how to resist to tentation
ft. Alistair & Andreja

Il avait lâché un nouveau soupir, blasé et excédé par la masse d'ennui qui lui pesait sur les épaules depuis le début de l'après-midi. Il avait l'impression que cette semaine passait plus lentement que les autres, peut-être parce que le prime avait été déplacé au lundi soir, peut-être parce que le nid se vidait petit à petit, peut-être parce que l'impossibilité de communiquer avec l'extérieur commençait à lui peser un peu. Un peu seulement, et pourtant cela ne voulait en rien dire que ce fichu détecteur avait eu raison en insinuant que l'extérieur ne lui manquait pas. Andreja était pourtant familier de cette sensation, le manque, et être ici ne changeait en rien tout cela. Même s'il ne niait pas non plus se sentir plus libre ici qu'il ne l'avait été ces dernières années, paradoxalement, et il savait que se réadapter à son quotidien ne se ferait sans doute pas sans mal ... A quoi bon penser à cela maintenant, ceci dit. Toujours est-il que ce soir il voguait dans le nid telle une âme en peine, quand en réalité il n'était qu'une âme que l'ennui profond menait à la détresse ; A tel point que pour la douze millième fois de la semaine (au moins, oui) il s'était aventuré du côté de la salle de contrôle pour lorgner du côté de la roulette russe. Il ne fallait pas la tourner, il ne devait pas la tourner. Il avait eu trop de chance jusqu'à maintenant avec la roulette, jamais aucun retour négatif, et il savait bien que sa chance finirait par tourner. Et s'il nominait Pia ? Et s'il perdait la cagnotte qu'il avait du se refaire après avoir filé un paquet de blé à Adnan ? Et puis les enchères se terminaient ce soir, ce n'était pas le moment de jouer au con. Mais bon dieu, il ne serait pas contre quelques indices pourtant ... Non. NON. Se figeant un peu plus en entendant la porte grincer derrière lui, il prenant l'arrivée d'un ou d'une candidate comme un signe divin ou presque, et se retournant pour découvrir l'identité du visiteur il avait posé un regard presque soulagé sur Alistair avant de lui faire savoir « Tu juste me éviter de faire un connerie. » Mais genre vraiment, c'était limite s'il n'avait pas la main sur la roulette quand il était entrée, mais son envie de la tourner était redescendue aussi vite qu'elle était arrivée maintenant qu'il n'était plus seul. Perdre la face en se mangeant une nomination ou une perte de pognon face à quelqu'un ? Non, il s'en passerait volontiers. « Tu encore te approcher de elle, toi ? » De la roulette, donc, mais il n'y avait pas non plus trente-six choses dont il pouvait être en train de parler. Faut dire que la roulette n'avait pas toujours épargné Alistair, elle lui avait filé un paquet de fric certes, mais elle l'avait aussi nominé plusieurs fois, alors ils semblaient avoir une relation un peu en dents de scie.

Le problème quand il rencontre Lou sur son chemin, c’est qu’il finit forcément de mauvaise humeur, même que le marin ne se montre pas aussi virulent que les premières semaines. Aujourd’hui ne fait pas exception à la règle, donc, puisqu’après avoir croisé le chemin du candidat en début d’après-midi, c’est légèrement agacé qu’Alistair aborde désormais cette soirée. La simple présence du candidat suffit à l’énerver, il n’a pas besoin de plus. Alors il erre dans le nid tel le fantôme que Siomha voit en lui, cherchant la moindre activité susceptible de l’occuper. Ou alors, simplement un endroit où il serait certain de ne pas tomber sur Lou, son après-midi fut gâché, il n’y a pas besoin que sa soirée connaisse la même issue. Finalement, au détour d’un couloir, il repense à la salle de contrôle. Elle ne l’intéresse pas cette pièce, il n’aime pas l’idée d’être surveillé ni de surveiller les autres. Il a suffisamment été l’objet de surveillance durant quelques années pour ne pas vouloir se retrouver à la place de ceux qu’il détestait tant il n’y a pas si longtemps. Non, s’il prend le chemin de cette salle, c’est pour s’attarder sur les ordinateurs qu’elle contient. Il n’aime pas les ordinateurs, mais il a entendu dire que ceux-ci avaient des jeux préinstallés. Le temps de comprendre le fonctionnement de la machine puis de trouver les fameux jeux, ça l’occupera quelques dizaines de minutes, pour qu’il parvienne à oublier la rencontre avec le marin. Lorsqu’il pénètre dans la pièce, il constate qu’il n’est pas seul, Andreja étant déjà sur les lieux et déclarant qu’il vient tout juste de lui éviter de faire une connerie. « À ce point ? » Il ne voit pas vraiment de quelle connerie il parle, bien qu’il suppose qu’il y ait un lien avec la roulette russe, à en croire la main d’Andreja pratiquement posée sur celle-ci. Oui, il va garder cette théorie, Andreja le reprendra si nécessaire. « Tu sais, cette roulette-là, elle ne risque pas de te prendre la vie. » Alors il ne voit pas en quoi cela serait une connerie de la tourner. Non, elle est plutôt sympathique cette fameuse roulette. Enfin, certains visages lui reviennent mieux que d’autres, il sait notamment que Mallaury n’est pas le meilleur ami de la roulette quand d’autres sont particulièrement chanceux, comme Paloma. En parlant de la roulette, si Alistair s’en approche encore ? « Oui. Elle a fait un peu la capricieuse il y a quelques semaines, mais elle commence à se faire pardonner. » Il n’y a qu’à voir les 12’000€ qu’elle lui a reversé la semaine dernière et l’indice qu’il a déjà remporté cette semaine. D’ailleurs, il est fort probable qu’il touche à nouveau à celle-ci dès demain, puisque les enchères seront terminées et que quitte à perdre sa cagnotte, autant que ce soit quand celles-ci sont terminées, même s’il espère la remplir plutôt que de la vider, c’est certain. Mais globalement, Alistair ose s’approcher de la roulette sans le moindre souci. Il pense que son parcours ici arrive à son terme, alors quitte à forcer le destin avec une nomination… Quant à sa cagnotte, il ne validera celle-ci que s’il parvient jusqu’en finale et il en doute fortement à vrai dire. Alors, il ne perd rien. « C’est quoi, le lot qui t’intéresse ? » Alistair, au départ, c’était l’argent, mais après avoir remporté plus de 30’000€ grâce à la roulette depuis qu’il est ici, il doit admettre que ce sont désormais les indices qui lui font de l’œil. « Tu es venu que pour elle ou tu venais aussi espionner ? » Et par elle, il entend bien évidemment la roulette. Est-ce la seule chose qui ait motivé le serbe à se rendre jusqu’ici ? En tout cas, Alistair n’attend pas de réponses, préférant s’asseoir face à l’un des ordinateurs et tentant désespérément de comprendre le fonctionnement de celui-ci pour arrêter la diffusion des images qui concernent la vie de ces petits camarades pour y trouver le menu des jeux. Autant dire que c’est mal parti, l’anglais ne possédant pas de machine du genre et détestant, en temps normal, tout ce qui se rapporte à la technologie.

Vraiment, c'était une fausse bonne idée cette roulette, surtout maintenant. Les demi-finales approchaient à grand-pas, et certes les primes regorgeaient souvent de traquenards et de cadeaux empoisonnés qui pouvaient mener à une nomination d'office, mais était-ce une raison pour jouer avec le feu et aggraver son cas ? Assurément pas, et outre l'esprit de compétition qui l'animait comme tout bon joueur et ne lui donnait pas plus envie qu'un autre d'être éjecté avant la fin, il avait d'autres raisons qui lui étaient propre de ne pas vouloir sortir trop tôt, ou pas avant que le retour des anciens ne soit possible. Alors s'il exagérait ce n'était qu'à peine selon lui, lorsqu'il avait assuré à Alistair qu'en arrivant dans la pièce au moment fatidique il lui avait évité de faire une connerie. « À ce point ? » Tout à fait, à ce point. Sa chance avait tourné, c'était presque une certitude, et il n'avait pas envie de donner à la roulette une occasion de lui reprendre tout ce qu'elle lui avait si gracieusement filé depuis le début de la saison. A commencer par sa cagnotte, il en avait encore besoin, il y aurait d'autres enchères la semaine prochaine, des enchères qui leur concernerait peut-être. « Tu sais, cette roulette-là, elle ne risque pas de te prendre la vie. » Non mais, certes il avait bien compris, il n'avait pas dit connerie dans ce sens là, mais Alistair devait bien avoir compris où il voulait en venir, non ? Quoi que ce n'était pas certain, après tout ses mésaventures avec la roulette certaines ne semaines ne semblaient jamais lui avoir servi de leçon. A tort ou à raison, ce n'était pas à Andreja de trancher. « Ça être la seule. » avait en tout cas répondu le serbe du tac au tac et sans y réfléchir plus que cela. Mais ce n'était bien qu'une expression imagée, il avait bien compris qu'ici la roulette russe n'avait rien de plus à vous faire perdre que la face, ou votre cagnotte. Ni l'un ni l'autre de ces cas n'étaient de vie ou de mort, mais lorsque l'on était un minimum joueur cela ne rendait pas moins rageant le fait de perdre. Mais il en concluait donc que malgré les risques Alistair faisait partie de ces kamikazes qui continuaient de la tourner contre vents et marées, et advienne que pourrait ? « Oui. Elle a fait un peu la capricieuse il y a quelques semaines, mais elle commence à se faire pardonner. » Ah bah ça elle pouvait, après deux nominations d'office, essayer de se faire pardonner. Andreja aurait eu la dent beaucoup plus dure qu'Alistair à ce sujet, à coup sûr, probablement encore plus si elle avait nominé Pia que lui-même pour dire la vérité ... Mais peut-être qu'il y avait aussi un peu de ça, Alistair ne se souciait pas forcément autant de nominer sa partenaire qu'Andreja pouvait le faire avec la sienne. « Et donc, tu plutôt être le genre qui pardonner facilement ? » C'était ce qu'en concluait le blond pour l'instant, et pourtant il ne saurait pas trop dire pourquoi mais ce n'était pas l'image qu'il se faisait d'Alistair, celle d'un mec pas rancunier pour trois sous. Il ne saurait pas dire pourquoi, cela ne cadrait simplement pas avec l'image qu'il se faisait du britannique, mais après tout il se trompait peut-être. Se détournant en tout cas définitivement de la roue Andreja était allé se poser contre l'un des murs de la pièces tandis qu'Alistair reprenait avec curiosité « C’est quoi, le lot qui t’intéresse ? » En vérité il ne savait pas trop, c'était un peu stupide mais c'était surtout la notion de surprise qui l'intéressait, plus que le gain en lui-même ... A condition que la surprise soit bonne, certes. Pour autant il ne cracherait pas sur un buzz gratuit, et il regrettait que l'on puisse nominer sa partenaire mais pas l'immuniser. De l'argent aussi, ça ne se refusait jamais ... et puis il y avait les indices aussi, ça ne faisait jamais de mal. « Hm, des indices ... Ou un buzz gratuit. Je pas encore en avoir un depuis le début. » Pendant que certains en gagnaient pratiquement un par semaine et pouvaient à loisir vérifier toutes les théories farfelues qu'il voulait, lui avait attendu son tour sans jamais voir un buzz gratuit arriver. On ne pouvait pas tout avoir, certes, mais enfin il devait bien avouer que c'était ce qui lui donnait envie de tourner cette roue sans cesse, alors que l'idée était mauvaise. « Tu es venu que pour elle ou tu venais aussi espionner ? » Espionner ? Ah oui, les écrans ! Il les avait presque oubliés, c'était dire à quel point il en avait fréquemment l'utilité. S'avançant en tout cas à côté d'Alistair il s'était emparé de sa souris pour lui venir en aide dans sa recherche des jeux, en lieu et place des images de la piscine désertes qui défilaient sur l'écran sur lequel il avait jeté son dévolu. Andreja n'était pas un as de l'informatique, loin de là, surtout sur un ordinateur en anglais alors que le sien était en serbe, sans surprise. Mais il savait se dépatouiller un minimum maintenant, à force que Skype soit devenu le meilleur de ses amis puisque lui permettant de communiquer avec sa famille à toute heure du jour et de la nuit si cela lui faisait plaisir. « Hm non, la roulette ... même si il parait espionner ça être bon, pour trouver des secrets. » Enfin bon, à titre personnel ce n'était pas en espionnant Tilda quand elle faisait sa lessive, lisait dans la bibliothèque ou prenait sa douche (bien que la vue ne doive pas être désagréable, s'était-il surpris à penser) qu'il avait réussi à trouver son secret. Il n'était pas sûr que la méthode de l'espionnage soit au point, il y avait peu de chances que les secrets d'Isaac et Pia aient été trouvés ainsi. « Je peuve te poser une question ? » avait-il demandé en semblant changer de sujet, tandis qu'il retournait s'adosser au mur, gardant un oeil sur Alistair et tournant ostensiblement le dos à la roulette russe « Y'a, hm, longtemps je te demander tu faire quoi dans la vie, et tu dire avant tu vouloirais être ... édu-cateur spécialiste ? » Bon, c'était presque ça, mais cela remontait à loin et ce n'était pas le genre de terme qu'il retenait en priorité dans une conversation, généralement il se contentait du vocabulaire qui pourrait lui être utile à lui par las suite. Là n'était pas le sujet, à cet instant, et il avait continué « Pourquoi tu parler comme si ça être trop tard ? Tu pas être plus vieux que moi, tu encore avoir le temps pour changer de ton métier si tu préférer autre chose ... » Vingt-huit ans c'était encore jeune, au fond, assez pour pouvoir envisager une reconversion (ou une conversion tout court, à vrai dire la situation professionnelle actuelle d'Alistair lui apparaissait toujours comme très floue). Pourquoi avoir abandonné une vie qu'il avait avant, et ne pas l'avoir suivie ? Il était peut-être trop curieux, mais comme à chaque fois qu'il l'était avec Alistair il gardait à l'esprit que si vraiment une question le dérangeait le brun n'hésiterait probablement pas à le lui faire savoir.

Il l’a empêché de faire une connerie, vraiment ? Cela lui semble un peu extrême comme façon de voir les choses. Mais bon, Alistair ne considère pas une mise à la roulette comme une connerie, peut-être parce qu’il s’estime plutôt chanceux avec cette dernière – ce qui contraste avec sa chance à l’extérieur, par ailleurs. Et puis, il ne craint pas de se manger une nomination d’office, surtout maintenant que l’aventure touche à sa fin et qu’ils vont sûrement tous se retrouver face aux votes du public. Le seul gain qui le dérangerait beaucoup, c’est la perte de sa cagnotte. Il ne s’en remettrait pas, puisqu’elle est estimée à 40’000€ et des poussières, alors oui, il l’aurait mauvaise de la perdre à un jeu de hasard, bien qu’elle soit encore dans le domaine du fictif pour l’instant. Enfin, pour en revenir à Andreja, il a de la peine à comprendre que ce soit une véritable connerie pour lui de tirer la roulette, surtout que, comme l’anglais le précise, celle-ci n’est pas susceptible de lui ôter la vie, hein. Il n’a donc pas à s’inquiéter pour cela, vraiment, il peut miser un coup s’il le souhaite. C’est la seule, Andreja rétorque et Alistair se contente d’acquiescer silencieusement, avant que son camarade lui demande s’il ose encore l’approcher. Oh oui, chaque semaine, parce que même si elle a joué à la capricieuse il n’y a pas si longtemps, elle commence à se faire pardonner. La réflexion d’Andreja lui fait froncer les sourcils. « Oui. Ça t’étonne ? » Il demande, curieux. Ce n’est pas la première fois qu’il est confronté à une question à propos de sa capacité à pardonner. Mais aussi surprenant que cela puisse paraitre, il n’est pas vraiment rancunier. D’ailleurs, il a précisé dans sa fiche de casting qu’il s’agit du défaut qui lui fait horreur, c’est dire. Certes, il lui arrive de se fâcher quand quelqu’un a effectivement poussé le bouchon un peu trop loin avec lui et de ne pas être en mesure de pardonner dans l’immédiat. Mais globalement, il n’est pas rancunier, parce qu’aussi surprenant que cela puisse paraître, il est tolérant, Alistair. Bon, ceci dit il y a pardonner et pardonner, il n’est pas crédule et il est difficile de se mettre l’anglais dans la poche avec un simple mot d’excuse. Quoi qu’il en soit, il préfère se concentrer sur la roulette qu’Andreja semblait prêt à tourner avant qu’Alistair fasse irruption dans la pièce. C’est lequel, le gain qui l’intéresse le plus ? Parce que même si la tentation de tourner la roulette est grande, on ne le fait pas par simple plaisir, il y a souvent une envie cachée derrière une mise. Et donc, pour Andreja, c’est des indices ou un buzz gratuit, puisqu’il n’en a pas encore eu depuis le début de l’aventure. « Tu dois bien être le seul. » Même Mallaury, contre qui la roulette a quelque chose, en avait remporté un, c’est pour dire. Et même Alistair en avait remporté deux, même s’il avait laissé le premier se perdre puisqu’il n’avait aucune idée de qui buzzer. Le second avait servi à concrétiser ou non une théorie sur le serbe, et c’était finalement la deuxième option qui l’avait emportée. « Tu es sur le secret de qui, à présent ? » À présent qu’il avait dévoilé celui de Tilda. Peut-être que l’italienne n’était pas sa cible principale, mais si elle l’était, le serbe doit désormais se trouver une autre cible et laquelle est-ce ? Alistair finit par demander à Andreja s’il est venu ici juste pour la roulette ou s’il est également intéressé par le fait d’espionner les autres. En attendant sa réponse, l’anglais s’empare d’un des ordinateurs, tentant tant bien que mal de faire disparaitre les images des caméras au profit du menu des jeux. Il n’a pas trente-six solutions quant à savoir ce qu’Alistair veut faire ici, puisqu’à part les caméras, ils ne peuvent compter que sur des jeux, puisqu’ils ne possèdent pas le moindre accès internet – ce qui n’est pas un mal pour Alistair. Visiblement, cela doit se voir qu’il galère puisque son colocataire ne tarde pas à venir à sa rescousse, s’emparant de la souris pour parvenir, en quelques clics, à lui sortir le menu des jeux. Impressionnant. « Merci. » Il rétorque en ayant enfin un choix de jeu sous les yeux. Maintenant, reste plus qu’à se décider. « Je déteste les ordinateurs. » Il ajoute, comme une tentative ultime d’excuser sa nullité face à eux, alors que vu son âge, il devrait être très branché technologie. Mais non, ce n’est pas le cas et il le prouve encore aujourd’hui. Andreja répond ensuite à question, expliquant qu’il est venu ici principalement pour la roulette, bien que l’espionnage puisse être utile pour trouver les secrets. « C’est ainsi que tu as percé Tilda à jour ? » En l’espionnant ? Enfin, il doute que cela puisse être le cas puisqu’elle n’a pas un secret qui nécessite une grande observation, puisqu’il ne s’agit pas de quelque chose qui se voit sur elle. Andreja lui demande ensuite s’il peut lui poser une question, ce à quoi Alistair hoche simplement la tête. Mais le serbe ne perd pas de temps et ne tarde pas à la poser, sa question. Ou plutôt, à l’introduire, puisqu’il lui rappelle dans un premier temps leur rencontre dans l’ascenseur, quand Alistair en avait dit un peu plus sur sa situation professionnelle et avait avoué le métier qui lui plaisait quand il était gosse. « Éducateur spécialisé. » Il corrige. Il ne l’a pas corrigé depuis quelques temps, mais là, sans savoir pourquoi, cela s’impose à lui. Ce qui est bizarre puisqu’à choisir, c’est bien l’un des seuls termes de la phrase du serbe qui est à peu près correct. Il comprend que la question n’est pas terminée alors Alistair se tait, attendant avec une certaine appréhension la suite, sachant pertinemment qu’il risque de ne pas apprécier la question puisque celle-ci le renvoie, indirectement, à la vie qu’il aurait voulue et qu’il regrette encore parfois. Finalement, la réflexion d’Andreja le fait légèrement sourire. Oh, s’il savait. S’il savait aucune reconversion n’est possible pour lui et surtout pas dans ce métier-là, tant c’est l’hôpital qui se fout de la charité. « Parce que ça l’est. » Trop tard, donc. Oui, c’est trop tard. Peut-être pas pour d’autres qui parviennent à effectuer une reconversion professionnelle même à quarante ans, mais pour Alistair ça ne serait que du temps de perdu et pour plusieurs raisons, qu’il ne va pas tarder à expliquer à Andreja.  « Je ne suis déjà pas en mesure de m’occuper de moi-même, je serais donc mal placé pour m’occuper des autres. » Première raison et pas des moindres. Il renvoie peut-être l’image d’un type relativement indépendant et c’est le cas. Mais il n’empêche pas qu’Alistair est probablement la personne la moins bien placée pour s’occuper des autres alors qu’il peine déjà à se gérer tout seul. Ce n’est pas pour rien que Peter tient un grand rôle dans sa vie. Mais, clairement, il n’est pas fait pour ce travail. Que fera-t-il s’il venait à se retrouver face à un adolescent en difficulté qui envisage le suicide ? Il serait probablement le premier à le convaincre de passer à l’acte, autant dire qu’il n’est pas fait pour ce travail, du moins, l’Alistair d’aujourd’hui n’est pas fait pour celui-ci. Et puis, ça se voit sur sa tête, tout simplement, que ce n’est plus un métier pour lui. Alors oui, la question d’Andreja est assez drôle tant elle est en décalage avec la réalité. « Et puis, je n’ai pas fait les études pour et j’arrive déjà à peine à convaincre certains patrons de m’employer, même quand il s’agit simplement de conduire une camionnette toute la journée, alors pour ça, je doute sincèrement qu’on me laisse ma chance. » Il marque une pause, c’est probablement la phrase la plus longue qu’il ait prononcé depuis qu’il est ici, c’est dire. Mais oui, sa scolarité fut particulière et il s’est donc contenté de décrocher un A Level après avoir fait pratiquement toute sa scolarité par correspondance, se coupant donc des contacts sociaux et n’étant pas en mesure d’avoir un pied dans ce métier en étudiant le comportement des autres. Et puis, il est vrai qu’il galère déjà suffisamment pour se faire embaucher pour des métiers complètement bidons, de livreur de journaux à déménageur. Alors, non, clairement, on ne lui donnera pas sa chance pour un métier comme celui d’éducateur spécialisé. Mais il ne s’en plaint pas, il a fait une croix dessus depuis des années, il vit très bien avec l’idée de ne pas faire ce travail. « Tu as toujours voulu être garde du corps, toi ? » C’est stupide, mais il a de la peine à s’imaginer qu’il puisse s’agir d’un métier que l’on souhaite exercer depuis son plus jeune âge. Cela ne veut pas dire que c’est un métier indésirable, loin de là, mais peut-être qu’Andreja avait, comme lui, d’autres ambitions qui ne se sont jamais réalisées.

Les relations qu'entretenait Andreja avec la roulette russe depuis le début de la saison étaient au beau fixe, on pouvait même dire que c'était l'amour fou, mais c'en était justement presque trop beau pour être vrai, tel l'iceberg dont on ne voyait que la surface mais qui cachait bien plus moche sous l'eau. La partie immergée de l'iceberg c'était un peu le retour de manivelle que la roulette russe préparait au serbe, sans mauvais jeu de mots en terme de nationalité, et il était certain que le jour où elle déciderait de changer la donne ce ne serait pas joli. Et à ce stade du jeu il y avait déjà tellement d'autres façons de prendre des risques, Andreja n'était donc pas certain de vouloir en rajouter potentiellement une couche. Alistair lui avait une relation plus compliquée avec la roulette, une sorte d'amour-haine qui ne disait pas son nom, mais qui le persuadait chaque semaine de revenir à la charge même lorsqu'elle lui faisait des crasses. Il n'était donc pas rancunier, mais plutôt du genre à pardonner facilement « Oui. Ça t’étonne ? » Est-ce que cela l'étonnait ? Cela sentait la question qui n'en était pas vraiment une, mais il faut dire qu'Andreja n'avait pas vraiment essayé de cacher son étonnement en posant sa question, alors dodelinant simplement la tête il avait répondu « Un peu. » sans chercher à nier. Ce n'était même pas une critique qu'il émettait, simplement une constatation. Il aurait en effet eu beaucoup de mal à critiquer si Alistair avait été du genre rancunier, puisque lui-même l'était affreusement. Trop diraient certains, et ils auraient sans doute raison, mais Andreja était ainsi fait. Pour en revenir à la roulette en tout cas oui, on avait toujours une raison de vouloir la tourner et le serbe ne faisait pas exception à la règle, mais puisqu'Alistair lui demandait de choisir il avait évoqué des indices ainsi qu'un buzz gratuit. Parce que les premiers étaient toujours utiles, et parce qu'il espérait le second depuis le début de la saison sans jamais y avoir eu droit encore « Tu dois bien être le seul. » Oh ça, ce n'était pas impossible, mais on ne pouvait pas avoir le beurre et l'argent du beurre et même sans buzz gratuit la roulette avait su se montrer plus que généreuse avec lui, il était loin de la poisse qui semblaient poursuivre Lou et Tilda dès qu'ils s'en approchaient. « Tu es sur le secret de qui, à présent ? » Il est vrai qu'il avait rempli un des objectifs qu'il avait énoncé à Sìomha dans son bilan il y avait de cela quelques semaines, en découvrant un secret avant de quitter le nid. La chance y était sans doute pour beaucoup, et il ne savait pas si elle le suivrait une seconde fois mais enfin, cela ne coûtait rien de continuer à chercher. « Lou, et toi. Je espère ça te embête pas. » C'était de bonne guerre pourrait-on dire, parce qu'après tout Alistair avait le premier buzzé le serbe et mis le doigt sur un morceau de son histoire personnelle bien que le buzz ne se soit pas révélé exact. Mais au fond Andreja lui n'avait jamais clairement fait savoir à Alistair que son secret l'intéressait, sans pour autant avoir jamais tenté de le cacher non plus. Preuve en était qu'il n'avait pas hésité à répondre à sa question. Et puis sa participation aux enchères ne laissaient guère de doute, si le secret d'Alistair ne l'avait pas intéressé il n'aurait pas souhaité dépenser autant d'argent - fictif, certes - pour deux indices. Observant un court instant le britannique tandis qu'il s'installait devant un des ordinateurs et tentait de se débarrasser des images de surveillance pour accéder aux jeux, le blond avait en fin de compte décidé de venir à sa rescousse avant qu'il ne fasse bugger la machine pour de bon. « Merci. Je déteste les ordinateurs. » Il avait esquissé un sourire, pas des plus étonné par cette confession mais ne jugeant pas utile de faire un quelconque commentaire à ce sujet. Après tout on ne pouvait pas être doué en tout, et qu'il sache retrouver le chemin jusqu'aux jeu ne faisait pas pour autant d'Andreja un expert en informatique, loin de là. « C’est ainsi que tu as percé Tilda à jour ? » avait en fin de compte repris Alistair en revenant au sujet initial, à savoir la recherche des secrets et l'utilité que pouvait ou non jouer l'espionnage là-dedans. C'était assez étrange d'ailleurs parce que bizarrement l'idée que des milliers d'inconnus les scrutent tous les jours depuis leur poste de télévision ne lui faisait pas grand effet, mais en revanche l'idée que l'un de ses petits camarades puisse (et ai pu) l'espionner depuis cette pièce le mettait un peu mal à l'aise. « Je observer beaucoup, et je écoute aussi, mais pas ici. » Il préférait l'observer en chair et en os, et l'écouter parler lorsque c'était à lui qu'elle s'adressait, plutôt que de jouer au stalker et d'espionner depuis la salle de contrôle ses faits et gestes. Raison sans doute pour laquelle il serait bien incapable de trouver le secret d'une personne dont il n'était pas un minimum proche, aussi. Se posant à nouveau dans un coin, tournant le dos ostensiblement à la roulette et préférant concentrer son attention sur le jeu d'Alistair (ou faisant au moins mine de s'y intéresser un peu), il avait sans prévenir changé à son tour de sujet et posé une question qui lui était restée dans la tête depuis leur entrevue dans l'ascenseur mais qu'il n'avait jamais pris le temps ou eu l'occasion de poser. « Éducateur spécialisé. » Oui bon, c'est ce qu'il voulait dire. Hm. Et donc, si c'était vraiment ce qu'il voulait faire pourquoi est-ce qu'il ne se lançait pas tout simplement, pourquoi est-ce qu'il en parlait comme s'il était déjà à la fin de sa vie et qu'il était trop tard pour en changer la direction ? « Parce que ça l’est. » Trop tard ? Il semblerait. « Je ne suis déjà pas en mesure de m’occuper de moi-même, je serais donc mal placé pour m’occuper des autres. » C'était un peu triste, comme constat. Ou plutôt c'était triste de voir qu'Alistair possédait si peu d'estime pour sa propre personne et pour ses capacités. Mais encore une fois qu'en savait-il lui, il ne connaissait pas son secret, ni sa vie à l'extérieur et peut-être y avait-il de bonnes raisons, sans doute. Mais Andreja voyait cela avec ses yeux, et ce qu'il voyait c'était le gâchis d'un type qui ne croyait pas assez en lui, parce qu'on lui avait répété que cela ne rimait à rien. « Et puis, je n’ai pas fait les études pour et j’arrive déjà à peine à convaincre certains patrons de m’employer, même quand il s’agit simplement de conduire une camionnette toute la journée, alors pour ça, je doute sincèrement qu’on me laisse ma chance. » Il avait croisé les bras lentement, écoutant Alistair débiter son explication sans le quitter des yeux, restant un instant pensif face à cette réponse avant de se contenter de hausser les épaules « Tu bien trouver quelqu'un qui te donne une chance, un jour. » C'était un peu bateau comme réponse, inutile de se voiler la face, mais ce qu'il voulait dire c'était que pour que cela arrive il fallait qu'Alistair y crois un minimum, parce que rien ne tombait jamais tout cru dans la bouche. Mais lui avait bien trouvé quelqu'un pour lui redonner une chance, alors après tout est-ce que ce n'était pas la preuve parfaite ? Comme s'il lisait dans ses pensées voilà d'ailleurs Alistair qui avait demandé « Tu as toujours voulu être garde du corps, toi ? » Peut-être devrait-il répondre oui, ce serait plus simple, mais ce serait mentir et si le britannique lui avait répondu avec honnêteté la moindre des choses était d'en faire autant. Parce qu'on savait comme Alistair était déjà du genre avare lorsqu'il s'agissait de parler de lui. « Non. Au début je travailler dans un club comme Jessica, dans sécurité, parce que le sport ça pas payer beaucoup. » Et que pour pouvoir se défaire un peu de l'influence de ses parents et particulièrement de son père il était nécessaire qu'il ne puisse compter que sur lui-même et n'ait pas à quémander le moindre centime à ses parents. « Et après je être professeur, de self-defense. Mais l'homme pour qui je être garde du corps maintenant, je avoir une dette avec lui, alors je pas dire non quand il me demander de rester à Chicago et de travailler. » Et probablement qu'il en serait ainsi jusqu'à ce que cette dette soit remboursée, mais Andreja n'avait aucune idée de quand cela pourrait bien être, ni de s'il parviendrait un jour à estimer être quitte face à cet homme. Alors il n'avait pas menti lors de leur première confrontation, quand il avait dit à Alistair qu'on lui avait fait une offre qu'il n'avait pas pu refuser. Il ne pouvait pas refuser.