+ Je rentre de la plage, j'ai dû passer par le bois, qui ne me plait pas des masses, mais j'étais bien obligée. De toute façon, il n'y a que par-là qu'on peut passer, à moins qu'il y ait un passage secret dont personne ne m'ait jamais parlé. Mais peu importe, je vais bien finir par m'y faire à cette forêt, surtout qu'en plein jour c'est quand même moins pire qu'au petit matin ou qu'en soirée quand le soleil n'éclaire plus bien et que l'ombre grandit entre les arbres immenses. Une fois de retour dans le nid, je ne prends pas le temps de passer sous la douche pour enlever le sable et autres saletés que je dois trimbaler sur moi depuis un moment déjà. Je m'étale dans un canapé avec la ferme intention de ne pas bouger. J'enlève mes lunettes, je balance mon sac à côté de moi et je ferme les yeux un instant. Au bout de quelques minutes, j'entrevois l'image incertaine d'une cigarette à travers mes paupières closes. Ou alors j'en sens l'odeur et ça me donne envie. Oui, c'est surement ça, et je vais maintenant me lancer à la recherche du fumeur en question. Pas pour lui enfoncer sa clope jusqu'au fond du gosier, même si le fait que ce soit Percy que je trouve sur le balcon est très tentant. Mais non, je m'approche lentement de lui, d'un air totalement innocent, inoffensif. Je me suis déjà "vengée", il n'y aura assurément pas de deuxième fois, ce serait de trop, et puis bon, c'était légèrement ridicule, peut-être plus pour moi que pour lui d'ailleurs. Enfin, je ne sais pas vraiment. « Tu m'en passes une ? » Je demande de la voix la plus douce qu'il me soit possible d'emprunter. « S'il te plait ? » J'ajoute, si polie que je suis, en battant des cils. Comme si ça allait le faire plier.

Non, je n'ai peur de rien, ou en tout cas de pas grand chose, et certainement pas de me faire rembarrer par Percy s'il ne voulait pas me faire le plaisir de me dépanner. Je n'en ferais assurément pas une maladie, mais s'il acceptait, ce serait vraiment adorable de sa part. Surtout que j'y mets du mien, sourire aux lèvres, regard équivoque et formules de politesse, on peut difficilement faire mieux lorsqu'il s'agit de simplement demander une cigarette à quelqu'un. Certes, ce n'est pas le grand amour entre nous, mais je ne pense pas non plus que nous nourrissions une haine profonde l'un envers l'autre. Moi je ne le hais pas en tout cas, ou beaucoup moins qu'il y a quelques jours, et que cet autre idiot d'Isaac. Il me fait cependant remarquer qu'il faudrait qu'il soit vraiment sympa pour accepter de me dépanner. « Hm. » Je fais en hochant la tête d'un air totalement convaincu, et même pas juste pour flatter son ego en faisant comme si j'étais vraiment d'accord, il faudrait vraiment être sacrément sympa pour bien vouloir filer une clope à une fille comme moi, qui n'a pas hésité à l'humilier, enfin légèrement, pour une simple histoire de points. Le jeune homme me demande ce que j'en pense, moi, de s'il est sympa ou pas. Je hausse les épaules, mes yeux toujours rivés sur lui. « Je pense, oui. » J'allais pas dire non, là j'aurais plus eu aucune chance. « Sinon tu m'aurais poussée dans la fontaine l'autre jour. » Ouais, ça c'était sympa, je crois. Ou alors c'était juste normal, oui surement, enfin je sais pas. « Moi par contre, j'ai pas été très gentille avec toi la dernière fois. Désolée. » Je fais la moue, l'air de vraiment essayer de me faire pardonner alors que je ne regrette absolument pas ce que j'ai fait. Ils ont eu ce qu'ils méritaient, mais il n'est pas obligé de le savoir. Et puis, ça peut sans doute jouer en ma faveur de leur faire croire que je m'en veux. Oui, tous les moyens sont bons pour n'obtenir qu'un petit rien.

Je le trouve sympa, Percy. Tant qu'il se laisse pas entraîner dans les conneries de l'autre là, ça va. Je veux dire, il m'a pas poussé dans la fontaine l'autre fois, et oui, ma définition du mot "sympa" s'arrête à peu près à ça. Non mais, c'est vrai qu'à première vu, il a l'air vicieux, c'est d'ailleurs pour ça que je pensais qu'il serait capable de me mettre à l'eau, mais il est pas si terrible que ça, en fin de compte, je crois. Mais il est vrai, comme il me le fait remarquer, que ce n'est pas parce qu'il a déjà été gentil une fois qu'il passera à côté d'une si belle occasion si elle vient à se présenter de nouveau. « Vaudrait mieux que je veille à ce qu'elle se représente pas, l'occasion, alors. » Je déclare dans un hochement de tête, plus pour moi que pour lui, en fait, mais peu importe. Je veux bien me voir attribuer le rôle de la méchante quant à ce qu'il s'est passé il y a deux semaines, je crois bien. C'est moi qui ait pas été sympa pour le coup, et c'est le moins qu'on puisse dire, apparemment je lui aurais brisé le cœur et il en resterait même quelques morceaux dans la grotte. « Haon, pauvre chou. Tu voudras que je vienne t'aider à les ramasser ? » Je demande d'un air faussement désolé en posant ma main sur son épaule, comme si je m'en inquiétais vraiment, mais c'est toujours un peu forcé, bien évidement, pour qu'il accepte finalement ma toute petite requête de rien du tout. Je veux juste une cigarette, moi, après tout. Mais le jeune homme pense que je devrais me faire pardonner d'abord, c'est que ça le mettrait dans très bonnes dispositions, hm. Je ne peux m'empêcher d'avoir l'air consterné. « Tu manques vraiment pas d'air, toi. » Je dis en fronçant les sourcils, une main sur la hanche. « Il se trouve que je suis moi-même pas en d'assez bonnes dispositions pour te sucer aujourd'hui, tu vois. » Ni même un autre jour depuis que j'ai appris cette histoire de concours, et surtout le peu de points que je vaux. Alors qu'avant ça, il avait vraiment une chance que ça arrive, c'est trop bête, pour lui, enfin, pour eux parce que je réserve le même sort à Isaac, évidement. Pas de jaloux comme ça. « Donc bon, laisse tomber, je demanderai à quelqu'un de plus sympa que toi. » Et qui me demandera pas forcément de monnaie d'échange, ou en tout cas pas de ce genre là. Il est vraiment trop nul, voilà. Pour la peine, je le boude toujours, je croise les bras, j'arbore un petit air suffisant, mais je ne bouge surtout pas, je reste bien là pour qu'il voit à quel point je suis outrée. Enfin je sais pas, peut-être que ça le fera changer d'avis et qu'il acceptera finalement de me filer une cigarette sans que je sois obligée de lui faire une gâterie, ce que je ne ferai jamais pour si peu, que ce soit bien clair.