@Léo

Je trouve cet hôtel fascinant, vraiment, mais si je devrais mettre une mention spécial à quelques endroits qui compose le nid, je pense que ce serait les couloirs. Entre celui du premier étage qui est noircit par les signatures de dizaines de célébrités et celui qui me donne l'impression aussi vrai que nature de me retrouver dans l'océan au milieu des poissons, jamais couloir ne m'aura autant captivé. Ce sont presque comme des pièces à part entière en fait, ça doit d'ailleurs faire une demi-heure que je m'acharne à déchiffrer les écritures en pattes de mouches illisibles pour tenter de découvrir l'identité de toutes les stars qui ont pu arpenter le même couloir que moi en ce moment et qui auraient décidés d'y laisser un petit souvenir. J'en cherche quelques unes en particulier, celles de sportifs connus que j'admire, et surtout celle de Michael parce que c'est sûr qu'il est venu lui, puisque je dors dans la chambre qu'il aurait apparemment occupée. Je pense pas que ça se voit sur mon front quand on me croise dans la rue, mais je suis un grand fan de Michael. Une grande partie de ma génération, même ma génération toute entière doit le connaître, c'est obligé, après on l'aime ou pas, mais on le connaît forcément. Alors que les jeunes d'aujourd'hui le connaissent à peine de nom, parce qu'il est mort il y a presque six ans, et c'est tout. Mais c'était quand même quelqu'un ce type. Une légende, si je puis dire. Un inventeur, un génie quelque part. Le mec a révolutionné le monde de la danse et l'industrie de la musique, bon il était pas tout seul, mais il était vachement influent à l'époque. Ce serait moche qu'on oublie son nom et sa carrière et qu'on le résume à deux/trois titres et des histoires de pédophilies sordides, puis à une mort suspecte comme la plupart des autres grands noms qui sont venus passer un petit séjour dans cet hôtel grandiose. « Ah, tu tombes bien le petit génie, j'ai besoin de tes talents, faut trouver Michael, mais comme j'ai oublié mes lunettes je vois rien. » Non mais en fait, j'ose pas le dire parce que ce serait étrange même venant de moi, mais je suis un peu en train de lui demander qu'il me prête ses yeux, c'est tout.

J’sors tout juste de la douche. Comme à chaque fois je ne déroge pas à la règle et j’emprunte le peignoir de Mylah comme s’il s’agissait du mien. Aucun accord n’ayant été convenu j’en déduis que j’ai toujours le droit de l’utiliser. Je prends plaisir à imaginer que j’ai son accord en fait, et c’est tout comme puisqu’elle a refusé le deal que j’lui ai servi sur un plateau d’argent. Soit, j’rejoins le dressing tranquillement car moi je m’habille là-bas pour éviter que mes fringues prennent l’eau ou soient volées, c’est déjà arrivé donc non ce n’est pas de la paranoïa, et j’croise le vieux Cecil sur l’chemin. Encore une fois j’tombe à pic et je ne peux que m’en féliciter. Comme précédemment je m’arrête à sa distance comme si j’prenais un peu de mon temps pour l’aider une nouvelle fois. « Jackson ? » Non parce que j’ai aussi des potes qui s’appellent Michael, ou plutôt Mickael donc eux j’pourrais les chercher une éternité que même avec mes pouvoirs de génie je ne les trouverais pas. Je jette un œil aux écritures minuscules et franchement s’il veut mon avis y a que Sailor et ses yeux trois fois plus grands que la normal qui pourrait réussir à déchiffrer tout ce bordel mais j’peux bien essayer. « Il est là. » Je pointe du doigt le mur, lui pointant le nom de Clint Eastwood sans aucune honte. J’ai bien envie de le voir se pencher à essayer de déchiffrer le nom tiens. « T’arrives vraiment pas à lire ? » J’insiste parce que j’ai vraiment envie de voir la scène quoi.

Je suis vieux, c'est un fait, et ce fait n'est malheureusement pas exempt de conséquences quelque peu inconvenantes. Ma vue baisse alors que je n'ai jamais eu de problèmes à ce niveau là auparavant, mais j'aurais certes pu me douter que ça m'arriverait un jour à moi aussi en constatant que mes parents ont tous les deux commencés à porter des lunettes à peu près à l'âge que j'ai aujourd'hui. De toute façon, c'est pas comme si je prenais ce problème très au sérieux, j'oublie toujours mes binocles quelque part, souvent dans des endroits improbables histoire d'être sûr de ne plus jamais les retrouver après. Pourtant c'est pas totalement dépourvu d'utilité ce genre de machins quand on essaye de lire les noms de personnalités célèbres signés à la va vite sur un pan de mur. Je distingue quasiment rien à part quelques initiales par-ci par-là. C'est d'un frustrant. Heureusement pour moi que le petite lutin de la forêt se promenait dans le coin. S'il veut toujours exhausser un de mes souhaits pour je ne sais quel raison, c'est le moment. J'aimerais bien trouver la signature de Michael que je lui dis, mais avec ma paire de billes qui déclinent c'est un peu compliqué, alors que les siennes sont toutes neuves, c'est encore un bébé. Il me demande si je veux parler de Michael Jackson et je le fixe d'un air déconcerté. « Bah ouais. » Ça me semblait tellement évident que j'ai pas pensé à préciser, c'est vrai, autant pour moi, hm. « Mais si tu trouves Caine, Jordan, Keaton et Schumacher tu peux me le dire aussi. » Tant qu'à faire, je vais pas cracher dessus, même si ça apportera sans doute rien à ma vie de voir à quel point il signe tous n'importe comment. M'enfin moi je peux parler. Le petit gars me désigne un gribouilla que je regarde attentivement alors qu'il me demande si j'arrive vraiment pas à lire. Le truc c'est que je la connais un peu la signature de Michael, je l'aie à la maison, et il m'a jamais semblé qu'on le surnommait "Eastwood". « Bah t'as vu la gueule qu'ils ont leurs autographes, y en a c'est juste des traits, même mon ophtalmo écrit mieux que ça. » Je réplique avant de me reculer un peu et de croiser les bras tout en admirant l'ensemble des noms rassemblés dans ce couloir. « D'ailleurs tu devrais peut-être aller le voir un de ces quatre, au cas où t'ais pas confondu le roi de la pop avec un des cinéastes les plus connus au monde rien que pour voir si je m'en rendrais compte. » Petit con, va.