+@Mackenzi
Imma n’avait jamais eu le cran – jusqu’ici – d’aller faire une tour dans les deux autres chambres que la sienne. C’est qu’elle n’osait pas s’y rendre, de peur d’être considérée comme une intruse, peut-être même une voleuse. Après tout, elle n’a pas à aller là où se trouvent les affaires des autres. Elle ne sait pas si elle aimerait voir quelqu’un se poser sur son lit en son absence par exemple – mis à part Addil, évidemment. C’est alors timidement qu’elle approche de la porte de la chambre dite Elvis. Elle connait Elvis, elle connait ses chansons. Pour autant, elle se demande ce que pouvait être « l’animation » de cette chambre. Elle avance, les yeux braqués sur le décor, lorsqu’elle se souvient. Elle se souvient d’avoir entendu parler de pas à compter et de barreau qui se referment. Alors, lorsqu’elle voit Mackenzi s’approcher à son tour, elle ouvre grand ses yeux. Elle n’a pas compté ses pas. Elle n’a pas le temps de lui dire quoique ce soit : de rester sur place, de ne pas faire un pas de plus, que les barreaux se referment déjà autour d’elles. Imma se fige alors sur elle-même, une moue gênée sur les lèvres, qui tend à se généraliser sur son visage tout entier. Elle ne sait que faire, comment réagir : ce n’est pas sa chambre, ce n’est pas leur chambre. Elles, elles viennent toute les deux de la chambre Jackson, dont le sol est finalement bien plus drôle que celui-là. Imma ne voulait pas ça et maintenant son flagrant délit de curiosité est assuré au reste du nid. « Combien de temps on reste ? » Elle souffle en regardant sa camarade de côté, alors qu’elle se rapproche d’elle pas rassurée du tout.

La chambre des autres restent un endroit inexploré pour moi. Et je n'y aurais sans doute jamais mis les pieds si je n'avais pas chercher à retrouver l'un de mes bracelets. La gourmette de mon époux en fait. Celle qu'il m'avait offerte au début de notre relation et sur laquelle on peut y lire son prénom. Une gourmette que j'avais enlevé dans la salle de bain et que j'avais oublié de reprendre ensuite. Bien entendu, lorsque j'avais remarqué mon oubli, j'étais retournée sur les lieux mais malgré des fouilles, je n'étais pas parvenue à la localiser. L'idée qu'un candidat puisse la prendre et la ranger m'avait traversé l'esprit et j'avais donc commencé mes recherches. La chambre Elvis fût la première chambre dans laquelle j'entrais, celle-ci se trouvant être la plus proche de la salle de bain, je ne faisais que suivre un certain ordre logique. Franchissant la porte, je constatais la présence de la jeune et paisible Imma. Bien que je lui adressais un léger sourire, mes pensées restaient occupées par ce bracelet que je craignais de ne pas retrouver. J'en oubliais même la fameuse règle des pas. Brutalement, voilà que nous nous retrouvions enfermées dans cette chambre. Ce qui amena Imma à me poser une question au sujet de la durée de l'enfermement. «Je ... Et bien je ne sais pas trop. J'imagine qu'ils ne vont pas nous laisser moisir ici » Puis de toute façon, les autres seront bien obligés de regagner leur chambre à un moment donné. «Est-ce qie tu sais si les pas que nous faisons maintenant comptent également dans ce décompte. Je n'ose pas bouger de peur de rester ici plus longtemps encore.»

En entrant dans cette chambre, Imma avait totalement oublié l’interaction qu’elle contenait ou tout du moins pas sur le coup. Les grilles qui se referment sur elle et la brune présente également, elle venait de s’en souvenir à la minute. Elle est mal à l’aise Imma, elle n’aime pas cette condition d’animal en captivité. Comme la suite logique de tout ce qu’elle a toujours connu : c’est une bête de foire. Elle s’emballe évidemment, mais elle ne peut s’empêcher d’avoir peur. De penser à ça. De se demander combien de temps ça mettra. Imma ne répond rien, parce qu’il est évident qu’ils ne les laisseront pas moisir ici. Mais si elle savait combien de temps un corps pouvait rester sans boire ni manger, elle ne serait plus aussi confiante. Elle souffle. Prête à faire les quelques pas qui la sépare d’un lit, les paroles de Mackenzi la fige complètement. Elle est tétanisée. Elle non plus n’ose plus alors bouger, de peur de voir leur temps en prison doubler, ou peut-être même tripler. Elle bouge sa tête de droit à gauche « Je sais pas. J’aime pas ça. » Qu’elle souffle, détournant le regard un instant. Elle doit se ressaisir. Elle a sa respiration incertaine, mais elle doit se ressaisir. Serrant les poings, elle essaie de penser à autre chose. À Mackenzi avec elle, à qui elle n’avait jusqu’ici jamais réellement parlé… « tu peux parler de toi ? » Quelle souffle alors, trouvant l’alternative aux plaintes plutôt bonne.

Imma a peur, c'est quelque chose qui se sent et malheureusement je ne peux pas me rapprocher d'elle pour aller la réconforter. Bien que la situation ne m'effraie pas autant qu'elle semble effrayé la jeune femme, je préfère ne pas prendre le risque de voir les minutes d'enfermement se prolonger. Je cherche à ce qu'elle se focalise sur moi, qu'elle oublie tout ce cadre dans lequel elle se trouve. Dans lequel on se trouve. «Ca va aller » Que je souffle d'une voix rassurante. Elle veut que je parle. Bien, ce serait peut-être un bon moyen pour faire passer le temps et nous risquions peut-être d'être relâchées plus tôt qu'on ne le pense. Cherchant toujours à mettre la jolie africaine en confiance, je pris la parole.  «Je ne sais pas trop par quoi commencer... Ou ce qui t'intéresserait le plus.» Commençais-je alors  «Une chose est sûre, si on m'avait dit, il y a dix ans, que ma vie ressemblerait à ça, je ne l'aurais sans doute pas cru. A l'époque, j'étais danseuse étoile à Paris et je ne vivais que pour la danse. Vraiment. Je n'avais jamais envisagé la vie autrement qu'en dansant à longueur de journée.» C'était une bonne introduction je pense, cela l'aidait sans doute plus à visualiser la vie que j'avais à cette époque-là. Un léger sourire se dessina sur mon visage et comme elle ne semblait pas avoir besoin de me questionner pour le moment, je continuais. «Et maintenant, j'ai renoncé à la danse. Je ne peux plus danser comme je le faisais et j'ai du mal à me contenter de l'imperfection dans ce domaine-là. Puis il faut dire que la danse est peu à peu passée au second plan, au profit de mon époux. Bon j'ai tout de même ouvert une école de danse pour partager cet art que j'aime tant et pour rester en contact avec ce milieu... Mais je ne pratique plus.»

Imma a peur oui, c’est un fait, mais elle ne sait pas pourquoi. Si c’est parce que les barreaux la tiennent captive. Si c’est le fait de ne pas savoir si elle peut marcher ou non de peur de voir leur temps doublé. Et découlant de ça une envie folle de se rapprocher de Mackenzi, pour se rassurer. C’est que sa phase d’observation à Imma passe doucement à la phase deux : la phase d’adaptation. Elle s’adapte aux candidats, à leur présence permanente et aux lieux aussi, loin de son modeste appartement à Windhoek. Pour autant, tout les lieux ne lui sont pas encore connu et ne la rassure pas vraiment. Comme cette chambre et soudainement, elle est bien heureuse de ne pas y dormir. Ca va aller, elle préfère y croire oui. Elle sait bien que ça ira, c’est obligé à la télé. Imma a une arme alors pour se dire que ça passera, l’entendre parler. Elle ne parle pas elle, elle préfère écouter les autres. Mackenzi semble plus âgée, avec plus d’expérience. La namibienne hausse les épaules, ne sachant quoi vouloir écouter. Ce qu’elle veut : elle dit ce qu’elle veut. Alors la brune parle. Elle parle de sa vie d’avant ou plutôt de sa passion : la danse. Les yeux d’Imma s’ouvrent grands, s’émerveillent. Certes Imma danse du hip-hop et non du classique, mais c’est de la danse tout de même. Alors même si elle est naturellement intéressée, elle l’est encore plus. Elle s’attriste de savoir qu’elle ait arrêté la danse, qu’elle ne le pratique plus. Elle baisse sa tête un instant, tortillant ses doigts. Et puis finalement elle s’en fiche du sol, de savoir combien de temps elles pourront y rester. Imma s’approche rapidement de la brune pour tomber dans ses bras : elle enroule les siens sur sa taille et pause sa tête sur son épaule. Ce qui lui manque depuis quelques semaines maintenant. L’espace d’un instant elle ne se demande même pas si ça pouvait gêner Mackenzi, elle est trop bien. « Moi aussi je danse. » Elle chuchote. "Tu pourrais me parler de la danse classique?" Qu'elle demande.