Je commence un peu à trop bien connaitre les environs, on se ferait presque un peu chier j'ai envie de dire. Je suis même obligée de me lever aux aurores pour avoir le droit à des cigarettes, dans la réserve. Ce n'est pas une vie, j'ai bien envie de faire ma précieuse parce que c'est bien ce que je suis au fond, mais je dois montrer le bon exemple parce qu'on a quand même des cas avec nous. Je dois éclairer le bon et droit chemin pour les brebis égarées que sont les autres filles. Parce que c'est peut-être cliché mais le sexe qui se plaint le plus est bien féminin. Je finis par atterrir au niveau du portail qui donne sur une belle bâtisse, nous rappelant nos conditions un peu dégueulasses de vie. Une brune y est déjà postée, me gâchant sensiblement la vue. « T'en rêves ? » je lui demande alors, légèrement moqueuse je l'avoue en glissant mes billes jusqu'à la jeune femme en l'observant en oubliant toutes les règles de bonne éducation qui sont dues à mon rang. Je cille légèrement avant de la scanner de haut en bas avant de déclarer que je ne me souviens pas d'elle. Elle est pourtant jolie, je remarque toujours les jolies choses, peu importe leur nature.  « Au meilleur des cas, tu rentres dans une semaine, au pire dès cas, tu pourrais toujours écrire un bouquin: fake lover, une semaine de descente aux enfers » je lui propose parce que j'estime que c'est toujours mieux que de se faire une sex tape ou un single. Enfin, tout dépend de son talent, je ne voudrais pas la sous-estimer.

Elle trace des ronds dans l'herbe du bout de sa godasse. Elle s'emmerde à mourir Kiri. Faut dire qu'après avoir fait quatre fois le tour du propriétaire et avoir pris les paris sur ceux qui survivraient à cette semaine placée sous le thème survie champêtre et ceux qu'on allait devoir rapatrier chez eux dans les plus brefs délais, il ne reste pas grand chose à faire dans ce trou paumé. Elle se serait bien vu piquer les paquets de clopes de la réserve juste pour le bonheur de voir les toxicos s’entre tuer mais faut croire que quelqu'un avait été plus rapide parce qu'il ne restait plus rien quand elle était arrivée. Il n'en restait plus qu'une, qu'elle s'était empressée de prendre et d'allumer, pas par besoin parce qu'elle clopait assez rarement, surtout dans le but de tuer le temps. Assise à même le sol elle fixe le portail comme une vache qui regarderait passer les trains, attendant peut être qu'elle s'ébranle par on ne sait quel miracle. « T'en rêves ? ». Elle tourne la tête et dévisage un temps la jolie brune qui vient de l'ouvrir. Elle hausse les épaules. « Pas toi ? C'est pour ça qu'on a signé à la base, pas pour un remake de koh lanta. ». Elle s'étire paresseusement, lorgnant du coin de l’œil la belle bâtisse qui semble les narguer. « Tu m'diras qu'au moins, ça fera le tri. T'en as bien un qui va réussir à se noyer dans le lac ou à tomber dans le feu de bois. ». Elle expire un petit nuage de fumée, à moitié sérieuse. Elle sourit finalement à la dernière remarque de la brune. « J'sais pas écrire, alors vaudrait mieux pour moi que j'arrive à passer ces grilles. ». Ce serait con d'avoir fait tout ce chemin seulement pour passer une semaine à patauger dans la boue avant de retourner à la case départ. « C'est quoi ton nom ? ». Elle demande finalement en reportant son attention sur la demoiselle.

Je fixe rapidement la demoiselle qui est assise à même le sol, entrain de contempler le portail dans l'attente d'un miracle, peut-être. Une religieuse ? Je croise simplement mes bras sur ma poitrine lorsqu'elle répond. « On ne sait pas réellement pourquoi on a signé» je réponds simplement, c'est vrai, on ne sait jamais à qui s'attendre avec la production. J'écoute ses pronostics et je ne peux pas m'empêcher par automatisme d'approuver ce qu'elle dit. « Y a moyen, des filles si possible, on est trop nombreuses, il faut que les plus faibles partent» je raille alors un léger sourire éblouissant sur les pulpeuses. Je me considère déjà comme une aventurière, je ne risque rien. J'espère que la production ne va pas m'emmerder avec la parité, autant de filles que de garçons, parce que ça réduit nos chances. Elle me sort qu'elle ne sait pas écrire, je préfère imaginer qu'elle me dit qu'elle n'a pas le talent de Zola qu'imaginer qu'elle ne sait réellement pas écrire, former ses lettres manuscrites. Parce que ça serait horrible. « Sujet, verbe, complément, tu ne sais pas faire ? » je lui demande alors en arquant un sourcil septique. « Je veux bien faire ton nègre littéraire, mais je te prendrai 60% des recettes, parce que ma plume est magique » je commente simplement avec une honnêteté presque désarmante en m'asseyant pour arriver à sa hauteur, je n'ai pas envie de me fatiguer à baisser la tête quand elle me parle. « Maha et toi ?» je lui retourne alors simplement par politesse, parce que je sais très bien que son visage sera imprimé dans mon esprit, son prénom, pas avant quelques jours.