Imma ne faisait que passer dans le couloir, lorsqu’une voix l’interpelle. Sans rien dire elle s’arrête, ne comprenant pas tout de suite d’où pouvait venir la voix. Elle retourne d’un côté, puis de l’autre, pour au final  remarquer la présence de Gigi, allongée sur un lit de la chambre Elvis. La chambre qu’elle n’aime pas. Ces barreaux angoissant, pouvant les emprisonner à tout moment la font frissonner. Ce ne devrait pas être permis d’enfermer ainsi les candidats, mais sur le coup elle s’en moque. C’est la brune qui l’intéresse, vers qui Imma aligna quelque pas. Elle ne discute pas, Imma s’exécute, triturant ses doigts. Elle ne fait que s’approcher dans un premier temps dans pièce, penchant la tête pour mieux percevoir Gigi. Elle n’a pas l’air bien ; elle semble avoir beaucoup pleuré. C’est alors avec une mine triste que la namibienne monte doucement sur le lit – les grilles se refermant quasiment au même instant, mais la namibienne s’en moque cette fois - lit sur lequel elle s’assoit en tailleur. « Est-ce que tu vas bien ? » Elle souffle, concernée, à distance respectable. La question est bête ; Imma ne l’est pas, elle sait pourquoi Gigi est comme ça. Elle l’a été aussi à la toute fin du prime – dans une moindre mesure parce que moins proche- mais elle comprend. C’est que Gigi et Ronan était partenaires et plus que ça, assez fusionnel. Elle les avait bien vues. Concernée oui, elle garde ses sourcils froncés et sa gorge nouée par la tristesse : elle est empathique Imma et peut facilement pleurer lorsqu’elle voit quelqu’un d’autre le faire. Elle a l’habitude. Alors elle  a développé une technique au fil du temps, ne pas fixer les larmes directement à la source, mais c’est difficile. Surtout que ce sont ces mêmes larmes qui gâchent le si beau visage de la belle. Doucement, Imma ose même approcher ses doigts ivoire des joues de la brune, pour les essuyer doucement « ton maquillage coule » Qu’elle justifie, enlevant doucement des traces noires. Imma aussi a pleuré un moment, principalement parce qu’il n’avait plus le bracelet qu’elle lui avait fait, pensant immédiatement qu’il ne penserait plus à elle. Mais après elle se dit qu’il ne faut pas pleurer, il n’y a pas mort d’homme. « il faut penser à autre chose. Il faut fermer tes yeux et penser que tout ton chagrin c’est qu’un gros nuage noir. Qu’il faut juste un rayon de soleil pour le faire partir. Il faut parler de quelque chose de joyeux que t’as eu dans ta vie et après tu souriras naturellement… » Imma ne sait pas comment elle a fait pour partir dans ce monologue qu’elle connait bien, mais qui soudainement la gêne tant qu’elle s’allonge sur le lit en position limite fœtale, espérant que la brune ne lui en tienne pas trop rigueur.

Imma ne pourrait se permettre de dire qu’elle connait Gigi, mais elle a une image d’elle de quelqu’un de toujours positive, très joviale. Toujours souriante, tout comme Sailor d’ailleurs, un petit rayon de soleil. Elle est ce qu’Imma a toujours rêvé d’être tout simplement. Du coup, voir un tel modèle de grandeur et jovialité si triste et ne même pas savoir comme elle se sent, ça touche Imma. Ca la rend triste aussi, mais ça lui donne surtout envie de lui rendre son sourire. D’essayer tout du moins. En premier, elle s’occupe de ces larmes encombrant son minois trop joli pour être gâché ainsi. Mais est-elle vraiment gentille ?... « Pas tant » Qu’elle souffle si bas à elle-même. Pas tant, mais elle ne s’arrête pas à ça. Parce que Gigi réagi à son conseil. Imma hausse doucement ses épaules. « Mais une jolie fille comme toi ne peut pas contenir toute la tristesse du monde... » Encore une fois elle ne peut pas dire qu’elle la connait, mais elle veut aussi lui dire que dans le monde, il y a vraiment beaucoup de triste – Imma en sait quelque chose – et qu’elle ne peut tout avoir sur ses petites épaules. Elle n’oserait alors pas lui dire de tout de même essayer, de tout de même essayer de penser à des choses joyeuses et non plus à ses tristesses. Quoiqu’elle essaie devant ses yeux : elle lui fait un compliment. Etonnant. C’est là qu’elle se rend compte de ce qu’elle venait de faire. Imma ne sait pas ce qui lui a pris, peut-être trop peinée pour Gigi. Alors elle parle. Elle fait ce qu’elle a l’habitude de faire à l’extérieur, délier sa langue et partir dans de longues phrases, mais avec un seul et unique but : effacer un peu la peine. Mais pas pour obtenir des compliments derrière, comme le faisait Gigi. Elle dit des tas de choses si incongrues pour elle, à des années lumières de ce qu’elle pense être. Ou de ce qu’elle pense avoir, parce qu’elle ne trouve pas sa voix particulièrement jolie. Qu’elle n’est pas forcément plus belle lorsqu’elle parle. Elle ne peut s’empêcher de sourire, sans vraiment s’affirmer. Et tout en quittant sa position fœtale, pour une plus ouverte. Elle s’assoit sur le lit, en ramenant ses jambes sur elle. Mais elle cache son visage sur ses genoux. Parce qu’elle lui dit bien qu’elle est belle et que ça la gêne vraiment. « Je sais pas quoi te dire… » Elle souffle longuement. Avant de mordiller sa lèvre inférieure. Elle tourne sa tête à l’opposé de Gigi, pour se sentir moins observée. Parce qu’elle est prise en quelques sortes à son propre piège : c’est elle qui demande à parler en général, c’est elle qui demande aux candidats de parler d’eux ou de quelque chose, mais de parler. « On dit chez moi que parfois une âme erre dans la nuit. [silence] On la voit passer parfois sur les dunes, parce qu’elle regarde longuement la ville comme avec du regret et puis elle finit par s’enfoncer dans le désert jusqu’à disparaitre. C’est toujours la nuit qu’elle fait ça. [silence] C’est comme une personne voilée d’un niqab noir, mais sans même avoir de trous pour les yeux. [silence] C’est comme un fantôme, mais noir. [silence] Parfois les nomades dit la voir flotter à quelques centimètres au-dessus du sol. Parfois ils disent même que ce n’est pas une personne humaine, mais comme un âne. Et quand une tempête de sable gronde, on dit que c’est du bétail qui passe au galop. [silence] Mais toujours dans la même direction, toujours vers le nord. [silence] Saara m’a dit que c’est des âmes Himbas, qui pleurent de voir les jeunes de leur tribu préférer la ville. Alors elles essaient chaque nuit de leur montrer le droit chemin, de les faire revenir à leur famille et à leur place. [silence] Sinon ils risquent de s’éteindre… » Elle se tait. Elle ne sait pas pourquoi elle raconte ça. Par contre, elle sait que contrairement à ce que Gigi dit, elle ne devrait pas tout le temps parler comme ça. Elle n’est pas plus belle et elle n’est même pas intéressante. "Pardon"