Ce matin, je me suis réveillé dans mon ancien lit. Cela m'a fait bizarre. D'autant plus que cette fois, je n'ai pas eu à le partager avec Ana. Nope, pour moi tout seul. J'ai pu m'étendre autant que je veux, sans avoir à faire attention à ne pas donner de coups. C'est quand même différent de se réveiller en tant qu'ancien candidat, plutôt que candidat. Cela a une autre saveur. Ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose. Pas de stress des nominations. Pas de risques de faire une bourde sur mon secret. Bien sur il est censé resté encore secret, m’enfin vu que j’ai été éliminé, je ne risque pas grand-chose de plus à le révéler. Je n’ai plus à mentir non plus. Même si mes mensonges n’étaient pas forcément nécessaires de base… J’ai décidé de jouer le jeu ainsi. Faut dire que ce ne sont pas non plus d’énormes révélations. Enfin…Cela dépend du point de vue. Mais bon c’est pas le genre à se mettre des gens à dos, comme aurait pu le faire un Ghika par exemple. Enfin j’espère pas. Bref, un jour que je suis de retour. Et autant dire que je ne suis pas revenu dans les meilleures conditions qu’il soit. Faut le dire, l’ambiance était carrément merdique lors du prime. Alors je ne sais pas si c’était spécifique à celui-ci ou si c’était une habitude, mais en tout cas, c’était pourri. Alors qu’ils auraient du tous se jeter sur moi, heureux de me revoir, non ? Heureusement que Jessica était là, sinon je me serais senti bien seul je crois.
En cette fin de matinée, j’ai décidé de me rendre à la piscine. C’est que les températures sont plus chaudes maintenant. Et surtout comparé à l’Angleterre…J’ai troqué le blouson et le parapluie contre le short de bain et la serviette. Faut dire que ce ne sont pas les mêmes saisons. Chez moi, c’est bientôt l’hiver, alors qu’ici on début l’été. Et y a pas à dire, je préfère largement l’été comme période de l’année. Bref, j’aperçois Paloma dans l’eau. Forcément immédiatement, j’ai une idée en tête. Je saute dans l’eau, à côté d’elle, en mode bombe. Cela ne pouvait pas rater. Je ressors la tête hors de l’eau, tout sourire. « Avoues je t’avais manqué. » Ce genre de choses lui avaient manquées n’est ce pas ? « Il était temps que je revienne n’empêches. Un peu plus, et c’était le suicide collectif. » J’exagère à peine par rapport à hier soir. « On quitte le navire quelques semaines, et vl’a qu’il prend méchamment l’eau. » Je te jure. « Alors dis moi, comment ça va ? »

Paloma ignore que dans deux petites heures elle sera en train de dévaliser le cellier de la cuisine pour annihiler définitivement ses pensées et gagner un peu de répit. Pour l'instant, elle croit l'avoir trouvée, la ligne droite de l'encéphalogramme. En s'épuisant, comme souvent. Sauf que cette fois, elle court pas à en perdre haleine en espérant laisser son coeur sur la ligne de départ. A la place, elle nage. Elle multiplie les longueurs, apprécie de sentir l'eau fraîche glisser le long de ses courbes au rythme de ses mouvements précis, et elle aime surtout le sentiment d'apesanteur, de légèreté, de quiétude qu'elle ressent, dans l'eau. C'est une fille de l'air, éthérée et gracieuse, évanescente et facilement soufflée mais pourtant son élément à Paloma, c'est celui dans lequel elle nage, maintenant. Elle aime entendre le clapotis rassurant de l'eau, elle se perd facilement dans le spectacle du soleil qui se reflète et miroite à la surface et plus que tout, elle apprécie se couper du monde. Comme maintenant. Paloma abandonne les longueurs pour plonger sous l'eau et s'abreuver paisiblement du silence qui règne là-dessous. Elle ferme les yeux et n'entend que ses battements de coeur qui retentissent comme un tambour. C'est drôle comme ici, les sons sont étouffés alors que certains se répercutent plus fort encore. Si elle le pouvait, Paloma vivrait sous l'eau parce que c'est l'atmosphère qui convient le plus à son tempérament silencieux, contemplatif. Les gestes y sont lestes, gracieux, portés par la légèreté de l'eau et les sons sont toujours moins agressifs. Sous l'eau, il peut rien arriver de mauvais... sauf une noyade. Et ce serait con de se noyer en essayant de s'calmer alors Paloma remonte à la surface en sentant ses poumons la supplier d'le faire. Elle fend l'eau juste au moment où Eryk percute son espace vital et l'éclabousse au passage, crevant la bulle cotonneuse dans laquelle elle a mis du temps à s'plonger. La chape de plomb lui retombe sur l'coin de la gueule, invariablement, et la magie de l'instant est définitivement gâchée pile quand Eryk s'annonce. « Terriblement » ironise-t-elle, feignant le minois larmoyant d'une adolescente lambda face au quaterback du lycée. Ouais, terriblement, surtout ses grosses paluches et sa finesse légendaire. Enfin cette fois elle est sympa, elle veut bien partager sa piscine alors que la baignoire y'avait pas eu moyen. « C'est pour ça que t'es revenu ? Nous sauver du naufrage ? Quel homme admirable... » qu'elle roucoule un large sourire aux lèvres. Eryk a la bonne humeur communicative en fait il fait office de distraction encore plus efficacement que toutes les longueurs du monde. Alors Paloma oublie ses bras courbaturés par l'effort pour reporter toute son attention sur lui. Il lui demande comment elle va et c'est sympa mais c'est prendre le risque qu'elle repense au prime de la veille, à la fin qui s'approche et qu'elle... trop tard, elle y pense. Merci Eryk. « Question suivante » élude-t-elle de sa voix soyeuse, un vague sourire venant s'accrocher à ses lèvres charnues. Et par question suivante, elle entend les siennes, Paloma. « L'extérieur est si horrible que tu nous reviennes déjà ou t'as juste besoin d'un nouveau répit face à tes deux petits monstres ? » Elle plaisante, Paloma. Difficilement, à sa manière, parce que l'humour n'a jamais été son truc. Mais elle se souvient qu'Eryk lui a parlé de ses mômes dans un portrait caustique alors elle appuie là-dessus. C'est une façon un peu détournée d'en prendre des nouvelles parce que les enfants y'a pas à dire, c'est son truc.

Peut être que je tombe mal. Peut être qu’elle voulait être tranquille. Mais attendez, ça fait plusieurs semaines qu’elle ne m’a pas vu, alors elle peut bien faire un effort de sociabilité. Et faire au moins semblant d’être heureuse de me revoir. Je trouve qu’elle n’y met pas beaucoup de sien quand même. Pourtant ce n’est pas trop une mauvaise actrice de ce que j’ai pu en voir. « C'est pour ça que t'es revenu ? Nous sauver du naufrage ? Quel homme admirable... » J’hoche la tête. « T’as vu ça ? J’ai traversé la moitié du monde, rien que pour vous venir en aide. Cela prouve à quel point je vous aime. » Et bien oui. Je lui demande alors comment elle va. Je suis un homme bien moi, je m’intéresse aux autres. Sauf qu’apparemment elle n’a pas envie d’en parler. M’intimant de changer de sujet. J’en déduis qu’elle ne pète pas la forme. Pourquoi, je n’en sais rien. Je vous avouerais que la demoiselle est un peu trop compliquée pour moi. « Tsss…Je ne vous comprends pas. Vous devriez être heureux d’être là. En demie finale. Un peu plus d’enthousiasme ne ferait pas de mal. » A leur place, je sauterais partout de joie. Je ferais la fête. Certains je te jure, on dirait qu’ils sont tellement blasés. « Puis on est dans une émission de divertissement. On est là pour s’amuser. Parfois j’ai l’impression que vous l’oubliez.  » Ils se prennent trop au sérieux. Ils sont trop intenses. Un peu plus de légèreté s’il vous plait. « L'extérieur est si horrible que tu nous reviennes déjà ou t'as juste besoin d'un nouveau répit face à tes deux petits monstres ? » Rha mais je lui ai déjà dis pourquoi je suis là, pour les sauver du naufrage voyons. « Tu rigoles, mais c’est plutôt eux qui veulent se débarrasser de moi je crois. Papa retourne à la télé, papa retourne à la télé ! Ça les amuse de me voir sur l’écran. » Alors qu’ils ne devraient même pas regarder à la base. Mais leur mère les a laissés. Bon sous surveillance, pour s’assurer qu’à chaque fois elle leur montrait des moments innocents. Parce que bon moi si j’ai été sage comme une image, il n’en est pas de même pour cette bande de sauvages. Pour vous dire, même Paloma a cédé à la tentation. Si si. Bon de toute façon mes gosses ne regardent que quand moi je suis à la télé, les autres ils s’en foutent. Mais n’empêche que oui, une ou deux petites semaines loin d’eux…Ce n’est pas non plus terrible. Je fais un père horrible, je sais. Ceci dit, je pense qu’ils sont loin d’être les enfants les plus malheureux du monde. Très loin même. « Franchement l’extérieur, ce n’est que du bonheur. T’as l’impression d’être une star, alors que bon en réalité t’es personne mais… Tu verras, tout l’amour que tu recevras ! » Touuuuut plein d’amour. « La sortie te fait peur ? »