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Comme à son habitude, Alistair n’a pas passé une bonne nuit. Ceci dit, l’habitude aidant, ça ne le dérange pas plus que ça. Il a tout de même dormi quelques heures bien qu’il ait s’agit d’un sommeil agité, mais il se sent reposé, ce qui n’est pas désagréable. Pour peu, ça pourrait presque le mettre de bonne humeur. Une fois pleinement réveillé, il garde sa petite routine, à savoir un passage à la douche dès que celle-ci est désertée avant un passage en cuisine pour avaler quelque chose et, surtout, boire une tasse de café. Quoi que, bien souvent il ne s’arrête pas à une seule tasse vu sa dépendance à cette foutue boisson, mais c’est son problème. Il est surpris de constater que la cuisine est déserte alors qu’il s’imaginait être coincée avec trois ou quatre candidats. C’est qu’il a tendance à oublier que tout le monde n’est pas aussi matinal que lui, sauf qu’il n’est quand même pas six heures du matin, m’enfin, si certains veulent traîner au lit jusqu’à midi, c’est leur problème, il s’en fout royalement. Il s’installe au comptoir avec deux malheureux toasts et une tasse de café sur laquelle il porte toute son attention, comme si elle seule était susceptible de l’intéresser dans ce nid. Il reste ainsi une bonne dizaine de minutes, mangeant de temps en temps un bout de toast ou buvant une gorgée de café, jusqu’à ce qu’il ne se retrouve plus seul occupant de la pièce. Il lève la tête et reconnait Isaac qu’il gratifie d’un bref regard avant de reporter son attention sur sa tasse. « Salut. » C’est tout ce qu’il trouve à lui dire dans l’immédiat. Contrairement à la majorité des candidats, Isaac reste un inconnu à ses yeux. Tout ce qu’il sait de lui, c’est qu’il est sorti de prison grâce à sa belle gueule et ça lui suffit, tant il n’adhère pas cette chance offerte à Isaac. Enfin, s’il s’arrêtait à la première impression que chacun lui fait, il n’aurait jamais pris la peine de discuter avec les huitante pourcents des candidats présents ici. Et c’est bien pour ne pas s’arrêter à cette première impression qu’il se décide à entamer la conversation. « Tu m’expliques pourquoi tu me trouves chelou ? » Pour reprendre ses propos. Ce n’est pas émis comme un reproche, c’est une simple question. Il ne l’a pas mal pris, tout comme il n’a pas mal pris qu’on le considère comme glacial ou sadique. À la rigueur, il n’y a que les propos de Lou qui en tendance à l’agacer, bien qu’il sache simplement d’une provocation de la part du marin. Alors non, être considéré comme chelou lui fait ni chaud, ni froid, il se questionne juste sur le pourquoi du comment Isaac est arrivé à cette conclusion. S’il est ici, c’est bien pour travailler sur sa façon d’être, alors peut-être qu’Isaac pourra l’aider indirectement en répondant à son interrogation même s’il ne se serait pas imaginé le jeune homme dans ce rôle.

Il n’a pas une grande mémoire et il n’a pas retenu les trois quarts des adjectifs que ses colocataires ont associés à sa personnalité. Il y a bien celui de Lou, déclarant qu’il aime les fessées, qui l’a marqué par son absurdité. Et il y a ceux d’Isaac. Chelou et faussement impénétrable. Il pourrait lui demander des explications sur ce second, mais Alistair est presque certain qu’il préfère rester dans l’ignorance concernant les raisons qui poussent Isaac à le voir comme étant faussement impénétrable. Alors il préfère se concentrer sur le terme chelou. Oh, il aurait certainement pu vivre dans l’ignorance des explications concernant celui-ci, à ne pas douter, mais il n’a jamais parlé à Isaac et c’est un moyen comme un autre de débuter une conversation. Peut-être un peu particulière, certes, mais il ne faut pas trop lui en demander à Alistair. S’il ne voit pas ? Oh si, il a une petite idée – et même s’il n’en avait pas, la façon dont Isaac le regarde lui aurait mis la puce à l’oreille – mais ce n’est pas pour rien qu’il demande plus de détails à Isaac. « J’aimerais ton point de vue. » Pas que celui d’Isaac l’intéresse beaucoup plus qu’un autre, mais il est le seul qu’il a sous la main. Et peut-être, aussi, qu’il veut juste le confronter au fait qu’il ne l’a jugé que sur son apparence pour décréter cela. Il ne peut pas lui en vouloir, en sachant qu’ils ont peut-être échangés deux mots depuis qu’ils sont ici. Mais Alistair pense, peut-être à tort, que passer son apparence, il n’est pas si chelou que ça. Il parle peu, il ne s’épanche jamais sur sa personne, mais ça ne fait pas de lui quelqu’un de foncièrement bizarre, tout de même, non ? Ou alors, il en faut peu. Quand Isaac se décide à répondre, il l’écoute attentivement. Et plus il l’écoute, plus il est sceptique ensuite quant à la description que fait Isaac. Ça commence bien, il parait qu’il a toujours l’air d’être prêt à sauter par la fenêtre et ça ne s’arrange pas par la suite, puisqu’il a une gueule à être sous Prozac, dit-il. C’est juste parce qu’il tire la tronche qu’il est catalogué comme tel ? Vu ainsi. « Je te l’accorde. » Ce serait faire preuve de mauvaise foi que de nier l’évidence. Isaac n’est ni le premier qui le lui dit, ni le dernier. Enfin, s’il est perçu de la sorte juste parce qu’il ne trouve pas ses camarades drôles à s’en tordre le ventre ou la vie merveilleuse, ça l’emporte peu, il ne compte pas s’amuser à sourire à tout va pour des conneries qu’il ne trouve pas intéressantes. Mais qu’Isaac se rassure, aussi joyeux soit Alistair, il n’est pas sous Prozac. D’ailleurs, il n’est pas certain que la production aurait pris le risque d’enfermer un candidat qui demande un tel traitement, mais qui sait, peut-être que Cupidon aime faire dans l’originalité. Par la suite, il se tait, préférant la chaleur de sa tasse de café à la compagnie d’Isaac. « Ta belle gueule, elle a raccourci ta peine de combien ? » Il reprend, après quelques minutes. Il pourrait tout aussi bien se désintéresser d’Isaac puisqu’à première vue ils n’ont rien à partager, mais le fait est qu’il ne connait rien du jeune homme si ce n’est son secret et que celui-ci le rend relativement curieux pour des raisons bien personnelles. Alors peut-être que l’ancien taulard en a marre de s’épancher sur la question – Alistair se doutant bien qu’il s’agit d’un sujet de conversation auquel il se heurte régulièrement – mais la curiosité l’emporte dans l’immédiat.

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