+ sacha

Malade et coincé au lit lors du prime, je n’avais eu que de brefs échos de ce qui s’était passé ce dimanche soir. Et bien évidemment, quelques petites choses m’avaient mis la puce à l’oreille et avait suscité ma curiosité. Bon, autant dire qu’un rien pouvait susciter ma curiosité, mais là c’était encore plus le cas, pas la peine de se mentir. Alors après m’être difficilement levé, étant toujours quelque peu malade, j’avais essayé de trouver Sacha. Malgré mes maux de tête et ma quinte de toux, je n’avais pas eu beaucoup de difficulté à trouver le bel homme. Il était là, tout simplement assis sur un canapé, faisant je-ne-sais-trop-quoi sur son iPad. Tant pis, j’allais l’interrompre dans son activité qui avait l’air si passionnante. Je ne me gêne pas pour m’asseoir à ses côtés, nos bras se touchant, instaurant cette proximité qui était devenue pour le moins naturelle chez nous deux. «  Tu n’aurais pas quelque chose à me dire ? » je lui demande à moitié sérieux alors que mon regard bleu se pose dans le sien. Après tout, peut-être qu’il n’avait rien à me dire, justement. C’était ce que je voulais savoir. Mais j’avais eu ouïe du détecteur de mensonge et de la question posée à Sacha lors du prime, alors forcément, j’avais envie d’en savoir plus. Et la meilleure solution, c’était de poser mes questions au principal intéressé. Il n’avait aucune raison de me mentir après tout, si ?

Aujourd’hui, j’ai pris pas mal de photos de la nature ou du moins du nid d’amour avec mon Ipad. Je voulais des souvenirs. Je demanderai à la prod’ de me les envoyer par e-mail ou quelque chose comme ça en espérant que soit possible. Du coup, je les feuillète une à une sur le canapé du grand salon avec un café dans l’autre main que je viens porter à mes lèvres de temps à autre en faisait attention à ne pas endommager l’appareil électronique. J’aurai pu continuer à faire ça encore quelques minutes si Lou ne s’était pas incrusté à mes côtés en établissant un contact aussi bien physique que visuelle. Il me demande alors si je n’ai pas quelque chose à lui dire. J’hausse un sourcil avec un petit rictus ne sachant pas trop où il veut en venir. « Je suis ton père. » En voilà une révélation, non ? Bon et techniquement c’est impossible puisqu’il a le même âge que moi. Que dis-je, il est plus vieux que moi de quelques mois. « Je devrais avoir quelque chose à te dire ? » Je lui demande en lui adressant cette fois un long regard et un ton plus sérieux. Je ne sais pas trop. Je réfléchis mais je vois pas. Je le coupe aussitôt dans son élan de réponse. « Je sais ! J’ai oublié quelque chose. Attends… C’est pas ton anniversaire, au moins, je te l’ai déjà souhaité. » Et comment. Hm… je me souviens de ma surprise qui était de passer la nuit en sa compagnie secrètement dans la loveroom. « Je donne ma langue au chat. Enfin au Lou plutôt. » Je suis d’humeur blagueuse, aujourd’hui, faut croire.

Peut-être était-ce parce que c’était possiblement ma dernière semaine dans le nid que je voulais mettre les choses « au clair » sans pour autant avoir grand chose à lui confier. Je voulais tout simplement savoir ce que lui pensait, ni plus ni moins. Je voulais me faire une petite idée de ce qui se tramait dans sa tête. Et je ne peux pas m’empêcher de rire en l’entendait dire cette idiotie. Il est mon père. Oui, il n’y avait aucun doute là dessus. Ma main se pose alors sur le haut de sa cuisse alors qu’un sourire amusé est formé sur mes lèvres. «  A croire que commettre l’inceste est moralement acceptable pour toi. » Je lui dis, malicieusement, alors que ma main glisse vers l’intérieure de sa cuisse comme pour confirmer mes dires. Je le laisse alors mariner encore un instant, mais je ne peux pourtant pas m’empêcher de faire un commentaire lorsqu’il me parle de mon anniversaire. «  Ah bon ? Je suis amnésique tu sais, je crois qu’il va falloir que tu me refasses le cadeau parce que je me souviens plus trop. » Ça, c’était de la bonne technique pour le mettre dans mon lit. Ou pas, en fait. Mais effectivement, ma nuit d’anniversaire avait été un délice, hm. Et je ris encore à son autre blague. Oh, il pouvait me donner sa langue autant qu’il voulait, je ne refuserai pas, clairement. Mes mains se déposent alors sur ses hanches pour le faire glisser sur le canapé, le faisant bouger pour qu’il se retrouve en face de moi. Ce n’était clairement pas pratique d’être côte à côte sur un canapé, je préférai largement pouvoir le voir en entier. C’était pour cette raison que je m’étais également tourné, l’approchant de moi et en profitant pour passer mes jambes de part et autre de sa taille, Sacha faisant de même. Et bien évidemment, je l’embrasse. Après tout, il avait dit qu’il donnait sa langue au Lou. Alors il fallait bien que j’exécute ses paroles, n’est-ce pas ? Ma langue se mêle sensuellement à la sienne en douce caresse, mais je finis par rompre le baiser sans franchement prévenir, d’un seul coup, comme ça. «  Arrête de me déconcentrer comme ça. » Je lui souffle dans un sourire, alors que mon visage est toujours plutôt proche du sien. Je me rappelais que je n’étais pas venu ici pour lui sauter dessus, mais pour lui parler. Même s’il fallait avouer que l’embrasser était beaucoup plus tentant. Sacha m’attirait trop pour que je reste sans le toucher ou l’embrasser. «  Tu sais.. Si je ne suis pas venu ici pour trouver l’amour, comme toi, ce n’est pas pour autant je suis du genre à le repousser quand ça me tombe dessus. » C’était peut-être une manière maladroite de dire les choses, mais je ne savais pas trop comment formuler ça, à vrai dire. C’était tout simplement pour lui faire comprendre que je n’étais pas insensible, et aussi quant au fait qu’il pensait que mes sentiments n’étaient pas réciproque, comme il avait pu le préciser au détecteur de mensonge. Parce que oui, je ne perdais pas le fil, je parlais du prime. Je lui vole tout de même un baiser avant de continuer, mon regard bleuté restant planté dans le sien. «  Mais… pour ton propre bien, je ne pense pas que ce soit une bonne idée que tu tombes amoureux de moi. » Je lui dis, avec une honnêteté qui m’était habituelle. «  Pas parce que je ne tomberais jamais amoureux de toi, mais parce que je n’arrêterais jamais de voyager. » Je lui avoue. Je pouvais être fou amoureux d’une personne, je me sentais incapable de tout laisser tomber pour cette personne, en particulier mes voyages. Et j’avais beau être un garçon quelque peu prétentieux, jamais, ô grand jamais je ne demanderai à quelqu’un de tout quitter pour me suivre dans ma vie de nomade, si on pouvait dire ça comme ça.  

Je ris intérieurement moi-même à ma connerie. Il veut que je me confesse et je rejoue une scène mythique de Star Wars en lui avouant que je suis son père. N’importe quoi. « Ouais, non, je suis pas ton père. » Je secoue la tête vivement de droite à gauche rien qu’en entendant le mot inceste. Berk. Evidemment que non, ce n’est pas moralement acceptable pour moi. Je serai incapable de commettre l’inceste et je pense que c’est pareil pour Lou. Je ne me fais pas de souci pour ça. « Tu es amnésique et je suis d’humeur blagueuse, je sais pas comment ça va finir. » En tout cas, donner ma langue au Lou, je ne suis pas contre du tout. Autant au sens propre qu’au sens figuré. Je ne vois donc aucun inconvénient à lui rappeler un peu la soirée qu’on a passé ensemble pour son anniversaire. Je finis mon café, dépose le gobelet sur la table ainsi que mon Ipad et là je me fais renverser par le candidat sur le canapé. Ou du moins, je me retrouve complètement face à lui ma peau touchant la sienne. Mon regard s’attarde contre ses iris et ses lèvres. Je n’ai pas le temps de réagir que celles-ci se retrouvent bien collées contre les miennes. Un échange doux et rapide à la fois. Ma main capture aussi son visage pour ne pas qu’il s’échappe. Evidemment, le baiser prend fin à un moment. J’ai visiblement déconcentré Lou. « Je suis une mauvaise graine. » Pour appuyer mes propos, ma bouche vient à nouveau toucher la sienne pour un simple smack. Puis voilà que le candidat se livre à moi. Je trouve ses propos touchants. Est-ce qu’il est en train de me dire qu’il a trouvé l’amour en ma présence ? Je ne sais pas. Son nouveau baiser me prouve qu’il a peut-être finalement des sentiments à mon égard. Je m’apprête à parler mais il reprend la parole cette fois pour me dire qu’il ne faut pas que je tombe amoureux de lui. Mon regard s’assombrit et je retire ma main de sa peau. Qu’est-ce qu’il veut dire par là ? Mes sourcils se froncent tandis que les battements de mon cœur s’accélèrent. Il me confie ne jamais vouloir arrêter de voyager. Hm… je suis un peu perdu. « Je… je comprends. Du moins je crois. Je ne pourrai pas non plus sacrifier ma carrière d’artiste. » J’ai pas vraiment cette passion pour les voyages mais j’imagine que c’est pareil pour lui. Enfin j’essaye de voir ça d’un angle extérieur pour le coup même si j’arrête pas de penser à notre relation. « Mais je… je peux pas. Je peux pas contrôler mes sentiments. » Il est impossible pour moi de le rayer de la carte du jour au lendemain. Lou compte pour moi et je m’y suis beaucoup attaché. « Tu penses pouvoir vivre seul et trouver l’amour à quarante ou cinquante ans quand tu ne voyageras plus ? » Je ne sais pas. C’est une simple question que je me pose à sa place. Je ne devrai peut-être pas. Si ça se trouve, tout ça n'est qu'une simple excuse pour me faire comprendre qu’il souhaite qu’on s’en arrête là car il souhaite entamer une histoire d’amour avec Tilda. Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Il n’est pas mon père, qu’il rectifie justement. Tant mieux, hm, parce que je ne suis pas sûr d’être d’accord avec le fait de faire des choses aussi peu catholiques avec mon père. Enfin bon, il n’empêche que Sacha me fait rire avec ses idioties. Je prétends même être amnésique pour pouvoir bénéficier du même cadeau que j’avais pu avoir pour mon anniversaire. «  J’ai une petite idée en tête. » Je lui réponds lorsqu’il me dit qu’il ne sait pas comment cela va finir. Bien évidemment que j’avais une idée en tête, sinon ça serait mal me connaître. Je finis d’ailleurs par le faire glisser jusqu’à moi sur le canapé pour qu’on se retrouve face à face, de manière à ce que je puisse l’embrasser convenablement. Ses lèvres étaient quelques peu devenues une addiction, avec le temps. Je ne pouvais franchement plus m’en passer. Je stoppe pourtant le baiser parce que je me souviens que je ne suis malheureusement pas là pour profiter de ses lèvres, mais pour parler. Il me déconcentre beaucoup trop, à être aussi attirant. Je ris à ses paroles alors que j’essaie de ne pas trop m’attarder sur ses lèvres. Il fallait que je garde la tête froide, surtout pour ce que je voulais lui confier. Lui confier que malgré l’amour, je n’étais pas sûr que ce soit un jour aussi fort que ma passion pour les voyages. Sans mes voyages, je n’étais pas heureux. Je ne pouvais tout simplement pas être heureux si je ne découvrais pas de nouveaux pays. Et sa réaction me trouble un peu. Il arrête de me toucher et instaure une certaine distance entre nous. Autant dire que je n’aime pas ça. Pas du tout, même. Je ne savais pas à quoi je m’attendais, mais pas à ça. J’aurais voulu ne jamais lui dire ces mots, mais je faisais ça pour lui, pas respect, et j’espérais qu’il le comprenait. «  Je crois que si j’abandonnais quelque chose auquel je tiens pour quelqu’un, je n’arrêterais pas de lui en vouloir. Je ne veux pas t’en vouloir. » je lui confie en baissant les yeux. J’aurais aimé ne pas être comme ça, mais je savais que ça serait le cas. Que j’aurais plein de rancune envers la personne qui me fera cesser de voyager et de découvrir de nouvelles choses. C’était plus fort que moi. «  Je sais… et moi non plus… J’ai égoïstement envie de continuer. Je n’ai pas envie d’être raisonnable et de tout arrêter pour ne pas te faire souffrir dans le futur mais… » Mais quoi ? «  Mais je ne veux pas te mentir. Tu as le droit de connaître la vérité, et je veux être honnête avec toi. » Je lui souffle alors que mon regard reste planté dans le sien, alors que je ressens un petit pincement au coeur. «  Je sais qu’on en est pas là, qu’on en est loin même, mais je vais peut-être sortir ce dimanche… » Alors il fallait que ça sorte. «  Je ne te demanderai jamais de tout abandonner pour moi et de me suivre parce que tu seras sûrement malheureux à mes côtés, au lieu de suivre ta propre passion. » Et j’espérais qu’il comprenait que la réciproque serait sûrement vrai. Ma main se pose alors sur sa joue que je caresse tendrement. J’ai envie de l’embrasser, indéniablement, mais je n’en fais rien. Et il faut dire que sa question sur mon futur me perturbe un peu. «  Je ne sais pas… je n’y ai jamais pensé. Je ne suis pas sûr qu’un jour quelqu’un pourra supporter de vivre à mes côtés avec mes envies constantes de changement. » Je lui confie péniblement. Il fallait croire que j’allais finir seul parce que j’avais la bougotte. À moins que je tombe sur une personne qui aime autant voyager que moi, ce qui me paraît presque improbable. « Je comprendrais si tu ne veux plus rien avoir à faire avec moi… Je respecterai ton choix sans pour autant être d’accord avec. » Je lui confie, parce que oui, j’étais honnête jusqu’au bout. «  Je n’ai pas envie d’arrêter de t’embrasser, et de te toucher, ou de te parler mais… mais c’est toi qui choisis. »  Si je lui avais dit tout ça, c’était pour le prévenir, pour le laisser faire un choix. J’aurai pu être égoïste jusqu’au bout et ne jamais rien lui dire. Mais je devais bien ça à Sacha. Et j’espérais qu’il comprendrait que je tenais vraiment à lui pour lui avoir confié tout ceci.

J’aurai bien aimé retenir que la première partie des révélations de Lou. Le fait qu’il n’était pas venu ici pour trouver l’amour mais que finalement ça lui est tombé dessus. Je trouvais ça mignon et touchant sauf qu’il y a eu la suite. Hélas. Une suite à laquelle je ne m’attendais nullement après ça. Brutal, je crois que c’est le bon adjectif. Il a réellement lâché une bombe en m’annonçant qu’on ne peut pas être ensemble. Impossible pour moi de rester de marbre. Ma réaction n’est pas des plus chaleureuses mais je pense qu’elle est légitime. Le pire, c’est que je garde mon sang-froid et que j’essaye de le comprendre. Je prends énormément sur moi alors que je me sens au plus mal et que j’ai envie de partir en courant. Lou m’explique un peu plus pourquoi on ne peut pas être ensemble et chaque explication, bien que rationnelles, est comme un coup de poing. Il me dit que j’ai droit de connaitre la vérité. C’est vrai. Mais j’aurai préféré ne pas la connaître. « Tu n’as rien à me demander. » Je le coupe vite fait dans ses explications sans en dire plus. J’arrive à peine à m’exprimer. Je crois qu’il vaut mieux que je reste silencieux. Il n’a rien à me demander. Ce n’est pas à lui de décider ce dont j’ai envie ou non. Si je veux quitter les Etats-Unis demain, je le ferai. Si je veux rester, je resterai. Sa main se colle alors contre ma joue et j’ai un léger réflexe de reculer. Je n’ai pas envie qu’il soit tactile avec moi. Pas en cet instant précis. Mon regard le fusille malgré moi. Je lui en veux déjà et ce, même si j’en fais pas particulièrement part dans mes propos. Je préfère lui poser une question qui tombe de sens pour moi. Est-ce qu’il pense pouvoir trouver l’amour quand il sera plus vieux ? Ou du moins, est-ce qu’il ne pense pas que ce sera trop tard ? « Alors quoi ? Tu vas t’empêcher de vivre pleinement tes relations une bonne partie de ta vie car tu aimes le changement ? C’est franchement nul. A cinquante ans, tu vas réaliser toutes les choses merveilleuses que tu as manquée et tu n’auras alors que tes voyages pour combler tous tes regrets. » Je baisse la tête, pas fier de ce que j’avance. Mais je ne suis pas du genre à ne pas dire ce que je pense. Je préfère qu’il sache le fond de ma pensée même si ça ne va pas dans son sens. Quelques secondes plus tard, il me dit qu’il comprendrait si je ne veux plus avoir affaire à lui et me laisse un choix. Je lâche un rictus, pas amusé mais plutôt exacerbé. « C’est tellement cruel ce que tu me demande. » Mes yeux s’humidifient mais mon intonation reste ferme et je parais toujours autant agacé. Aucune faiblesse apparente. Je ne craquerai pas. Pas devant lui en tout cas. Je suis plus fort que ça. « Tu crois que j’ai envie d’arrêter moi aussi de te parler, de te toucher et t’embrasser ? » J’affronte alors son regard pour qu’il voit la détresse dans le mien. Puis ma tête se dépose contre la sienne et mon souffle vient toquer à ses lèvres.

Lou a le droit à une leçon de vie. Qui je suis pour lui en donner une ? Je ne sais pas. Je regrette presque aussitôt mes propos après les avoir dit. Je n’avais pas le droit. Je ne suis pas voyant ou médium. Je peux supposer simplement et encore, même si j’ai l’intime conviction que c’est ce qui va se passer, j’aurai pas dû lui dire ça. Je m’en veux donc un peu. Surtout quand il me donne raison. Je finis par culpabiliser. Mais c’est sans doute mieux que je lui ai fait part du fond de mes pensées. Je crois que je me suis inconsciemment défoulé et ça m’a limite fait du bien sur le coup. Sauf que maintenant, je suis peiné à nouveau. Surtout quand le garçon me confronte à un choix. Il me propose de le rayer comme ça de ma vie. Je lâche un simple rictus doté d’ironie ou plutôt irrité par ses propos. C’est cruel et lâche de me laisser un choix. La décision n’appartient pas qu’à moi. Il me met devant le fait accompli et veut me laisser croire que c’est moi qui aie choisi de mettre fin à notre relation ? Non, c’est vraiment pas possible. J’ai même pas dis que c’est ce que je voulais. S’il veut tout arrêter, il n’a qu’à le dire clairement. Il peut. Il doit simplement être ferme et m’envoyer balader une bonne fois pour toute. Je souffrirai indéniablement mais je pourrai peut-être m’en remettre. Evidemment, ce n’est pas ce que je veux. Mais je ne désire pas choisir non plus. Je ne peux pas prendre de décision pour nous deux. Du moins, je ne crois pas pouvoir. Perdu face à tout ça, je montre un premier signe de faiblesse en m’accrochant à son regard et en déposant mon front contre le sien. Ses yeux se ferment et les miens en font de même. Cet instant de tendresse me fait du bien tout comme ses caresses dont je ne me rends même pas compte. Malheureusement, Lou y met un terme en reprenant la parole. Il me dit cette fois qu’on n’est pas obligé de penser à tout ça et qu’on pourra en reparler plus tard tout en profiter un maximum maintenant. Je me mords la lèvre, réfléchissant à cette proposition plus qu’alléchante. Et puis, je me dis que ça ne serait que reporter l’échéance à plus tard. Pourquoi remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui ? C’est bien une expression, non ? « Les choses ne vont pas changer Lou. Ça sera la même chose plus tard. » Mon souffle percute également sa peau et ses lèvres tandis que mes iris tentent de rassurer les siens. « Ça sera même pire. Je serai tombé définitivement fou amoureux de toi. » Mon regard ne quitte pas le sien et mes lèvres viennent se frotter lentement aux siennes. Du moins, l’extrémité. Aucun bruit ne se fait entendre. Puis ma main vient se coller contre son torse avant que mes yeux ne se ferment et que ma bouche entre en collision avec la sienne pour un baiser tendre mais passionnel. Je ne souhaite nullement que celui-ci s’achève. J’ai bien trop peur de la suite et peut-être de la fin.

Le pire, c’était que je savais que Sacha avait très probablement raison. Mais qu’est-ce que je pouvais changer à mon destin ? Je n’allais pas cesser de passer des semaines sur un navire pour passer de pays en pays, c’était mon boulot après tout. Un marin passait sa vie en mer, Sacha devrait le savoir, non ? Et quand j’étais sur la terre ferme, j’avais pris la décision de ne jamais rester dans le même pays. Par choix. Et je n’étais pas sûr de pouvoir arrêter ça, même par amour. Même quand ma fille est née j’ai été incapable de rester en Espagne, ça voulait tout dire, n’est-ce pas ? J’étais comme ça, et je n’étais pas certain que quelqu’un pourrait me changer. Pourtant, je n’avais pas envie de stopper ma relation avec Sacha. J’étais égoïste, je le savais. Je voulais le garder pour moi malgré tout. Mais ce n’était pas à moi de choisir. Parce que si je devais choisir, je ne changerai rien à tout ça. Je ne changerai rien à nous. Les cartes étaient entre les mains de Sacha, et j’avais horriblement peur de ce qu’il pouvait me dire. On se retrouve finalement front contre front, retrouvant enfin contact, ce qui me fait indéniablement du bien. Mais je finis par rouvrir les yeux lorsqu’il me répond, montrant bien que j’aurai préféré tout simplement continuer à vivre l’instant présent sans me soucier du futur. Mais je savais que Sacha avait raison, encore une fois. Ça serait pire, puisqu’il serait tombé définitivement amoureux de moi. Pourtant, je n’arrivais pas à rester raisonnable. Je ne voulais pas. Mais je ne dis rien, préférant garder mon regard dans le sien en silence alors que nos lèvres se frôlent. Serai-je vraiment capable de faire une croix sur tout ça ? Il m’embrasse et je ferme automatiquement les yeux, oubliant tout le reste, oubliant ses paroles, et même les miennes, profitant tout simplement de ses lèvres contre les miennes. Ma main sur son cou remonte jusqu’à l’arrière de son crâne sur lequel j’émets une légère pression pour intensifier ce baiser qui sera peut-être le dernier, et le prolonger, me sentant incapable de quitter ses lèvres en cet instant. Mais malheureusement le corps humain est fait de sorte qu’on ait besoin de respirer pour vivre, hm. Du coup je décroche mes lèvres des siennes sans pour autant reculer mon visage, gardant cette même proximité entre nous, alors que ma main ne se trouvant pas sur son crâne se dépose à plat contre son torse. «  Je ne veux pas me priver de ça. » Je lui confie tout bas alors que mon regard cherche le sien. Non, je ne voulais pas qu’on arrête de s’embrasser et tout le reste.

Les évènements sonnent comme une rupture. Ça en a l’air. Pourtant, je ne pourrai pas dire que ça en est une. Ni de mon côté, ni du sien. Rien n’est décidé. Il m’a dit que notre relation ne pouvait continuer ainsi pour des raisons de modes de vies incompatibles mais il n’a pas dit qu’il ne voulait plus de moi ni arrêter. Au contraire, il m’a avoué qu’il aimerait continuer tout ça. Donc ce n’est pas vraiment une séparation. Puis de surcroît, on ne peut pas dire que c’est une rupture puisqu’on n’a jamais défini clairement notre relation. Lou n’est pas officiellement mon mec et vice-versa. On se fréquente disons depuis le début du jeu et on entretient une relation unique et particulière qui s’apparente à de l’amour mais qui pour autant n’est pas définie. Donc ce n’est pas une rupture. Pourtant, ça sonne comme la fin. J’ai l’impression qu’on est en train d’échanger notre dernier baiser. Je ne sais pas si ce n’est qu’une impression ou non. Je profite juste de l’instant présent en espérant qu’il dure éternellement. Malheureusement, ce n’est pas possible. Lui comme moi devons à un moment ou un autre prend un grand bol d’air pour respirer. Mon regard se capture alors dans le sien en gardant cette proximité tandis que ma respiration est presque haletante. On peut entendre les battements de mon cœur. « Je ne veux pas non plus. » Mes bras passent automatiquement autour de son visage pour venir capturer le candidat. Je ne veux pas le laisser partir. Je le fixe donc silencieusement immobile pendant plusieurs secondes. Puis, mes lèvres rejoignent une nouvelle fois les siennes tandis qu’une fine larme tombe sur ma joue. Je m’en rends à peine compte. Ce n’est pas ma priorité. Je veux juste profiter un peu plus de l’instant présent et faire perdurer ce moment. Mon corps s’enlace fort au sien et ma mâchoire s’ancre dans la sienne. Nous ne formons qu’un en cet instant solennel. Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin. Cette fois, c’est moi qui romps tout contact. Ou presque. Alors que je me suis décroché et éloigné de lui, mes mains capturent l’une des siennes. « J’ai besoin de temps pour réfléchir… à tout ça. » J’avale ma salive et aspire un bon coup sans regarder le garçon dans les yeux. Mon regard est rivé sur nos mains. D’ailleurs, je porte la sienne à mes lèvres pour y déposer un bisou. « Merci. » Je ne saurai expliquer pourquoi précisément je le remercie. D’avoir été honnête probablement. Ou alors d’être compréhensif. Je ne sais pas trop. En tous les cas, me voilà déjà levé du canapé et repartant avec mon gobelet de café vide et mon Ipad la main. Et voilà. J’imagine que seul le temps me dira ce que l’avenir me réserve.