Naïvement, je pensais que tout s'arrangerait d'un coup de baguette magique, par enchantement après que cette sale journée soit passée. Qu'il me suffisait de fermer les yeux pour clore ce jour et qu'au lever, tout se serait envolé, les problèmes, les maux... C'était bien naïf effectivement. Je suis toujours habité par ce mal-être, il me ronge de l'intérieur et je n'arrive pas à trouver le remède pour m'en débarrasser. Enfin si, je l'ai trouvé hier soir, en tapant contre le punchingball après le prime... Mais est-ce que mon corps déjà meurtri par cette tentative réussira à suivre cette fois ? J'hésite devant le sac, caresse les bandages qui recouvrent mes mains encore endolories... et je me rappelle. A chaque fois que je ferme les yeux, y a tout qui me revient en tête, tous mes souvenirs, tout ce que j'ai pu entendre ou même... voir hier soir. Et je sens cette rage qui me libère de la peine, mais qui en contrepartie, a besoin d'être évacué. Alors je tape, je tape à m'en faire mal de nouveau, aussi fort que possible. Une nouvelle fois, mes yeux s'embrument, et je ne vois plus rien d'autre que des formes floues... le blanc de mes mains devient après quelques minutes rouge et je continue en grognant de plus en plus fort. Rien ne m'arrête, même pas la douleur. Mes oreilles sifflent, et tout ce que j'entends, ce sont les coups de poings contre le sac jusqu'à qu'un crie plus fort que mes coups me parviennent. « Arrête ! » Je me rends compte maintenant de sa présence et qu'elle a en quelques sortes subis mes coups, en même temps que le punchingball. Je ravale mes larmes et si mes coups s'arrêtent, je suis loin d'être calme. Tout mon corps est en alerte, à commencer par mon coeur.  « Parle-moi » Mon torse se soulève durement à chaque inspiration, tel un taureau prêt à foncer tête baissé. Et quand je la vois, devant moi, je repense à ce que j'ai vu, cette nuit-là, dans la forêt, alors que je venais ici pour les mêmes raisons. Tout remonte de nouveau, la peine, la colère, la haine...   « Je t'ai vu, coucher avec Isaac. » Oh, juste quelques secondes, suffisamment pour comprendre ce qu'il était en train de faire. Et je prends conscience d'une chose, qui me saute aux yeux d'un seul coup. Paloma me l'avait dit, qu'elle ne coucherait jamais avec Isaac. Elle m'avait dit, qu'elle ne replongerait pas dans ses vieux travers. Elle m'a menti. J'ai été tellement aveuglé par sa perfection, que je n'ai jamais douté d'elle, que j'ai eu confiance en elle... mais elle m'a menti. C'est comme si mon monde s'écroulait, parce que toute ma perception sur sa personne a été faussée, et je m'en rends compte seulement maintenant. Tout ce en quoi je croyais s’effondre. J'ai l'impression de devenir fou, perdu entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. « Tu... tu as couché avec Isaac ? T'as vraiment couché avec Isaac... » Ma voix se fissure à la fin, incapable de retenir des sanglots. Elle a couché avec Isaac, c'est une évidence, pourquoi j'en doute encore ? Elle peut dire n'importe quoi, peut me jurer par des mots, ou soutenir par un silence, je ne la crois plus, et ne la croirait plus jamais. « Je ne veux plus entendre parler d'Isaac. Tu ne parles plus de lui, plus jamais. » Je balance encore plus hargneux. J'aurais tellement envie d'en rajouter encore et encore, de lui balancer encore des choses et même des insultes mais je n'y arrive pas. Je n'arrive plus à parler, mon visage s'exprimant de lui-même : déception, haine, douleur, peine...

Elle veut que je parle, et je parle. Je tente en tout cas, malgré la rage qui m'emporte. Tans pis si ça ne lui plait pas, tans pis si ça lui fait mal, j'en ai plus rien à foutre. D'elle, de ce qu'elle peut ressentir, de ce qu'elle peut dire.  « Tu sais pas ce que tu racontes » Mon coeur se fend en deux. Maintenant je la regarde en silence, l'espace d'un instant qui semble me durer une éternité. Je la vois sous un nouveau jour. Le regard que je lui lance fait froid dans le dos. Jamais j'ai regardé quelqu'un comme ça, avec autant de... haine. Je lui en veux tellement, je m'en veux tellement aussi de m'être attaché, de m'être accroché à elle comme une bouée de sauvetage pour ne pas sombrer, je m'en veux d'avoir été là pour elle et je m'en veux plus que tout de l'avoir tant idéalisé. Elle me dégoute. Elle est laide, horriblement laide. Tout son être est laid, de sa plastique de poupée à son mélange de douceur et fragilité. « J'te permets pas de juger » Mes rires éclatés sont mélangés avec des sanglots mal maitrisés. Elle ne me permet pas de juger mais j'aurais tant de chose à lui dire, de venin à lui jeter mais je suis épuisé, autant physiquement que mentalement. « Elle me permet pas de juger... » Je répète dans un souffle avec un sourire nostalgique. C'est désormais elle maintenant, parce qu'elle est devenue cette fille éloignée, que je ne connais pas, que je n'ai pas envie de connaitre. « Je t'expliquerai, d'accord ? Je t'expliquerai mais pas aujourd'hui parce que ça rime à rien » Ses mots résonnent, mes tympans souffrent. Je serre les dents pour ne pas exploser de nouveau mais c'est trop dur. « Putain mais tu crois que j'ai envie de t'écouter ? Ni aujourd'hui, ni demain, ni plus tard ! » Je donne un nouveau coup dans le punching ball. C'en est trop, plus que ce que je ne peux supporter. Je peux plus la regarder ni l'écouter aujourd'hui, demain... cette semaine. Je préfère prendre la fuite. Et même si je compte bien m'éloigner jusqu'au bout de l'aventure, quelque chose me dit que ses yeux de biches arriveront à ses fins plus tôt que prévu.