SAYID & @LAMINE
samedi 21 mars - 11:53

Lorsque Sayid disait qu'il ne savait pas cuisiner ce n'était pas la vérité. Bon, il ne serait jamais quatre étoiles au michelin, remettons les choses à leur place, mais disons qu'il se débrouillait, et pas trop mal ... et pourtant depuis le début de la semaine il quémandait à qui aurait pitié de ses piètres talents derrière les fourneaux et accepterait de préparer pour deux tandis que lui se contenterait d’être un soutien moral tout juste bon à surveiller que l'eau bouillait ou que le contenu de la poêle ne brulait pas. Parce qu'il avait la flemme, parce qu'il avait envie de voir lesquels de ses petits camarades acceptaient le plus facilement de se dévouer pour autrui, et parce qu'il était beaucoup plus aisé d’observer son prochain ainsi, pendant qu'il effectuait une tache supposé vous concerner, plutôt qu'a la dérobée quand observer les autres pouvait mener au risque de passer pour un psychopathe sous couverture. A la réserve chacun cuisinait à tour de rôle, et Sayid n'échappait pas plus que les autres à la chose, puisqu'à défaut d'avoir tous terminé de cerner le bonhomme ils n'avaient en revanche pas mis longtemps à cerner certaines de ses petites combines. Probablement qu'ici non plus les gens ne seraient pas dupes longtemps, pas en ce qui concernait la cuisine du moins, et pour cette raison Sayid n'était que moyennement inquiet à l'idée d’être surpris tandis qu'il rajoutait tout un tas d'ingrédients soigneusement choisis dans la réserve à l'omelette qui prenait tranquillement sur le feu. Pour la deuxième fois en dix minutes il avait furtivement entraperçu le bec - impressionnant - du perroquet lui aussi pensionnaire des lieux passer à travers la partie ouverte du mur, celle qu'on supposait jadis avoir servi à faire passer les assiettes du cuisine au restaurant. Un rictus amusé sur les lèvres, le regard de Sayid avait finalement croisé celui du volatile « Qu'est-ce que tu regardes, toi ? » Oh en vérité il savait très bien, ce que l'animal regardait. Parce que comme tous les animaux - et une bonne grosse majorité des etres humains, soyons honnêtes un instant - il pensait plus souvent avec son estomac qu'avec n'importe quel autre de ses organes. « Ne me fais pas croire qu'on ne t'a pas déjà filé à becter, t'as ce même regard que mes petiots quand ils ont les yeux plus gros que le ventre, alors ça marchera pas avec moi. » A certains cela pouvait paraitre ridicule, voir totalement saugrenu, de s'adresser aux animaux aussi sérieusement que s'ils comprenaient ... Mais ils comprenaient, justement, et ça l'exaspérait Sayid ceux qui ne voulaient pas entendre raison à ce sujet. Comme si l'être humain avait le monopole de l'intelligence. L'animal pourtant n'avait pas bougé d'un pouce. Et si Sayid n'était que très peu affecté par le regard de chien battu lorsqu'il venait d'une autre personne, avec les animaux il n'avait presque aucune volonté, c'était disons son talon d'Achille. « Bon, tu attrapes ? » Piochant dans son bol de légumes, ou plutôt de ce qui trainait encore au fond maintenant qu'il l'avait vidé dans sa poêle, il avait lancé un bout de champignon en direction du volatile, qui l'attrapant au vol avait fait claquer son bec assez fort pour que Sayid espère ne jamais s'y faire pincer un doigt. « C'est ça, de rien. » Toujours perché sur la séparation entre les cuisines et le restaurant l'animal ne l'avait pas quitté des yeux, et dès lors une lutte silencieuse pour savoir qui baisserait les yeux le premier s'était engagé entre Sayid et l'oiseau, au point qu'il en oublie totalement ce qu'il avait sur le feu ... Et ne sorte de son état de concentration lorsqu'une odeur de brûlé et une fumée assortie avaient commencées à s'élever dans la cuisine. « Et merde ! » Voilà comment en quelques secondes et par la faute d'un stupide volatile il venait de gâcher son repas de midi et de donner malgré lui raisons aux mensonges qu'il proférait depuis le début de la semaine concernant ses talents inexistants de cuisinier. Et c'est bien entendu ce moment-là qu'avait choisi un candidat pour mettre les pieds dans les cuisines et découvrir Sayid, noyant le contenu de sa poêle encore fumante sous le jet d'eau du robinet tout en ronchonnant. Quant au perroquet il était allé voir ailleurs si l'on avait pas besoin de lui, traître.

Il ne savait plus trop s'il était venu se préparer un truc à manger parce qu'il avait faim ou bien simplement pour essayer de tromper l'ennui. Leandro avait peut-être raison la semaine précédente, de dire que l'ennui dans le nid ne serait pas différent de l'ennui dans les abysses ... Et si au bout d'une semaine à peine le britannique se sentait à cours d'idées pour s'occuper cela ne présageait rien de bon pour la suite. A sa décharge il avait habituellement rarement le temps de se poser pour se tourner les pouces, et donc tout aussi rarement besoin de se chercher une manière de s'occuper. Il ne pensait en tout cas pas prendre trop de risques en se préparant une omelette, cela restait du domaine de l'abordable même pour le cuisinier le plus débutant, mais c'était sans compter l'intrusion du perroquet par le passe-plats. C'était totalement improbable que de se sentir plus en confiance avec les animaux qu'avec d'autres êtres humains, mais pour Sayid la chose apparaissait plus facile, les animaux étaient plus faciles à cerner et leurs réactions moins incohérentes. Ce qui ne les rendait pas moins fourbes, et en l'occurrence Sayid se rendait compte que le volatile au prénom ridicule était d'humeur à le faire tourner en bourrique. Il s'en rendait compte et malgré tout il se laissait hypnotiser, oubliant pour de bon ce qu'il avait sur le feu et ne réalisant sa bêtise que définitivement trop tard. Ce n'était bien que l'odeur de brûlé qui l'avait sorti de son mode bug, et le perroquet lui était déjà parti voir ailleurs, comme s'il avait accompli sa mission et s'était retiré pour rire plus loin pendant que Sayid cherchait lui un moyen de cacher le corps. Ou la poêle, au moins. Histoire que cette histoire ne reste qu'entre lui et la cuisine déserte ... Lui, la cuisine déserte, et le mec qui venait de débouler de nul part et se tordait maintenant de rire en regardant Sayid bugger avec sa poêle à la main, balançant à la volée de l'autre côté de la porte « Bon euh fausse alerte les mecs hein, rangez vos extincteurs. » avant de se tourner à nouveau vers lui. Sayid était resté un instant interdit, ne saisissant pas trop pourquoi Lamine - puisqu'il s'agissait bien de lui - se marrant de cette façon, avant de faire le rapprochement entre sa phrase et le fait qu'il avait mis "feu" à son déjeuner quelques instants plus tôt ; Autant parfois Sayid raisonnait à toute vitesse dans un coin de sa tête, autant parfois il lui fallait trois plombes pour réaliser des choses évidentes. Est-ce qu'il était supposé se mettre à rire aussi pour ne pas vexer son interlocuteur ? « Oh c'te panique, t'aurais vu leurs gueules ! ... hm bref. alors dis-moi, qu'est ce que tu nous as foiré de beau ce soir mec ? » Dieu merci non, il n'aurait visiblement pas à feindre l'hilarité. Jetant en tout cas un œil déçu au contenu de sa poêle, parce que même en y mettant de la mauvaise volonté d'habitude il n'en arrivait pas là, il avait tenté de se justifier « Non, mais ... c'était pas si foiré à la base, mais c'est à cause de ce perroquet, là ! » Enfin non, plus là, justement. Et puisque le volatile s'était bien gardé de rester dans les parages pour confirmer son alibi autant dire qu'il ne tenait qu'à moitié la route. Réalisant en tout cas du même coup qu'il avait plus élevé la voix que d'habitude, et que le contenu de sa poêle n'était absolument pas rattrapable, il avait soupiré avant de tout vider dans la poubelle et de se tourner de nouveau vers Lamine pour reprendre d'un ton plus calme, plus lui. « Mais merci. Grâce à toi tout l'hôtel saura bientôt que je ne sais pas cuisiner ... et quelqu'un se sentira obligé de se dévouer pour que je ne meurs pas de faim. » Peut-être que c'était le bon plan en fin de compte. Même si objectivement Sayid n'était pas vraiment le genre à qui on avait envie de faire une fleur, au premier abord ... Non, il n'avait pas le capital sympathie d'une Sailor ou d'une Gigi, assurément. « D'ailleurs si tu as envie de faire une bonne action c'est maintenant ou jamais. » Le ton était toujours très pince sans rire, mais pour une fois pourtant la proposition n'était pas réellement sérieuse ... quoi que tout dépendait, si Lamine avait une folle envie de cuisiner Sayid ne l'en priverait pas. « Tu as conscience que tu viens de faire faire leur dernière prière à ceux qui se sont retrouvés coincés dans la suite Elvis pendant ton petit manège ? » Genre il y a le feu mais je suis coincé derrière ces satanés barreaux, monde cruel, je venais juste ici pour gagner un peu de pognon ne me laissez pas crever ici. Et finalement à cette pensée, c'était un sourire légèrement narquois qui s'était dessiné sur le visage de Sayid, un peu égal à celui qu'arborait Lamine lorsqu'il avait réalisé - probablement sans surprise - que son initiative d'ameuter tout le bâtiment était peut-être un poil excessive. Mais divertissante.

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