- léo.

À mes yeux, le premier avril ne signifie strictement rien. Il est supposé être un jour de joie, durant lequel on se fait des farces entre amis, pour plaisanter, mais chez moi, on n'a jamais eu de temps à perdre avec ce genre de coutumes idiotes et dégradantes. On n'évoquait même pas la venue ou la présence de l'événement, en réalité, puisqu'il n'existait tout simplement pas aux yeux de mes parents, de mon entourage, de mon milieu. En grandissant, certains jeunes rebelles de la classe privilégiée s'amusent à revisiter le concept pour qu'il serve mieux leurs jeux de débauche et le caractère enfantin des farces vire assez rapidement et assez facilement à l'obscène. Ce n'était qu'un jour d'abandon de plus, à la seule différence que celui-là avait une sorte de légitimité que lui conféraient les « poissons d'avril. » Alors lorsque je me réveille, je ne pense pas une seconde aux imbéciles du coin qui auront probablement envie de s'amuser un peu. Je n'y pense pas plus en vivant ma vie comme d'habitude, en occupant ma journée, en vaquant d'une occupation futile à une autre. Bref, je m'en fous complètement, en somme. Comme chaque année depuis presque vingt-six ans. Ce n'est qu'une fois dehors, avec mon short de bain, en captant la silhouette de Léo qui gambade aux environs de la piscine pour parfaire son tain doré que l'électrochoc se fait. Parce que, évidemment, quiconque de suffisamment puéril que pour prendre cette connerie de premier avril au sérieux est un imbécile, sauf moi. Moi, j'ai le droit. C'est mon premier poisson d'avril, j'ai le droit. Alors, silencieusement, je me glisse jusqu'à ma cible, je me plante à côté de lui, j'écrase la paume de ma main sur son épaule et l'envoie valser droit dans l'eau. L'angle improbable que fait son corps en tombant m'arrache un rire et je me perche, victorieux, sur le rebord du bassin, attendant patiemment qu'il émerge. « Piège avant d'être piégé, règle numéro un. » je scande, avec un large sourire railleur, les bras croisés sur mon torse. Bon, c'est vrai que c'est marrant. Un peu.

Une journée de plus dans cet hôtel doré. L’ennui a beau s’installer petit à petit je m’en lasse pas, me prélasser dans le lit flambant neuf qu’on m’a attribué me déplait pas tout comme le luxe d’avoir toute la bouffe dont j’ai envie à portée de main. Y a même de quoi faire du sport c’est formidable… non ça j’déconne. J’irais pas jusque-là. Quoi que j’irais bien faire un tour à la piscine aujourd’hui, ça serait pas désagréable. J’ai beau m’être habitué aux températures locales il fait toujours un peu trop chaud à mon goût et j’suis pas contre un saut dans la piscine. Mais quelque chose déroge mes plans. Quelque chose d’inattendu, un jour béni pour un type de ma tranche. Le premier avril. Bon pour dire vrai je n’en ai pas fait depuis… mh des années, mais là le contexte s’y prête. On est enfermés sans rien à faire alors si la prod’ ne nous donne pas d’activité le calendrier le fera pour nous. Encore faut-il trouver quelque chose qui fasse son effet. Avec le nombre de candidats trainant dans les alentours je devrais bien trouver quelque chose qui fasse chier l’assistance de manière générale. Je cherche donc n’en oubliant pas mon idée de piscine mais clairement j’peux pas faire les deux donc j’reste sur le bord à remuer mes méninges en faisant quelques pas. J’en remarque Hugo qui vient se poser à côté de moi. Tout naturellement je tourne la tête vers lui mais j’ai même pas le temps d’ouvrir la bouche pour articuler quelque chose que j’me retrouve poussé à la flotte. Ah ouais ? J’réalise le truc qu’une fois sous l’eau, remontant une fois le micro-choc passé. Je secoue la tête, virant l’eau de mon visage avec mes mains. Celles-ci enlevées, elles dévoilent le sourire trônant sur mes lèvres. « Parce que tu penses que j’allais te piéger ? » Prévenant. Ma façon de le lui demander dévoile en transparence mes intentions. J’entame quelques brasses pour rejoindre le bord, pas plus dérangé que ça par le fait de m’être retrouvé à la flotte soudainement. « Et il en est quoi de la numéro deux ? » Il va nous trouver quelque chose j'en doute pas. Si ça pouvait me filer une idée au passage... j'suis déçu de moi même.