Depuis un moment, depuis que je suis revenue du lac, je guette la grande table. Mon ventre gargouille, mais il y a toujours quelqu'un assis autour d'elle. C'est pas grave, je peux attendre quelques minutes. Mes les minutes se sont rapidement multipliées, quelqu'un de nouveau s'ajoutant toujours au ballet qui se déroule autour des victuailles. Alors j'attends. Encore. Et encore. Mais mon ventre gronde. Je suis tellement ridicule que ça me met en colère. Je préfère me laisser m'affamer plutôt que de risquer croiser le regard de quelqu'un. Ou pire, lui adresser la parole. On a atteint un tout nouveau niveau dans pathos là, je crois. Je me fais violence. Allez, la candidate est toute seule. Et elle a l'air gentille. Ca ne durera que quelques instants, je temps d'attraper quelque chose à la volée et de s'en aller. Je fais les quelques pas qui séparent notre tente du 'buffet' en ne décollant pas mon regard du sol. « Bonjour, bien dormi ? » Je sursaute. Je sursaute alors que je savais très bien que quelque chose comme cela se passerait. Qu'elle me dirait quelques mots. Ou... oui. et toi ? Je n'ose même pas avouer que j'ai très mal dormi, de peur de devoir m'exprimer plus amplement sur la question. La voilà qui se présente. Agata. Je la regarde, puis pose mon regard sur sa main tendue. Je mets quelques micro-secondes avant de comprendre. Tout en glissant ma main contre la sienne, je dis, en un murmure : Liv. J'attrape quelque chose à manger. M'apprêtant à tourner les talons, j'entends la brune parler. Encore. L'espace de quelques poussières d'instants, les larmes me montent aux yeux. Je décide alors de m'asseoir non loin d'elle. Pour faire ce qu'il est socialement accepté de faire. Non... et toi ? Je ne parle pas beaucoup de moi, mais renvoie la question. C'est ce que Neil veut que je fasse. Il paraît que c'est malpoli de ne pas le faire. Bien sûr que je le sais, mais si c'est pour leur épargner de devoir passer du temps avec moi, je trouve que c'est plutôt positif au final. Mais je suis les conseils de Neil, sinon il risque de se fâcher et je déteste quand il est en colère contre moi. Comme cette fois où... Non. Olivia Elizabeth Banks, ne pense pas à cela.

Au premier abord, je l'aime bien Agata. Elle semble être une personne relativement normale et équilibrée. Je peux déceler une légère tension dans sa posture, une certaine gêne, ce qui me conforte dans mon a-priori. Je pars du principe que quelqu'un de trop à l'aise dans des circonstances pareilles, c'est louche. Je l'écoute parler et mes muscles se détendent, petit à petit, presque cellule par cellule. Je l'écoute parler et finis par répondre : D'...D'accord, merci, je tâcherai de m'en rappeler. En réalité je trouve que ce n'est pas une mauvaise idée du tout. Au contraire, elle est plutôt bonne. Si je trouve le courage, j'écouterai son conseil. Non, Liv, positivise. Quand je trouverai le courage, j'écouterai son conseil. Voilà, c'est mieux. En me mordant la lèvre, je lève la tête et la scrute quelques instants avant de dire, dans un petit sourire : Mais je préfère quand même si c'est toi qui parle pour l'instant. Je ne bute pas sur mes mots, voilà un point déjà plutôt positif, une bonne avancée. Mais je préfère l'écouter, elle, avant tout. Je veux savoir si je peux me fier à mon instinct qui, en général, n'est jamais aussi positif sur une personne. Peut-être suis-je en train de chercher à ce qu'elle me donne une raison de me méfier d'elle, une raison qui me pousserait à ne pas lui faire confiance... C'est ce que dit Neil. Que je cherche la petite bête là où on ne la voit pas, et que mon esprit colore les gens en noirs même lorsqu'ils sont immaculés.