SAYID & @CECIL
jeudi 12 mars - 18:07

C'était vite répétitif, sans réelle raison de s'occuper. Aller chercher de l'eau, se laver tout habillé ou préparer à bouffer ça passait bien une heure ou deux, et puis à nouveau on se trouvait à se tourner les pouces et à être tenté de démonter sa tente juste pour pouvoir la remonter ensuite. C'est vrai qu'elles n'étaient pas symétriques, Mylah n'avait pas totalement tort, malgré sa façon bien excessive de le faire remarquer. Debout près du feu de camp, Sayid profitait donc du seul plaisir que l'on n'avait pas eu le coeur à leur retirer en les envoyant ici, et savourait sa cigarette comme s'il s'agissait de la dernière sur terre ; Pour sûr, ils n'avaient pas osé les priver de nicotine de peur que certains ne compensent le manque en tuant leur camarade de tente. Le chevelu avait bien la tête du type à vous étouffer dans votre sommeil parce qu'il n'avait pas eu sa clope de onze heures. Cecil en revanche, avait la tête du type à qui on n'hésitait pas à proposer une clope ne serait-ce que par politesse, mais il faut dire que sans avoir encore jamais vraiment eu l'occasion de lui parler Sayid se faisait déjà une opinion positive du bonhomme. C'était peut-être sa carrure, ce qu'il dégageait ou même sa couleur de peau, il ne savait pas trop, mais ce qu'il savait c'était que Cecil lui inspirait plus confiance que bon nombre de candidats ici rien que par sa prestance ... et c'était assez rare chez Sayid pour être souligné. Aussi lorsque le grand gaillard était arrivé dans sa direction il lui avait tout naturellement proposé « Cigarette ? » d'un ton qu'il avait essayé de rendre plus engageant que le neutre auquel il habituait d'ordinaire les gens. Cela lui demandait toujours des efforts, mais il savait que s'il passait l'étape de cette semaine il lui faudrait faire des efforts en permanence et il n'y avait pas meilleur moyen d'y parvenir que de tenter de se rôder dès maintenant. « Tu aurais fait un meilleur chef de groupe. » Il disait ça comme ça, ce n'était ni un tacle envers Istvan ni une tentative de se faire bien voir de Cecil, Sayid était simplement habitué à dire les choses telles qu'il les pensait sans trop se soucier de la façon dont il était perçu. Il trouvait simplement Cecil plus engageant, sans compter qu'Istvan faisait figure de crevette, à côté. Et il était jeune. Trop jeune, avait presque envie de rajouter Sayid mais décidant de faire un effort d’abstention. « Sayid. » Lui avait retenu les prénoms de tout le monde en quelques heures, sa mémoire était sa meilleure alliée, mais il savait bien qu'il n'en était pas de même pour tout le monde, et on retenait plus facilement les prénoms de ceux qui savaient se mettre en avant. Ce n'était pas le cas de Sayid.

Après une longue promenade un peu chiante en fait, je retrouve le centre du campement et le feu qui brûle toujours. Il a pas encore besoin d'être ravivé ou nourrit d'avantage, ce qui est une bonne chose parce que je suis un peu fatigué d'avoir marché là, j'entends ma petite tente qui m'appelle pour que je m'y allonge et que j'y fasse une grosse sieste en ronflant bien fort comme un phacochère pour emmerder mon monde. Mais si je vais dormir maintenant je vais sans doute louper l'heure du dîner qui est relativement fixe ici et du coup après je vais me lever pendant la nuit et je vais forcément déranger la demoiselle avec qui je partage cette ridicule et minuscule petite tente ainsi que tous les autres parce que j'ai perdu vachement de mes réflexes et de mon agilité depuis que j'ai dépassé le stade des trente-cinq ans. C'est l'âge, la vieillesse, tout ça. Bien je devrais à nouveau porter des couches... Ouais, ça fait rêver, enfin j'en suis clairement pas encore là, y a quand même une partie de ma période de super-pépé qui devrait être sympa, si ma fille me fait des beaux petits-enfants, ou si au moins elle vient me voir encore régulièrement, sinon je vais me faire chier. Mon père aura claqué, j'ai pas de frères et soeurs, mon ex se sera sans doute remariée, vu qu'elle est aussi canon que chiante. Hm, j'en étais où moi ? Une cigarette ? Non c'est pas moi qui ait dit ça. Je capte la présence d'un type à proximité, je continue de m'avancer tranquillement dans sa direction. « Non, on me tuerait si j'acceptais. » J'affirme d'un air faussement sombre. Non mais le pire c'est que c'est vrai, on a arrêté pas mal de trucs avant que notre môme vienne au monde, et ça a pas toujours été de gaieté de coeur, m'enfin il faut savoir faire ce qui est bon pour son enfant, je présume. J'hésite tout de même, ça me tente bien. « Bon, rien qu'une petite alors. Mais tu le dis pas, hein ? » Si c'est pas lui les caméras se chargeront de diffuser ça aux yeux du monde, si seulement notre échange s'avère un temps soit peu intéressant. Hm, donc il faudrait tout faire pour ne pas qu'il le soit et personne à part lui, moi, et la production ne saurait, hm. Ouais, enfin ça fait déjà pas mal de monde, trop même. Mais c'est pas la fin du monde de toute façon, je m'en voudrais surement un peu à moi-même et dans le pire, du pire des cas je me ferais un peu taper sur les doigt en rentrant à la maison. Je suis sûre que ma fille va s'en donner à coeur joie. Elle qui se vante sans arrêt de ne jamais avoir rien fumé de sa vie et s'en porter à merveilles. Je suis fière quand même, je l'ai bien élevée -bon oui, j'ai dû faire 10% du boulot et sa mère tout le reste, mais ma partie c'était la plus importante donc j'ai de quoi être fier je crois, oui. Je pique la clope au type qui me sort que j'aurais dû être chef. « Hein ? Noooon, je suis que second, ça me va très bien. Il a du potentiel le petit Ist-machin, faut pas croire. » Oui, je le pense vraiment. Et puis c'est lui que la production a choisi, pas moi, j'irai pas contre ça, je vais pas m'imposer, c'est pas mon rôle. Quoi que chef de groupe ça doit être plus simple que chef de famille avec à ses côtés une femme tyrannique -heureusement qu'elle ne peut plus lire dans mes pensées maintenant qu'on est séparé autant géographiquement et physiquement que sur le papier sinon... Et je me suis encore perdu dans mes pensées en allumant chercher du feu à sa source. Je tire un peu sur la clope. Çà fait bizarre. Le type c'est Sayid. « Sayid, le type aux clopes, à qui j'en dois une maintenant, c'est noté. » Je suis un mec d'honneur moi, je lui en dois une, je la lui rendrais, un jour, peut-être -ou pas- mais comme j'achète plus du tout de cigarettes peut-être qu'on devra s'arranger autrement, enfin on verra. « Moi c'est Cecil, au cas où tu saurais pas. » Bah après tout ça se peut, y a des gens qui ont pas d'excellentes facultés de mémorisation, et ça s'arrange pas avec l'âge. Enfin pas qu'il soit vieux le bonhomme, sans doute pas plus que moi, mais je pensais ça comme ça.

Proposer une cigarette à quelqu'un était toujours une excuse facile pour entamer une conversation, et lorsque l'on avait autant de mal que Sayid avec ce genre de chose c'était un peu l'excuse par excellence, quand bien même il avait cette nette impression que suivant les régions du monde le tabac commençait lentement mais sûrement à perdre de son monopole. Depuis qu'il était à Kinshasa il n'avait plus ce souci, lui autant que la plupart de ses collègues étaient tous trop sous pression, les horaires de dingues, les problèmes d'argents, la menace quasi-constante des braconniers, ils n'avaient pas le temps de se reposer sur leurs lauriers et bien besoin d'une façon futile de faire redescendre la pression. Et on n'avait encore rien inventé de plus efficace pour ça que le sexe et le tabac. Quand il rentrait à Londres en revanche le clan des anti-tabac gagnait chaque jour un peu du terrain, et Sayid ne comptait plus le nombre de fois où il s'était entendu dire que c'était la clope qui finirait par le tuer, riant sous cape parce que ces gens n'avaient aucune idée de ce dont ils parlaient. Quoi qu'il en soit il n'avait pas trouvé meilleure approche que celle-ci pour alpaguer Cecil, mais ce dernier pourtant avait répondu « Non, on me tuerait si j'acceptais. » avec l'air de celui qui aurait aimé répondre autre chose. Arquant légèrement un sourcil le britannique avait tiqué sur quelque chose en particulier « On ? » Cela ne voulait rien dire, on. C'était un terme générique sans aucune identité, ce n'était pas précis, et Sayid préférait la précision en toute circonstance. L'air dubitatif, voilà en attendant que le grand gaillard avait subitement changé d'avis - ou décidé de suivre son envie, simplement - et avait lancé « Bon, rien qu'une petite alors. Mais tu le dis pas, hein ? » S'il n'y avait que cela pour lui convenir, alors Sayid serait aussi muet qu'une tombe. Et comme pour le confirmer il avait mimé le zip d'une fermeture éclair contre ses lèvres, avant de sortir une seconde cigarette et de l'approcher du feu de camp pour en allumer l'extrémité, après avoir coincé la sienne entre ses lèvres. Parait-il qu'une candidate avait gardé son briquet avec elle, en tout cas si c'était vrai elle s'était bien gardé de le partager avec d'autres. Tendant la cigarette à Cecil Sayid avait récupéré la sienne et recraché du même coup une volute de fumée, n'osant pas dire à l'homme que c'était peine perdue et que si lui ne disait rien les images parleraient d'elles-mêmes ... à moins que cette première semaine ne soit pas filmée. Il n'en savait rien au fond, et il préférait ne pas y penser. Changeant d'ailleurs totalement de sujet le barbu n'avait pas pu s'empêcher de donner son avis quant aux capacités de leader de Cecil, selon lui bien plus développées que celles d'Istvan. « Hein ? Noooon, je suis que second, ça me va très bien. Il a du potentiel le petit Ist-machin, faut pas croire. » Sayid avait tiqué sur l'écorchement volontaire du prénom, sans doute parce que lui n'apprécierait pas qu'on l'appelle Sa-machin derrière son dos ... Mais il n'avait rien dit, après tout ce n'était pas ses affaires. « Mais il voit son pouvoir comme un jouet. » Du moins c'était l'impression qu'en avait eu Sayid lorsqu'il avait eu l'occasion de discuter brièvement avec l'intéressé, lequel avait cru bon de lui "ordonner" quelque chose quant il aurait pu tout aussi bien le demander poliment, comme un service, et non pas comme une corvée que Sayid serait obligé d'accepter en tant que membre de son équipe. N'insistant pas, l'homme avait de nouveau tiré sur sa cigarette avant de se présenter, chose qu'il avait une nouvelle fois omis de faire avant tout le reste. « Sayid, le type aux clopes, à qui j'en dois une maintenant, c'est noté. » Puisque Cecil avait esquissé un début de sourire Sayid en avait fait de même, par automatisme, mais il n'y avait pas besoin d'être ultra-attentif pour se rendre compte que la chose était beaucoup moins naturelle sur lui que sur son interlocuteur. « Ce sont celles de la production, en théorie. Et puisqu'ils nous ont privé d'eau courante, ça vaut bien quelques clopes en compensation. » Sayid n'était pas du genre à faire des simagrée pour rien, mais il avouait qu'il aurait préféré ne pas être privé de douche pour toute une semaine. Cela lui aurait évité de devoir aller se laver au lac au milieu de la nuit, seul moment où il y avait l'assurance d'être tranquille. « Moi c'est Cecil, au cas où tu saurais pas. » Il le savait déjà en effet, mais un rappel ne pouvait pas faire de mal, et si l'homme n'avait pas suivi l'exemple de Sayid en se présentant à son tour ce dernier aurait une nouvelle fois eu l'impression d'être à côté de la plaque. « Qu'est-ce qui t'amènes ici ? » Ce n'était pas ce qu'il fallait faire, ça aussi, essayer d'en apprendre un peu plus sur les uns et les autres ? Alors qu'au fond la raison de sa venue ici ne regardait bien que Cecil, il n'était pas obligé de répondre à Sayid ... Mais puisqu'il semblait être le seul plus âgé que le britannique ici, ce dernier se demandait forcément ce qui l'amenait dans ce genre d'émission.

J'hésite à accepter la cigarette qu'il me propose parce que j'ai le sentiment qu'elle et sa mère finirait par l'apprendre et ça me retomberait forcément sur le coin du nez. J'exagère un peu quand je dis qu'on me tuerait, en fait ce ne serait sans doute qu'un mauvais moment à passer, rien d'insurmontable mais avec elles on ne sait jamais. D'ailleurs, le "on" que j'ai employé le fait tiquer. Je souris. « Je faisais partie d'une ligue anti-fumeurs il y a de ça quelques années mais j'ai décidé de me séparer du groupe, et maintenant ils me surveillent où que j'aille. Rien que le contact entre mes lèvres et le bout de ta clope équivaudrait à signer mon arrête de mort. » On y croirait presque, je sais. J'aurais dû tenter ma chance à Hollywood, hm. « Non, je déconne ! C'est ma fille et sa mère, elles sont un peu psychorigides à ce sujet. » Dans la plupart des autres familles ce sont les parents qui interdisent à leurs mômes de fumer, chez moi c'est l'inverse, même après le divorce les règles ont pas changées. Enfin là j'y suis pour rien s'il me tente le gars. Puis il dira rien, il fait le truc de la fermeture éclaire sur la bouche. De toute façon c'est pas comme s'il allait rencontrer les deux gonzesses de ma vie un jour, à moins qu'on devienne les meilleurs potes de la Terre mais c'est pas dit. Il change de sujet, il dit que j'aurais fait un meilleur chef que le petit bonhomme qui l'est officiellement mais bof, moi c'est pas trop mon délire de jouer les chefs, les commandants, tout ça. J'ai pas fait l'armée, c'est qu'il y a une raison. N'empêche que d'après l'ami aux clopes, le jeunot voit son pouvoir comme un jouet. « Bah, ça va pas durer, c'est que pour la semaine. » Du moins je l'espère. De toute façon s'il essaye de me donner des ordres pour jouer moi je vais m'amuser à lui en coller une ou deux pour voir. Non, mais je suis un non-violent moi, je vais juste genre dans ma tête que je suis un gros dur mais en vrai pas tellement. Bref. Il se présente, et j'associe direct son nom aux cigarettes comme ça je retiendrais peut-être plus facilement, sauf que ce sont pas les siennes, c'est la production qui les lui a filées en compensation du reste. « Hm, ouais, c'est bien vrai ça. » C'est sûr que des clopes contre de l'eau en plus, ça se vaut carrément. Je me présente à mon tour, mais je me dis qu'il doit savoir comment je m'appelle, je suis trop famous au sein de mon équipe c'est obligé. En même temps je suis le seul grand black, pas le seul baraqué, mais le seul grand black baraqué, on peut pas trop me louper, à moins d'être aveugle, hm... N'empêche, ça me fait bizarre de fumer ici, en m'inscrivant c'est pas trop ce à quoi je m'étais attendu. Remarque, je m'étais pas non plus attendu à ce qu'on nous balance dans une forêt, mais c'est pas si mal finalement. Sayid me demande alors ce qui m'amène. Je commence à prendre une grande inspiration en haussant les épaules, genre je sais pas trop. « Ma fille voulait que je participe et comme j'avais envie de devenir son parent préféré je me suis dit "allez, pourquoi pas ?". » Sauf que forcément dit comme ça et la clope à la main en plus, je pars pas qu'avec des avantages.