Même s'il se trouve à des milliers de kilomètres de chez lui, il n'a pas perdu de ses habitudes et de sa véritable routine avant le couché. Tel un automate il revient de la salle de bain, évite au maximum les bouches d'aérations qui envoient de l'air au moindre contact, s'installe sur le rebord de son lit, boit une légère gorgée d'eau, avale son somnifère et se glisse sous la couette qui bien sûr est rentrée pour chaque recoin sous le matelas. Un lit carré, propre, le strict nécessaire pour que notre homme puisse passer la nuit. Il déteste l'idée de partager sa chambre, encore moins son lit et il n'arrive pas à s'y habituer. Loin de son chez soi avec une inconnue à côté de lui, il est bel et bien obligé de prendre sur lui. Dans les Abysses il avait réussi à négocier pour partager sa tente avec un homme. Dans le nid, on ne lui a pas trop donné le choix. Extrêmement mal à l'aise, gêné, voir dégoûté, il tente de s'éloigner au maximum de la candidate. De dos et à la limite du rebord, il tente de trouver le sommeil. Heureusement que les cachetons l'aide. Sans eux, il ne fermerait sans doute pas l'oeil de la nuit. Peu à peu il tombe dans les bras de Morphée. Efficace les cachets. Mais alors qu'il est endormi, des bras entourent soudainement sa taille. Tels des serpents qui viennent s'enrouler autour de lui. Ses yeux s'ouvrent sous le coup de la surprise et ils se retrouvent comme paralysé. Il jette deux trois regards autour de lui, mais il n'ose pas bouger, se retourner, il est pétrifié par le choc de cette soudaine accolade.

Je me love sans trop de gène contre lui, il va falloir qu'il fasse parce que je ne vais pas lui laisser le choix et puis je dors toujours ainsi lorsque je dois partager mon matelas avec un tiers. J'impose mes habitudes et mes envies et le bonus est que cela peut potentiellement l'irriter. Mais il n'a pas la réaction virulente que j'attendais, je pourrais presque pousser un petit soupir de déception. Je le sens bien évidemment se raidir, ça ne fait qu’apparaître un sourire plus agacé que réellement amusé parce que je sais très bien qu'il est réveillé mais il préfère se murer dans son silence exaspérant. Si j'étais réellement violente, j'aurais bien envie de le claquer, mais je ne le suis pas. J'imagine que mes bras l'enserrant sont comme les barreaux d'une prison pour lui mais je m'en moque. Je pousse le vice à ce que mes doigts tâtonnent pour aller chercher ses mains et s'y nouer. Mes doigts glacés s’immiscent entre les siens, s'y frayant un passage pour s'y faire une place. « Tu as clairement un problème » je lâche d'une voix plutôt sans chaleur. Je crois que je suis tombée sur le pire partenaire, et habituellement j'ai l'habitude de troquer mes malus, mais je suis obligée de me le coltiner. « Et ce n'est pas un compliment » je précise de mon ton glacé parce que certains seraient capables de retourner ma remarque à mon avantage. Je pose délicatement mon front contre son dos. « Tu t'y feras » je laisse entendre à voix basse toujours pour éviter de réveiller ou d'alerter nos compagnons de chambre. Il s'y fera, à ça, à moi ... Je crois qu'on n'a pas le choix tous les deux, il va falloir s'adopter à l'autre le plus vite possible parce que nos sorts sont malheureusement liés.

Arraché du monde des chimères par une sans-gêne, le monde réel lui réapparaît telle une énorme claque en pleine tronche. Notre homme est surpris, déconcerté, énervé par ce qu'il vient d'arriver. La femme allongée à côté de lui l'enlace, pousse le vice encore plus en venant entrelacer ses doigts dans ceux de Gekko. Dans un premier temps totalement paralysé par ce geste brusque et inattendu, il reprend ses esprits lorsqu'il entend la demoiselle l'ouvrir. Pour qui se prend-t-elle pour lui imposer ce genre de choses. Elle n'est personne, qu'une inconnue, même si dans les faits ils partagent le même lit. Il empoigne avec dégoût les mains de la jeune femme qu'il repousse tout en se retournant. Regard poignant, il la fixe en silence lui intimant de la fermer. Il en devient presque effrayant à rester muet sans détourner son regard de la candidate. Il est discret, voir calme lorsqu'on ne vient pas l'embêter, mais si on le pousse ainsi à l'extrême, c'est certain qu'il ne peut pas rester à rien faire. L'air toujours aussi sérieux, un rictus vient s'inviter dans le paysage. Il se retourne un instant, fouille dans ses affaires le temps de quelques secondes et lorsqu'il refait face à sa partenaire, il lui balance sa montre. Une montre luxueuse, coûteuse, à défaut de ne pas avoir de billets dans ce jeu. « Ne t'avise même plus de me toucher ... ».

Il finit par s'arracher à mon étreinte pour fouiller dans son bordel dans sa partie du lit. Je me redresse vaguement, presque curieux, je m'attends un peu à tout venant de sa part. Surtout du pire. Il balance sa montre sur la couverture, j'arque un simple sourcil. Il m'achète ? A moins que sa montre ne coûte 10 millions d'euros, je ne risque de ne même pas considérer son offre pour le laisser tranquille. Au contraire, je vais faire tout le contraire, même, je pense qu'il le mérite totalement. Je vaux bien plus qu'une simple montre de créateur hors de prix. Je fronce simplement les sourcils face au ton qu'il emploie avec moi, clairement cela ne risque de ne pas le faire. Il va falloir qu'il calme ses hormones, je ne suis pas n'importe qui. D'ailleurs, il le sait mieux que personne. « J'en veux pas » je lui réponds simplement parce que j'ai l'impression qu'il me paye, non mais il se prend pour qui cet abruti ? J'attrape entre mon index et mon pouce sa montre avec une mine dégoûtée pour la poser du côté de son lit, contre le sol. J'ai fait un effort pour ne pas la balancer sur le sol, j'aurais pu très bien imiter sa façon de me la donner, mais il a de la chance, j'ai la notion de l'argent, contrairement à lui, surement. « Sinon ? » je demande avec un certain dédain parce les menaces ou la violence -proscrite au sein du Nid, on le rappelle tout de même- ne m'ont jamais impressionné. « Tu sais tu peux toujours dormir au pied du lit ou dehors» je propose alors l'air de rien, parce que rien ne l'oblige à dormir dans notre lit de binôme et puis, je serais trop heureuse de pouvoir faire mes grasses matinées dans un lit deux places rien que pour moi.

En lui balançant ainsi une montre valant plusieurs gros billets de banque, il l'insulte. A défaut de le dire avec des mots, il espère qu'avec son geste il est clair et qu'elle va comprendre. Avec lui, on ne joue pas. Je pense qu'il est évident que depuis le début, ce n'est pas un marrant. Si elle veut faire mumuse, qu'elle aille dans le pieu d'un autre. Il n'est pas étonné de la voir rejeter le présent. Tant pis pour sa tronche. Mais qu'elle ne s'attend pas à ce que notre homme s'abaisse à ses caprices. « Moi je ne bouge pas, si tu n'es pas contente, le pied du lit va t'accueillir ... et les bras grands ouverts » Dit-il sans détourner une seule seconde le regard intense qu'il lui offre. Pas une expression ne se dégage de ce visage de glace. De quoi donner quelques frissons pour les plus peureux. Celle-là ne semble pas en être une, de froussarde. Au contraire, une chieuse qui ne se laisse pas marcher dessus. Elle est extrêmement mal tombée. Il ramasse la montre non désirée par sa partenaire et la range. De nouveau allongé sur le lit, il repose son regard sur la jeune femme. « Se coller à un inconnu aussi facilement, tu n'as pas froid aux yeux ... » Souffle-t-il avant de se mettre à fixer le plafond. Inutile cette fille.

Il fait la gueule. Il boude. Il se rebelle. Je contemple avec presque une certaine compassion son petit manège qui ne m'amuse pas tellement à cause de l'heure tardive. Aller, on se calme Gekko. Il continue à me toiser, comme pour m'impressionner, ou je-ne-sais pas. J'esquisse un sourire franchement amusée par sa façon de faire.  « Tu peux continuer à me regarder comme ça, ça n'y changera rien » je déclare simplement, en ronronnant, parce qu'il peut braquer ses prunelles psychopathes sans coeur sur ma délicate personne, je ne risque pas de fléchir ou même d'avoir peur. Le lit, c'est mon territoire, s'il n'est pas content et bien il dégage et on en parle plus, mais il ne va pas continuer à grogner comme cela très longtemps, il gène tout le monde voyons ! Il se rallonge et je fais de même, mes pieds allant se promener du côté des siens. J'écoute sa remarque, en soupirant. « Je connais ce qu'il y a de plus important sur toi ici, alors inconnu, pas tellement » je déclare simplement en haussant les épaules. C'est une façon de lui demander de fermer gentiment sa gueule, quoi, mais je suis tellement polie que je préfère lui dire que ce qu'il avance actuellement n'a aucun sens. Il est con ou comment ça se passe ? « Alors arrête d'en faire des caisses, et ça ira mieux » je murmure simplement presque blasée parce que je sens que cette aventure risque d'être d'une longueur extrême avec lui.

Une fille insupportable. Encore une. Il n'y a que ça dans ce monde. Des chieuses. De quoi décourager notre homme. Les pires d'entre elles sont les chieuses avec un sale caractère. Elle semble appartenir à cette catégorie, de quoi ravir davantage Gekko. Et lorsqu'en prime elle ose clamer savoir connaître ce qu'il y a de plus important à savoir sur lui, il affiche un léger rictus. Oui, il le prend comme une blague. Parce que s'en est une, non ? Et elle en rajoute. Maintenant il en fait des caisses. Lui ? Le type le moins expressif du nid, celui qui l'ouvre qu'à de rare occasion, en faire des caisses ? L'avis général irait plutôt dans le sens inverse. Il n'en fait pas assez. « Sale ignorante ... » Même si ça ne se voit pas, il est amusé. Elle l'amuse. Quelle crétine. « Déçu ne pas être tombé sur le toutou que tu aurais pu tenir en laisse ? » Elle semble être le genre de femme à toujours vouloir le dessus, le contrôle et au moindre rabaissement, s'enflammer. Il ose un rapprochement en réduisant la proximité qui les sépare pour lui souffler. « Un conseil, ne t'approche pas trop près et n'en fait pas des caisses » Je pense qu'ils ont conscience que la suite de l'aventure ne va pas être rose. En voilà un duo improbable.

Il finit par l'ignorer. Pourquoi apporter de l'attention à une personne aussi insignifiante. Il a d'autres chats à botter. Des filles insupportables, il en a croisé. Suffit de ne pas donner de l'importance à ce qu'elles sont, font. Même si celle qui partage son lit semble déterminée, acharnée et extrêmement vicieuse. Après un dernier avertissement, elle le prend comme une invitation et vient à nouveau se blottir contre son corps. Ce qu'il peut bien détester qu'on le touche. Que ça soit elle, il trouve cela encore plus dégoûtant. Il empoigne ses poignets et repousse à nouveau les bras qui entourent son cou. Elle est désespérante. Pas un soupire pour l'exprimer, mais un léger rictus. En ayant marre de ses beuglements à répétition, il lui tourne à nouveau le dos. « Pour les filles dans ton genre, il existe toujours le trottoir. Ne te prive pas, va-y ... » siffle-t-il alors qu'il ferme les yeux.