un mensonge. Désormais, le mal est fait. Il n’a plus l’innocence qui le caractérisait encore il y a quelques années et il ne la retrouvera jamais. Et c’est bien ça le problème. Il faut qu’il cesse de se voiler la face, Fake Lover l’aidera, mais pas de la manière dont il le souhaitait. Mais toute aide est bonne à prendre dans son cas, il ne peut pas faire le difficile. « Pourquoi tu participes à cette émission, toi ? » Il n’y a pas de raison pour qu’elle soit toujours celle qui pose les questions, jusqu’ici il a souvent répondu aux siennes, les rôles se doivent d’être inversés. D’autant plus qu’il n’a jamais eu de réponse précise sur la question et qu’il serait peut-être temps qu’il puisse s’en vanter d’en savoir autant sur elle qu’elle en sait sur lui.

Spoiler:

La question qu’elle lui pose lui déplait quelque peu. Pourtant, il ne peut s’en prendre qu’à lui, s’il ne lui avait pas avoué qu’il cherchait à se rapprocher de celui qu’il était auparavant, elle ne lui aurait jamais demandé s’il pensait vraiment que cette émission pourrait lui être utile pour ce but. Et la vérité, il la sait, même si elle est difficile à avouer. Ça ne l’aidera pas. Et s’il a l’impression d’y arriver, de se rapprocher de celui qu’il était, alors ce sera un mensonge. Une illusion, comme il l’avoue lui-même avec une certaine fatalité. Il peut faire tous les efforts qui sont à portées, ils resteront sans succès. Alors autant accepter la vérité, qu’il connaissait déjà pourtant mais qu’il n’a jamais été en mesure de prononcer à voix haute, la rendant trop réelle. Quant à savoir si ses efforts sont vains comme le présume Paloma, la réponse n’est pas aussi simple. Ils le sont, sans vraiment l’être. « Non, ce n’est pas ça. » Ce n’est pas ça. Ou alors, à moitié. Il marque une nouvelle pause. Pas parce qu’il n’est pas en mesure de répondre, mais parce qu’il ne trouve pas les mots adaptés. « Ils le sont quand il s’agit de retrouver celui que j’étais avant. » Parce que ça n’arrivera pas. Il a essayé, Peter l’a aidé, mais ça n’a pas réussi. Ça ne réussira donc pas plus maintenant et c’est là que Fake Lover s’avère utile en le faisant réaliser que cette idée est utopique et qu’il est préférable de l’enterrer. « Mais ils ne le sont pas quand il s’agit de me lier aux autres. » Il termine, parce qu’il est nécessaire de mettre en avant cet aspect positif. Certes, il n’est pas encore le candidat le plus bavard ou le plus drôle du nid, il ne le sera jamais, mais lui qui était totalement réfractaire à la compagnie de quiconque – exceptée celle de Peter – le voilà qui parvient à vivre avec une vingtaine de personnes particulièrement différentes de lui. Et c’est cette envie de se réadapter aux autres qui prime sur celle de se rapprocher de celui qu’il était auparavant. C’est ensuite à son tour de poser une question, tout d’abord parce qu’il n’y a pas de raisons pour que les rôles ne s’inversent pas et ensuite parce qu’il s’est suffisamment épanché sur ses motivations à participer à cette émission quand Paloma ne lui a jamais donné les siennes. Il serait peut-être temps, car autant certains leurs raisons sont claires comme de l’eau de roche, autant celles de Paloma sont floues à ses yeux. L’officielle ou l’officieuse ? « Les deux. » Il insiste. D’abord parce qu’il doit reconnaître qu’il est un peu curieux et aussi, parce qu’elle ne peut pas toujours se dérober à ses questions et qu'elle doit parfois les affronter. Lui s’en fiche bien de connaître la raison officielle ou l’officieuse, si elle n’avait pas précisé qu’il y avait deux catégories, il se serait contenté de la réponse qu’elle aurait bien voulue lui donner. Mais maintenant, elle n’a plus le choix. Et finalement, elle s’épanche sur la question et lui donne ses raisons. Si l’officiel lui semble des plus banales puisque lui-même voit cette émission comme une parenthèse non-négligeable dans sa vie, l’officieuse ne le laisse pas sans réaction. « Tu penses que Fake Lover est l’endroit pour annoncer cette vérité ? » Cette fois, il daigne poser les yeux sur elle. Il a parfois de la peine à la suivre et c’est le cas suite à cette réponse. De la façon dont il ressent les choses, la vérité dont elle parle n’a pas l’air particulièrement agréable. Elle semble être un poids sur les épaules de la jeune femme et il pense à s’imaginer que Fake Lover soit le choix idéal pour se libérer de ce fardeau. Si elle tient vraiment à rétablir les choses, à cesser de mentir, il y a d’autres façons de présenter cette vérité plutôt que de l’étaler aux yeux des caméras et des spectateurs. Il lui pose la question non pas pour le simple plaisir de continuer la conversation, mais parce que la réponse l’intéresse réellement. Il est sceptique, mais ne la juge pas pour autant, car il ne se permet généralement pas un tel comportement. Il veut simplement être fixé sur la raison qui la pousse à venir dévoiler sa vérité ici, plutôt qu’en comité réduit ou dans une émission mieux adaptée à la confidence. « Et tu appréhendes ce moment ? » À vrai dire, il se doute de la réponse. Mais une pointe d’égoïsme accompagnée d’un peu de cruauté l’oblige à poser une telle question. Parce qu’il n’y a pas qu’elle qui a le monopole de la question qui fait mal. Ce n’est pas qu’il veut la blesser, mais c’est un mécanisme de défense. Elle doit probablement appréhender ce moment, celui où son secret (puisqu’il s’agit bien de cela) sera révélé. Et il est en mesure de la comprendre, lui-même prenant conscience de la bêtise qu’il a faite de s’inscrire avec un secret comme le sien, mais il est trop tard pour faire marche arrière.

Il ne pense pas être en mesure de se rapprocher de celui qu’il était avant, même si cela est contradictoire avec ce qu’il a pu lui avouer auparavant. Mais avant, il se raccrochait encore à une illusion, à cet espoir aussi mince qu’un fil mais qui est la seule chose qui l’empêche de tomber dans le vide. En peu de temps, les choses ont changées. Parce qu’il a eu le temps de cogiter sur la question que lui avait posée Paloma, et sur le fait qu’il se ment à lui-même. Et la vérité est enfin parvenue à se frayer un chemin jusqu’à sa raison : non, il ne sera plus jamais celui qu’il était avant et il ne s’en rapprochera jamais. Et à vrai dire, il est complètement perdu. Il ne sait pas si c’est une fatalité de réaliser ce point ou si au contraire, c’est un soulagement parce qu’il cesse de se raccrocher à un espoir inexistant depuis le début. Perdu. C’est exactement son état d’esprit à l’heure actuelle, perdu, plus que d’habitude. Comme il l’avoue à Paloma, même s’il ne se rapprochera jamais du Alistair que certains, que ses parents, ont pu connaître, cela n’empêche pas que ses efforts ne sont pas vains. Dans l’idéal, ça irait plus vite, mais il ne peut pas tout avoir et doit se satisfaire de cela, pour l’instant. Ils ne sont pas vains, pour preuve, il hésite beaucoup moins avant d’imposer sa présence à quelqu’un, il va plus volontiers vers les autres et fait des efforts pour tenir des conversations. Il n’a pas encore l’âme d’une McKayla ou d’un Ghika, mais ils sont loin d’être vains et il est important de le notifier, puisque c’est bien pour cela qu’il est venu ici, pour s’ouvrir aux autres. Paloma estime que c’est positif, que tout est bon à prendre, ce à quoi il répond dans un premier temps par un hochement de tête avant d’ajouter un « Oui. » un peu plus assuré que d’habitude. Ce n’est plus à lui d’être cuisiné mais à elle, parce qu’elle connait désormais depuis un certain temps les raisons qui ont poussé Alistair a participé à Fake Lover, mais lui n’est pas au courant des siennes et souhaite y remédier. La raison officieuse qui la pousse à participer à cette émission le surprend. Elle a besoin d’exprimer une vérité, c’est tout à son honneur, mais pourquoi choisir Fake Lover ? Une émission qui peut être qualifiée de superficielle, une émission qui n’est pas vraiment spécialisée dans ce genre, à savoir les témoignages, une émission suivie par des millions de personnes à travers le monde. Il ne comprend pas. Et il est un peu mal placé pour lui faire un tel reproche (même si ça n’en est pas un), parce que lui-même vient annoncer une vérité à la télévision, bien qu’elle soit connue autour de lui assez rapidement, sans même qu’il le veuille. Une vérité qu’il n’aurait jamais dû choisir d’exposer ici, d’en faire son secret et ça, il le réalise jour après jour. Mais lui n’est pas le sujet, il se débrouille très bien tout seul avec ses remords pour ne pas les exposer à Paloma. Si lui n’est pas encore en mesure de s’expliquer le pourquoi du choix d’exposer son secret ainsi, Paloma lui fournit une explication courte mais précise. C’est simplement que l’émission lui en donne l’opportunité. Et il suppose donc qu’elle s’est jetée sur la première chose susceptible de l’aider à se débarrasser de cette vérité. « D’accord. » Il rétorque simplement, ne voulant pas continuer sur le sujet plus longtemps puisqu’il lui renvoie aussi ses erreurs en pleine figure et que ce n’est pas des plus agréables. C’est à son tour de se montrer curieux en posant les questions. Même si le terme curiosité n’est pas vraiment approprié, car même s’il s’intéresse à la réponse de Paloma, il s’agit avant tout d’un mécanisme de défense des plus égoïstes. À savoir : elle l’a malmené dans ses interrogations, il va faire de même. Il sait que c’est un comportement stupide, d’autant plus à l’encontre d’une personne qu’il apprécie et qu’il ne souhaite pas blesser par son comportement ou ses mots, mais il ne peut pas s’empêcher, c’est plus fort que lui. Ça fait bien longtemps qu’il ne se soucie plus des sentiments des gens et qu’il fait du mal parfois volontairement et sa nature reprend parfois le dessus, comme à cet instant. Mais Paloma ne semble pas lui en vouloir, elle ne fait aucune réflexion, mais répond simplement à la question, à savoir si elle appréhende le moment de la révélation, le moment où elle ne pourra plus fuir la vérité. Encore une fois, la réponse de Paloma n’est pas des plus claires. Elle donne rapidement quelques explications, qu’il écoute attentivement. Elle a un avantage sur lui : bien qu’elle appréhende, elle sera soulagée d’en être libérée. Pas lui. Il apprend aussi que son secret n’a rien de dramatique ou d’insolite, mais il lui pèse sur les épaules tout simplement. Il lui adresse un simple regard avec un hochement de tête, parce qu’il l’a comprend sur ce dernier point même si lui ne s’en réjouit pas de s’en débarrasser. Et il reste muet un court instant, jusqu’à ce qu’elle lui retourne la question. « Ça dépend de la vision actuelle des autres à mon égard. » Ceux qui ne l’apprécient déjà pas auront une raison de plus de le détester, ceux qui le tolèrent ne le feront plus et ceux qui l’apprécient tomberont des nues et seront blessés. « Mais oui, ça changera les choses. » Il doute de laisser quelqu’un indifférent, les réactions seront les mêmes qu’à l’extérieur, mais il ne pourra pas fuir, cette fois. Dans un sens, il partage cela avec Paloma. Ils ne peuvent pas éviter que la vérité s’ébruite même s’ils ne le veulent pas, ou pas toujours. Quand elle éclate dans rire sans le moindre signe qui laisse présage un tel acte, il écarquille les yeux un court instant avant de se tourner vers Paloma, l’incompréhension se lisant certainement sur son visage. Elle est ainsi, Paloma, il ne sait pas sur quel pied danser et il ne sait pas s’il aime ça ou non. Pour une fois, quand elle lui pose une question, pas de long silence, pas d’hésitation. « Je crois que tu connais la réponse. » Parce qu’aucun d’eux ne s’approche de la normalité demandée dans cette émission ou du moins, de la normalité requise pour entamer une conversation dite normale. Elle s’approche et son seul réflexe est de reculer d’un pas. Mais pas plus, il doit se forcer, il doit arrêter de penser que l’on s’approche de lui uniquement pour lui vouloir du mal. Et la question qu’elle lui pose par la suite est à l’image de Paloma : compliquée. « Je sais pas faire ça. Raconter des banalités. » C’est pas son truc, personne s’intéresse à lui habituellement, il n’a jamais eu à puiser dans ses souvenirs ou dans ses habitudes pour tenir une conversation. Mais il se doit d’essayer, il n’a pas envie de décevoir Paloma. Alors il marque une pause un court instant, fouillant dans sa mémoire pour dénicher quelque chose susceptible de l’intéresser. Mais c’est le néant, il est pris du cours, il n’aime pas ça. « Hm, j’aime les bonbons ? » Il déclare sous forme de question, parce qu’il ne sait pas si la réponse peut suffire pour combler sa demande. Il lui avoue son pêché mignon et il réalise bien vite que c’est stupide, au point qu’il soupire, ferme les yeux et secoue légèrement la tête pour se maudire silencieusement. Nouveau silence, nouvelle fouille dans son esprit tandis qu’il rouvre les yeux. « Quand j’avais cinq ans, j’ai essayé d’attraper la boite de sucreries que ma mère tenait hors de ma portée. Elle m’a assommée quand elle est tombée, mais le chien s’est régalé. Je suis sûr qu’il se foutait de moi, d’ailleurs. » Il espère que ça entre dans ses critères, là. « Enfin, pour finir, j’ai terminé à l’hôpital et le chien chez le véto. » Lui parce qu’il a dû aller se faire recoudre le front, il en garde une cicatrice de quatre centimètres que l’on distingue peu, cachée par ses cheveux et s’étant atténuée par les années. Le chien, lui, a fait une belle intoxication au chocolat, ça lui a appris à ne plus jamais manger ce qui tombait par terre. Réalisant que la chute de l’anecdote n’est pas forcément des plus réjouissantes, il tente maladroitement d’ajouter quelque chose. « Mais on en riait en famille quelques années plus tard. » Quelques années avant que tout bascule. Et là, il a envie de partir, parce qu’il s’est trop ouvert, parce qu’il a mis en avant un souvenir du passé, de ce passé qu’il essaie d’oublier. Il y a le visage de ses parents qui rient qui remonte dans son esprit et ça lui déplait. Impassible, ne laissant pas trahir le point sensible que Paloma a touché, il refixe ses prunelles sur le mur et affiche un air plus dur que d’habitude, comme un mur de défense pour qu’elle évite de l’analyser et d’y trouver quelque chose. « À ton tour. » Peut-être que ça lui changera les idées l’espace d’un instant, mais surtout, s’il lui offre une part de lui-même, elle doit faire de même. C’est le deal inavoué entre eux.

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