Elle n’a pas fait grand-chose de sa journée Agata. Elle est encore en train de réaliser. De réaliser tout ce qui est en train de leur arriver. Pour une bourgeoise comme elle ça fait beaucoup d’informations à digérer. Certains semblent s’accommoder de cette situation bien mieux qu’elle. Elle le sait, elle le voit bien et elle voudrait quitter cette attitude hautaine qu’elle semble traîner avec elle depuis le début. Mais ce n’est pas ça, non vraiment pas. Quitter son confort ce n’est pas tellement le problème, c’est le changement radical. Agata est une new-yorkaise pure et dure, et loin de sa ville natale elle est déboussolée, loin de tous ces immeubles, de tous ces restaurants qu’elle a l’habitude de côtoyer. Elle a envie de visiter mais elle n’est pas réellement sûre de pouvoir le faire seule. C’est angoissant pour elle de ne pas avoir le contrôle, d’avoir l’impression d’être soumise aux volontés d’autres personnes, de ne pas pouvoir se débrouiller seule. Pourtant elle n’en laissera rien paraître, ou en tout cas, elle voudrait que ce ne soit pas le cas. Elle se tient immobile devant cette forêt qui lui paraît immense, alors qu’elle doit sans doute l’être beaucoup plus dans la tête d’Agata. Elle sursaute lorsqu’elle entend un bruit, pensant qu’il s’agit d’une bête sauvage. Non loin d’elle elle aperçoit un jeune homme seul. « Excuse-moi. » dit-elle alors qu’il ne semble pas l’avoir vu. Elle s’avance vers lui lorsqu’il semble l’avoir remarquée. « Bonjour, Agata. » dit-elle en tendant une énième fois la main pour se présenter. « J’aurais une requête. Si tu le veux bien, bien entendu. » Elle n’ira forcer personne, c’est bien loin de ce qu’elle est. « J’aimerais aller dans cette forêt mais j’ai peur de m’y aventurer seule. Alors j’aurais aimé savoir si tu voulais bien m’y accompagner ? » Et elle accompagne cette demande de son plus beau sourire, comme elle sait si bien le faire à chaque fois qu’elle a besoin d’aide.

C'est l'un de ces moments où Lamine se demande s'il manquera à ses parents, ou si pour eux ce sera plus des vacances qu'autre chose de ne plus l'avoir à la maison. Bon, il a bien une idée, mais il n'aimerait pas tellement avoir raison en fait. Ça fait un moment que leurs rapports sont tendus, ça ne va clairement pas en s'arrangeant depuis un ou deux ans. Il n'a probablement rien fait pour apaiser les tensions dans le foyer,  même s'il préfère considérer que celle qui a le plus foutu la merde, quand même, c'est sa mère. Alors oui, c'est un petit peu facile de tout lui mettre sur le dos mais il faut reconnaitre que la bonne femme a elle aussi son caractère, les torts sont au moins partagés dans cette histoire. Ce n'est pas un fils indigne ou un garçon invivable, Lamine, il ne supporte simplement pas cette manie qu'ont ses vieux de lui rabâcher à longueur de journée qu'il ne parviendra à rien dans la vie, qu'il faudrait qu'il se bouge un peu les fesses... c'est bien simple, plus il l'entend, et moins il est disposé à faire ce qu'on attend de lui. De toute façon ils ne veulent pas comprendre, et quand on y pense, ils ne connaissent pas réellement leur fils. Pour ça, il faudrait déjà qu'ils s'intéressent un peu à ce qui le passionne, mais non, ça apparemment il n'est même pas en droit de l'espérer. Définitivement, tout le monde a une part de responsabilité dans cette affaire, et Lamine n'est pas l'éternel adolescent sans avenir et capricieux pour lequel ses parents tentent de le faire passer. D'un côté il aimerait les faire mentir à ce propos, leur prouver qu'ils se trompent, et de l'autre... il ne voit pas pourquoi il devrait entreprendre le moindre effort, comme s'il leur devait ça. Mais non, il ne doit rien à personne Lamine, et s'il est venu prouver des choses dans cette aventure c'est avant tout à lui-même. Et puis d'ailleurs... c'est n'importe quoi, pourquoi perd-t-il son temps à s'égarer dans ces pensées-là aujourd'hui ? Ni une ni deux, il décide de les chasser de son esprit et il faut bien avouer que l'intervention d'une camarade l'y aide. Très vite, Lamine n'y pense plus et se concentre sur la demoiselle en question, qui se présente alors à lui. « euh, Lamine. » rétorque-t-il, de son côté. Il prend note au passage du prénom de sa camarade, Agata, donc. Celle-ci dit avoir une requête, et en appelle à son bon vouloir. « ah ? je crains le pire... » il souffle, en roulant des yeux, comme blasé d'avance. C'est lui généralement qui vient quémander des trucs auprès des autres, et pas l'inverse. Mais bon, autant l'écouter jusqu'au bout, il peut bien lui accorder ça. Enfin... comment la prendre au sérieux après ça, franchement ? Elle n'ose pas s'aventurer seule dans la forêt alors elle lui demande de l'y accompagner, c'est un gag, non ? Lamine décide de ne pas lutter, ce rire de toute façon, il sortira quoi qu'il arrive. « attends, attends... mais t'es sérieuse ? non mais j'peux pas le croire, là, t'as quel âge sans dec' ? » elle est probablement plus vieille que lui, et c'est bien ce qui est effrayant, en fait. « tu veux pas que je te tienne la main, aussi ? » il reprend, moqueur, sa demande l'a littéralement achevé, il ne peut pas croire que des gens comme ça existent. « mais t'as peur de quoi, en fait ? j'demande qu'à comprendre, moi, hein. » du grand méchant loup peut-être... eh, ce serait pas la première cinglée dont il croiserait la route, quoique celle-là, ça a tout l'air d'être un sacré phénomène faut avouer.

Elle n’est pas bien téméraire Agata. Toute sa vie n’est qu’une suite de dîners mondains, de rendez-vous avec des clients, ce qui laisse peu place à l’imprévu. Ici il est difficile de prévoir quoi que ce soit, et ça ne lui plaît pas. Et puis il est bien impensable pour elle de s’aventurer pour elle dans une forêt qui lui paraît si hostile et peu accueillante. Ce n’est pourtant pas l’envie qui lui manque, mais elle ne sait pas ce qu’elle pourra trouver, et il est hors de question qu’elle aille y faire un tour sans être accompagnée. C’est pourquoi, lorsqu’elle aperçoit un jeune homme qui passe non loin d’elle, et qui lui est encore inconnu, elle se permet de l’accoster pour lui demander de venir avec elle. Pour Agata, ce n’est pas une requête à laquelle il est difficile d’accéder et parce qu’elle a souvent envie de voir le meilleur dans la nature humaine, elle ne pense pas une seule seconde qu’il pourrait refuser. Mais à peine a-t-elle ouvert la bouche qu’elle le sent sceptique, ou peu agréable, un mélange des deux sans doute. Agata le regarde, incrédule, lorsqu’il se met à rire, la traitant de gamine. On ne lui rit pas au nez à Agata. Si elle pourrait s’énerver, si elle en a envie, elle garde son calme comme elle le fait toujours, parce qu’il faut toujours agir avec diplomatie. C’est ce qu’on lui répète constamment, et ce qu’elle a fini par intégrer dans son esprit. « Des sangliers. » répond-elle calmement. Voilà ce dont elle a peur tout simplement. Elle ne sait pas s’il y en a dans cette forêt, et elle n’est pas sûre de savoir à quoi un sanglier ressemble mais elle voudrait éviter de tomber nez-à-nez avec une de ces bêtes-là. « Mais écoute, il ne me semble pas que tu sois très occupé non ? Alors tu pourrais peut-être laisser tes airs arrogants ici pour quelques minutes, m’accompagner dans la forêt, parce que je pense que tu n’as rien à y perdre. Et on pourrait peut-être tranquillement essayer d’apprendre à se connaître. » Et tout ça avec le sourire, parce que c’est Agata. Elle ne veut le forcer à rien, mais qu’a-t-il à perdre ? Au pire est-ce si terrible que ça de passer un moment avec la jeune femme ? Elle ne le pense pas, mais il n’a peut-être pas envie de l’avoir dans les pâtes. Elle tout ce qu’elle offre c’est ça, elle ne cherchera pas le conflit, elle veut simplement que les choses se passent bien.

C'est pas bon signe en général quand quelqu'un vous fait savoir qu'il a quelque chose à vous demander en affichant cet air-là. Sa camarade n'a vraiment pas tenté sa chance auprès de la bonne personne, comme si Lamine allait accepter de l'accompagner en pleine forêt juste pour la rassurer. Une balade ça ne se refuse pas, mais jouer les pseudo gardes du corps pour que la demoiselle se sente en sécurité, c'est vraiment pas son truc. Et que pourrait-il lui arriver, surtout, dans le coin ? c'est pas comme s'ils avaient connaissance de la présence de bêtes féroces en liberté dans le secteur, allons, il ne doit y avoir que des écureuils ici. Non et puis, elle pourrait prendre sur elle franchement, ça ne va définitivement pas la tuer de s'aventurer seule dans cette forêt. Sauf qu'elle ne semble vraiment pas partante à l'idée d'y mettre les pieds sans un accompagnant, bah tiens, et c'est donc là que Lamine est censé intervenir. Elle ne le connait pas, et la première chose qu'elle lui demande, avant même son prénom, c'est est-ce qu'il peut venir avec elle pour la protéger des méchantes bébêtes susceptibles de se jeter sur elle pour la dévorer et semer ses restes un peu partout. Bah, en gros c'est ça hein, c'est l'idée. Elle le dit bien, elle a peur, peur qu'il lui arrive quelque chose là-dedans, peur de rencontrer des ... sangliers. Oui, ça doit grouiller de ces bêtes-là par ici, évidemment. Lamine n'y croit pas, la production ne les ferait quand même pas risquer leurs vies mais quand bien même il y en aurait, à deux, ils fourniraient simplement plus de bouffe à l'animal. Si une attaque devait avoir lieu, que croit-elle ? ils connaîtraient probablement le même destin, à moins bien sûr que Lamine ne parvienne à sauver sa peau en prenant la fuite mais rien ne dit qu'on lui en laisserait le temps. « s'imaginer le pire, tout de suite... c'est bien un truc de fille ça. » remarque-t-il avant de soupirer longuement. Après quoi sa camarade lui fait remarquer qu'il n'a pas l'air bien occupé, une façon de lui dire sans doute qu'il peut bien lui accorder quelques minutes de son temps. Pire, elle sous-entend qu'il est arrogant, et c'est comme ça qu'elle pense le convaincre ? elle a le cerveau monté à l'envers celle-là. « eh, oh, sois gentille. t'attends quelque chose de moi j'te rappelle alors du respect, je veux du respect ! » même si elle n'a pas tellement tort, c'est pas la chose à faire dans l'immédiat de souligner son air arrogant... non en fait, Lamine s'en fiche pas mal et là, en l'occurrence, il tente de se faire passer pour ce qu'il n'est pas, à savoir un garçon susceptible. Elle lui propose d'en profiter pour apprendre à se connaitre. « voilà, c'est par là qu'il aurait fallu commencer. » forcément, il préfère qu'on lui donne l'impression qu'on veut faire connaissance avec lui, plutôt qu'être sollicité pour rassurer quelqu'un qui se servira de lui comme d'une protection contre des sangliers. « y'a un truc que je trouve dommage, quand même. tu me sors ça comme un argument pour me convaincre, mais je te sens pas sincèrement intéressée par le fait d'entrer en contact pour se découvrir l'un l'autre. » il a décidément réponse à tout ce Lamine, ça irrite même souvent ses interlocuteurs qui ont l'impression que quoi qu'ils diront, il trouvera toujours quelque chose à répliquer, et rarement pour aller dans leur sens. « alors, je suis quoi pour toi : un camarade qu'il te tarde d'apprendre à connaitre, ou simplement le premier con qui protégera tes arrières ? » il attend pas d'elle un long argumentaire, qu'elle se défende pendant quinze piges, c'est pas ce qu'il veut. Il ne quitte pas sa camarade des yeux tandis qu'il attend la réponse de celle-ci, et son regard très insistant planté dans le sien a évidemment pour but de lui mettre gentiment la pression.

Ce n’est pas une aventurière dans l’âme Agata. Elle, ce qu’elle connaît particulièrement bien ce sont les grandes villes et les plages de sable fin. Alors elle a besoin de quelqu’un pour l’escorter dans la forêt, quelqu’un qui puisse aussi la distraire, avec qui elle pourrait converser. C’est donc à point nommé qu’arrive ce jeune homme, Lamine, et sans plus tarder elle lui demande de venir avec elle. Ce qu’il semble trouver ridicule. Très bien, Agata ne s’en vexera pas pour autant, mais elle n’aime pas tellement qu’on lui parle avec tant d’arrogance. Elle ne pense pas lui avoir demandé l’impossible, et ça aurait été l’occasion d’apprendre à se connaître, après elle peut aussi concevoir qu’on ne veuille pas la connaître. « Je te montre autant de respect que tu viens de m’en montrer. » D’ordinaire elle essaierait d’arrondir les ongles, mais ici elle n’est pas dans le monde fermé de la politique, et s’il veut du respect, il va aussi falloir qu’il lui en montre. Et ce qui semblerait l’avoir gêné, était le fait qu’elle veuille se servir de lui pour l’accompagner dans la forêt. « Oh je n’ai jamais pensé que tu puisses me protéger des éventuels sangliers, je ne suis pas idiote. Non je voulais simplement quelqu’un pour m’accompagner dans la forêt, pour parler, faire connaissance, essayer d’oublier que l’on est dans une forêt. » Elle se retient de rajouter effrayante, parce que plus généralement c’est la nature qui l’effraie. « Alors pour répondre à ta question, je suis réellement intéressée par le fait d’apprendre à te connaître, ce ne sont pas des paroles en l’air. Si je n’en avais pas envie, je serais sans doute partie chercher quelqu’un d’autre. » Il ne veut pas qu’il pense qu’elle est une personne intéressée, elle ne l’est pas, elle se soucie des autres Agata, bien plus qu’on ne peut le penser. « Je t’ai convaincu ? Si c’est le cas, tu seras gentil d’arrêter de me regarder comme ça. » Elle n’aime pas cela, qu’on la fixe avec insistance. « Bon alors parle-moi de toi, de ce que tu veux, peu importe, je suis intéressée par tout. » Tout est un bien grand mot, mais disons qu’elle ne s’ennuie pas facilement, et qu’elle trouve de l’intérêt un peu partout. Il peut aussi très bien l’envoyer balader, elle n’exclue pas cette éventualité.

Son ton est presque moralisateur à la demoiselle, et Lamine ça le gonfle parce que ça lui rappelle quelqu'un qui a aussi une fâcheuse tendance à lui faire reproche sur reproche. C'est pas la première fois qu'on lui dit qu'il ne respecte pas ses ainés - parce que cette fille, là, elle a pas vraiment l'air de sortir de l'adolescence on va pas se mentir - mais là pour le coup ça le fait sourire car tout ce qu'il a fait, en l'occurrence, c'est gentiment se moquer de sa camarade qui lui est d'emblée apparue comme étant une sacrée froussarde. Et ça, c'est se montrer irrespectueux, donc ? apparemment oui, pour elle tout du moins. Lamine n'a vraiment pas envie de partir dans un débat sur le sujet, ça ne l'intéresse pas et qui plus est il ne tient pas à se prendre la tête avec cette fille pour une malheureuse balade en forêt. Ça part de là quand même au départ, faut pas l'oublier. Il a pas été bien tendre, certes, mais on essaye clairement de le faire passer pour plus méchant qu'il ne l'est ici. « tu parles comme ma mère, c'est un peu flippant j'dois dire. » laisse-t-il tout de même entendre, en préférant souligner ce fait quelque peu troublant plutôt que renchérir à n'en plus finir. Elle se dit désireuse d'apprendre à le connaitre, mais il a comme un doute, subitement : c'est sincère, ou intéressé ? parce qu'initialement, elle a besoin de quelqu'un pour l'accompagner dans la forêt car elle n'ose pas y mettre les pieds seule à cause de sa peur des sangliers. Donc Lamine s'interroge, c'est bien normal, il se dit qu'elle n'aurait peut-être pas manifesté le désir de faire sa connaissance si elle n'avait pas eu besoin de lui. Déjà, elle reconnait qu'il ne lui sera d'aucune protection si une méchante bête attaque, et c'est bien d'en avoir conscience car effectivement c'est pas avec Lamine à ses côtés qu'elle sera en sécurité, il faut se le dire. Elle dit rechercher quelqu'un pour l'accompagner, mais aussi pour dialoguer, et lui faire oublier où elle se trouve. Hm. Lamine ne dit rien et écoute, il prend en considération chaque argument de sa camarade mais son visage est dépourvu d'expression, ne laisse rien transparaitre. Elle termine et lui explique que son intérêt est sincère, que si elle n'avait pas voulu apprendre à le connaitre lui, elle serait tout simplement partie chercher quelqu'un d'autre. Lamine n'est pas de ceux que l'on fait facilement changer d'avis alors même si ça se tient, et qu'il ne perçoit pas une once de mensonge en elle, il garde en lui quelques légers doutes. Mais dans l'ensemble, ça devrait suffire à ce qu'il se laisse convaincre pour cette fameuse balade, oui. « allez, c'est d'accord. » il lui annonce sans faire davantage durer le suspense. Au passage elle lui demande de cesser de la regarder comme il le fait, roh miss rabat-joie 2015, quoi. « eh Agata, t'es vraiment pas une fille drôle toi, hein. » faussement vexé, il détourne le regard un instant, de toute façon ils sont sur le point de prendre la direction de la forêt puisqu'ils ont une balade à y effectuer, pour rappel. Très vite, sa camarade exprime le souhaite qu'il parle de lui. « bon, mon prénom tu le connais déjà. je suis né et je vis en France, ma mère est française et mon père algérien, j'ai d'ailleurs de la famille à Bejaïa où je passe pas mal de mes vacances. j'ai pas de "métier" officiellement, à mon niveau c'est pas encore reconnu comme tel mais j'ai des revenus donc... pour moi c'est tout comme s'tu veux, un jour je pourrai même probablement en vivre. hum, pro-gamer, ça te parle ou pas du tout ? » il s'arrête là, attendant une réponse à sa question pour poursuivre. Il aimerait beaucoup lui parler de cette activité encore assez méconnue mais avant ça il souhaiterait s'assurer que ça n'est pas du chinois pour elle. S'il faut, bien sûr, il lui fournira toutes les explications nécessaires.