+ MALLAURY

Il devait être onze heures, et j'attendais ce moment avec impatience. Je courais partout, à la recherche d'une montre, chose dont personne ne semblait équipé. Heureusement, je savais précisément qui en avait une, c'était pour cette raison que j'avais accouru jusqu'à la chambre orientale, là où Mallaury... dormait encore ? Vraiment ? Pourtant il était tard, et presque tout le monde était déjà debout. D'ailleurs, même sa partenaire semblait lui avoir fait faux bond. Tant pis pour lui, il m'avait perdu une fois dans le labyrinthe, maintenant il pouvait bien retourner cette faveur, n'est ce pas ? Alors, sans réelle délicatesse, je m'étais laissé tomber à ses côtés, plaçant mes mains sur son épaule pour le secouer légèrement en murmurant un petit « Mallaury, Mallaury... » il n'avait pas l'air décidé à émerger, mais moi, je ne comptais pas laisser cette occasion passer, oh ça non. « Vite, réveille toi, on va louper le coche ! » que je reprends en le secouant toujours un peu plus. « Où est ta montre ? » je m'agitais dans tous les sens, cherchant du regard ladite montre avant de la repérer sur sa table de nuit. Alors évidemment, je me penchais au dessus du blondinet, l'écrasant un peu au passage, juste pour attraper du bout des doigts l'objet. Voilà ! Reprenant ma place à ses côtés, je m'appuyais sur mes coudes, regardes rivés sur le cadran. Oui, je devais avoir l'air d'un gamin à scruter la montre de Mallaury, juste pour regarder les minutes tourner, chaque aiguille ayant son importance. C'était pour bientôt. « Vite, vite, vite, regarde ! » que je reprenais alors qu'il commençait peu à peu à s'éveiller. « Cinq, quatre, trois, deux, un... » mes prunelles devaient probablement cracher un million d'étoiles avant de finalement se fermer. « Zéro. ». Voilà, il était onze heures onze minutes et onze secondes, et nous étions le onze novembre. Je restais cinq bonnes secondes ainsi avant de finalement rouvrir les yeux, mes prunelles s'encrant dans celles de Mallaury. « Tu as fait un voeux ? » parce que moi, c'était le cas.

Je ne m'étais pas franchement gêné pour déranger Mallaury, mais je savais qu'il ne serait pas du genre à râler pour ce genre de choses. J'aurais sauté sur Ghika ou Alistair, le résultat aurait très certainement été le même, mais puisque je ne savais pas s'ils avaient des montres, je n'avais aucune raison d'aller les retrouver. Non et puis Mallaury était quelqu'un de plutôt agréable, son humeur était toujours plus ou moins constante et si il devait très certainement se torturer l'esprit seul, il n'embêtait jamais les gens qui l'entouraient. Je m'étais donc saisi de la montre du candidat sans franchement lui demander, imaginant qu'il n'aurait rien contre cela. En même temps je ne comptais pas non plus repartir avec, non, je souhaitais juste regarder les aiguilles tourner le temps d'une poignée de secondes. Pas beaucoup. Pas plus d'une minute, oui. Le blondinet avait tout de même l'air un peu à l'ouest, à me demander s'il était déjà midi. « Non, non, il est à peine onze heures. » donc il comptait se lever à midi ? Autant vous dire que s'il avait s'agit de quelqu'un d'autre, j'aurais discrètement commencé à me retirer, histoire de ne pas m'en manger une, ou de passer par la fenêtre. J'étais presque certain que Lou ou Andreja étaient assez forts pour me soulever en plus, alors je n'allais clairement pas tenter le diable avec eux. En tout cas, l'heure tournait, et seulement quelques secondes nous séparaient maintenant du grand moment, si bien que je me voyais dans l'obligation de faire le décompte. Mallaury lui, il ne comprit apparemment pas tout de suite. Voilà, on y était ! Avait-il fait un voeu ? Apparemment pas puisqu'il n'avait pas compris à temps. « Rah non, je crois que c'est fini là, les secondes comptent aussi... » dis-je en hochant la tête avant de passer une nouvelle fois au dessus du candidat, l'écrasant au passage, pour reposer sa montre sur la table de nuit. Je me laissais finalement retomber à ses côtés alors qu'il me disait qu'il n'avait jamais vu quelqu'un d'aussi enthousiaste auparavant, en cette heure précise. « Vraiment, tu ne connais personne de superstitieux ? » dis-je en m'allongeant de tout mon long sur le lit, quelque peu étonné. Tout le monde connaissait au moins une personne du genre non ? « Cela dit, au moins la prochaine fois, ça te fera penser à moi. » un sourire avait fini par étirer mes lèvres tandis que mes prunelles noisettes se plantaient dans les siennes. « Comment ça se fait que tu sois encore au lit d'ailleurs ? Je pensais te trouver dans le salon, ou dehors entrain d'analyser une nouvelle fois le labyrinthe. » Autant vous dire que c'était peine perdu, personne n'arriverait jamais au bout, tenté qu'il y en ait un.

Mallaury avait donc raté le coche, malheureusement pour lui puisqu'il n'avait pas réussi à comprendre assez rapidement qu'il fallait faire un voeu. Cette occasion n'arrivait qu'une fois par mois, c'est à dire qu'il pourrait retenter sa chance le douze décembre à midi douze et douze secondes. Et après ça serait le premier janvier, voilà. En y repensant, c'était assez injuste pour "minuit", parce qu'il n'existait pas de jour ni de mois zéro. Ainsi cette heure là était tout de même bien mise de côté, à sa place je le prendrais plutôt mal d'être moins intéressante que les autres aux yeux des superstitieux. J'espérais tout de même que le blondinet n'était pas trop déçu, à sa place je l'aurais très probablement été, mais il faut dire que je restais plutôt pointilleux à ce sujet alors je n'étais pas certain que ça pourrait l'atteindre autant que ça m'aurait atteint moi. « Au pire si tu veux vraiment réaliser ton voeu, on pourra aller à la fontaine après ! Elle marche moins bien que cette façon là, mais elle a déjà réalisé quelques un de mes désirs, du coup ça devrait le faire si celui que tu veux reste raisonnable. » Je ne savais pas trop quel genre de voeu Mallaury pourrait vouloir mais je ne comptais pas lui demander, non, non, il ne fallait pas le lui briser avant même qu'il n'ait eu le temps de le prononcer. Apparemment il avait déjà connu quelqu'un de superstitieux, il y avait longtemps maintenant. Oh. À tous les coups on se serait sacrément bien entendu, cette personne et moi. Le garçon me racontait ensuite pourquoi il était encore au lit à cette heure ci. Enfin, dormir à onze heures, ça n'était pas non plus un sacrilège, qu'on se le dise vu que d'autres devaient certainement le faire, mais j'avais toujours imaginé Mallaury comme étant un lève tôt, tout comme moi. Il avait donc attrapé un coup de froid, ou quelque chose du genre. « Oh et... ça va mieux ? Tu ne veux pas que j'aille te chercher un thé par hasard ? » Je buvais du thé sous n'importe quelle excuse, probablement juste pour en boire plus que pour me guérir. Mallaury était donc également vacciné du labyrinthe. « Eh bien moi, je suis curieux... Tu sais, à chaque fois je me dis qu'il ne faut pas que j'y aille parce que je ne vais pas savoir revenir... Et puis finalement, j'ai tellement envie de savoir ce qu'il y a au bout que je finis toujours par y remettre les pieds. Je suis décidément trop curieux... » dis-je en faisant naviguer ma tête de droite à gauche alors qu'une légère grimace s'installait sur mon visage. Mais bon, ça n'était pas nouveau ça, j'avais toujours besoin de résoudre tous les mystères qui m'entouraient, bien que j'essayais tout de même de faire des efforts. Oui, je restais raisonnable, dans la limite du possible. Le garçon s'intéressa ensuite à mon aventure, et mes lèvres s'étirèrent à leur tour en un sourire. « Oui, je me plais vraiment ici. J'ai plus l'habitude d'être entouré d'autant de personnes, alors du coup, à mes yeux c'est comme si nous étions une grande famille, tu vois ? Je sais que ça peut paraitre plutôt naïf de ma part de penser ça, d'autant plus que certains ne peuvent tout simplement pas s'entendre, mais c'est l'impression que j'ai... Du coup je crois qu'il ne me tarde vraiment pas de rejoindre l'extérieur. » Pas tant que je n'aurais pas résolu certains détails de ma vie actuelle en tout cas. Je ne pouvais simplement plus me réintégrer dans la pauvre petite vie d'Adnan, que j'avais avant d'entrer ici. J'avais besoin d'avancer d'une manière ou d'une autre.

J'espérais fortement que m'on voeu serait exaucé. Et si vous attendiez que je vous dise de quoi il s'agissait, vous risquiez d'attendre un petit moment puisque je n'étais pas prêt d'en parler. Non, j'avais bien conscience que si je vous en disais plus, je risquais de briser ses chances de se réaliser un jour, et croyez moi que je savais garder un secret ! Oh et je ne parlais évidemment pas de secret comme celui que Ghika m'avait convié à propos d'Aaron, comme quoi il ne l'appréciait pas trop. Non, moi je vous parlais de vrais secrets, avec une importance capitale. Il fallait faire la distinction. Et celui ci en était un, de vrai, car je savais que si je venais à parler un peu trop de celui ci, la sanction risquait d'être plus impitoyable que je ne le souhaiterais. Mallaury avait donc raté le coche, mais rien n'était totalement perdu. Au fond j'étais à peu près certain que l'on pouvait faire des voeux un peu n'importe où, n'importe quand. La fontaine était quand même le premier endroit qui me venait à l'esprit, principalement parce que Cupidon nous avait plutôt bien expliqué son utilité, et Mallaury semblait être un de ses adeptes. Pourtant nous ne nous étions pas souvent croisés là bas, jusqu'ici. Il faut dire que le nid était tellement grand et que l'on n'y passait rarement plus de cinq minutes. Mais j'y allais bien au moins une fois par semaine, comme une sorte de rituel quotidien. Quelque part, ça m'amusait plus que je n'y croyais réellement, à tord très certainement. Si Cupidon nous disait qu'elle réalisait bel et bien les souhaits, c'est que ça devait être vrai n'est ce pas ? L'irlandais me disait ensuite qu'il faisait toujours le même voeu, et j'hochais la tête quelque peu intrigué. Une part de moi avait envie de savoir de quoi il s'agissait, mais l'autre, plus importante, voulait avant tout que son voeu se réalise, et m'empêchait donc de gratter la moindre information. Si il le faisait à répétition, c'est que celui ci devait avoir de l'importance à ses yeux. « Je vais probablement te paraitre un peu niais mais... L'importance c'est d'y croire, il parait. » mes lèvres s'étirèrent en un sourire rayonnant. Qu'il soit raisonnable ou non, oui, je crois que le principal restait tout de même toute la foi que l'on mettait, à quel point on souhaitait le voir se réaliser. Et d'après moi, rien n'était jamais impossible pour ceux qui s'en donnaient réellement les moyens. Alors oui, le voeu de Mallaury pouvait peut-être lui paraitre hors de portée pour le moment, mais il serait surpris de savoir à quel point les choses pouvaient parfois prendre une tournure plus qu'inattendue. Du moins, c'est ce que j'espérais pour lui, autant que pour moi et mon bagages un peu trop important de souhaits, hm. Dans tous les cas, le blondinet était d'après lui encore malade, et qu'il allait tout d'abord se concentrer à ne pas rendre son déjeuner avant de penser à avaler quoi que ce soit d'autre. Eik, autant vous dire que je m'étais quelque peu décalé pour le coup, ne pouvait réprimander une légère grimace. « Essaie d'épargner mon tee shirt alors... C'est un cadeau d'anniversaire de mes vingt ans... Probablement un des seuls vêtements que Clémentine n'a pas souhaité jeter d'ailleurs... Enfin, c'est probablement parce que ça n'est pas moi qui l'a acheté. » Un léger rire s'échappa finalement de mes lèvres. Bon, il est vrai que je n'avais pas les meilleurs goûts au monde et ce tee shirt, un peu trop ample pour moi, n'avait rien de particulier non plus, pourtant j'y portais une affection toute particulière et souhaitais le conserver le plus longtemps possible. Je lui parlais ensuite de ma lubie explorative, me demandant toujours ce qui pouvait bien y avoir au fin fond du labyrinthe. Il me disait qu'il viendrait à ma rescousse accompagné si jamais il voyait que je manquais à l'appelle, et une moue amusée s'esquissa sur mon visage. « J'espère bien ! Même le meilleur des aventuriers a besoin d'aide parfois. (...) Bon d'accord, je ferais un explorateur de pacotille vu mon adresse habituelle, mais... là aussi, le plus important c'est d'y croire ? »  Oui enfin... « C'est fou comme cette expression peut être sortie à toutes les sauces. » finis-je par ajouter en riant quelque peu. Parce que bon, même si j'y croyais de toutes mes forces, il y avait peu de chance pour que j'arrive à passer une seule semaine sans casser quoi que ce soit, ou sans me perdre. Ah non, ça serait bien mal me connaitre. « Tu prendrais qui pour venir me chercher d'ailleurs ? Des gens de confiance j'espère. » Parce que s'il faisait appelle à des Percy ou des Isaac, il y avait des chances pour que ces deux là s'amusent à nous perdre plus qu'à nous aider. Ça les ferait bien rire, et en y repensant après coup, ça me ferait probablement rire également. Mais bon, j'allais tout de même éviter le dire trop fort, hm. J'ajoutais ensuite que je me plaisais ici, et qu'il ne me tardait pas vraiment de sortir, ce qu'approuva le jeune homme qui semblait apparemment être dans le même cas que moi. Et on pouvait dire que j'étais totalement d'accord avec lui sur tous les points qu'il pouvait évoquer. « Je... Je ne sais pas ce qu'il va m'attendre non plus. » répondis-je alors que mon regard s'accrocha un instant au sien, avant de finalement ricocher sur le plafond. « J'ai besoin de tout changer également, je le sais. Je vis encore chez mes parents, je ne fréquente personne d'autre que les gens de mon travail... et puis je... j'ai l'impression d'avoir totalement baissé les bras. Comme si je n'avais plus aucun goût pour la moindre chose. Avant, j'étais excité à l'idée même de sortir, mais maintenant, tout me semble plus ou moins fade. » Je n'étais pas certain qu'il pourrait comprendre ce que j'étais entrain de lui dire. « Comme si j'étais devenu invisible. Comme si je ne savais simplement plus qui j'étais ou ce que je voulais devenir... » me mordant la lèvre inférieure, mes prunelles se déposaient finalement une nouvelle fois dans les siennes avant d'ajouter. « Ici, j'ai simplement l'impression d'être vivant. Et je crois que c'est ce que j'aimerais ressentir là bas, dehors. » Oui vraiment. Je voulais que ma vie reprenne des couleurs.