J’ai adoré voir la tête de Mylah à mon retour, enfin disons qu’elle m’a plus ignoré qu’autre chose du coup j’aurais carrément préféré qu’on me file l’enregistrement qui montre sa réaction à l’annonce de mon retour pour vraiment jubiler. Malheureusement j’crois que cette fille a le jeu de son côté, j’ai à peine eu le temps de me réjouir qu’elle m’a recollé une nomination sur le dos. Le pire dans tout ça c’est que je l’entraine même pas avec moi comme ça pourrait être le cas avec la nomination classique. Non, là j’pars tout seul au bataillon. Il est beau notre duo hein, tout pété de A à Z. On pouvait pas rêver pire. Quand j’pense que je m’étais dit prêt à faire des efforts pour ma partenaire là ça fait deux semaines que c’est mort. C’est simple : elle me blase. C’est pourtant pas facile à la base mais face aux gens de sa trempe c’est en général ce qui se passe tant ils sont chiants et dénué d’humour. Tout est premier degré et même si j’arrive à en jouer elle me coûte. Notre relation craint, c’qui doit pas passer inaperçu au vu de la fréquence à laquelle on s’adresse la parole ici. La dernière fois qu’on a entretenu une conversation c’était hier lorsqu’elle m’a annoncé ma nouvelle nomination. No comment. Tiens en parlant d’elle j’la voit passer une corbeille de linge à la main. Parfait, j’ai un truc à lui livrer. Lui emboitant le pas dans la laverie, endroit que j’ai en vision d’horreur tant il m’emmerde rien que d’y penser, je me plante à côté d’elle et enlève mon t-shirt avant de le lui tendre. « Tiens tu peux rajouter ça. » Je l’ai tâché comme un con avec de la tomate en cuisinant tout à l’heure. Le regard pour une fois dénué de toute expression se rapprochant de la moquerie je reste planté dans ses prunelles comme si ça allait l’aider à accepter.

C’est avec un sourire sincère aux lèvres que Mylah se rend en direction de la laverie avec sa panière de linges dans les bras. Ça n’a rien d’étonnant de la voir se diriger vers la laverie, puisque c’est un peu devenu son quartier général depuis qu’elle est ici. Elle a l’impression de passer sa vie là-bas et qu’à chaque fois, elle est prédisposée aux conseils pour aider ses camarades totalement largués face à une machine. Elle peut comprendre, elle était comme eux il n’y a pas encore si longtemps. Elle aide ceux qu’elle estime dignes de son intérêt et laisse les autres à leur sort, c’est aussi simple que cela. Aujourd’hui, donc, elle a le sourire, parce que la semaine commence plutôt bien pour Mylah et ce n’était pas gagné d’avance. À l’issue du prime, Léo s’est retrouvé en ballotage avec Ronan, avant que son partenaire ne soit finalement sauvé face au sauvage de l’aventure. Autant dire que ça n’a pas plu à Mylah qui espérait bien se débarrasser de son partenaire. Ce n’est plus un secret que l’entente est loin d’être au beau fixe entre eux et elle espérait sincèrement repartir sur de bonnes bases avec un nouveau partenaire. Manque de chance, les choses ne sont pas passées comme elle l’imaginait. Malgré tout, si elle a un peu tirer la gueule lundi matin, la fin de la journée s’est avérée particulièrement réussie puisqu’en tirant la roulette comme elle le fait une fois par semaine, elle a nominé son partenaire tant adoré. D’autres auraient pu se morfondre, Mylah, elle, en a été ravie et elle n’a pas tardé à lui annoncer la nouvelle. La tête qu’il a faite en découvrant qu’il se retrouvait à nouveau sur la sellette cette semaine est gravée dans la tête de Mylah. En parlant de son partenaire, le voilà qui traîne dans le couloir dans lequel elle passe et elle ne peut s’empêcher d’afficher un sourire bien moqueur. Sourire qui disparait bien vite quand elle constate qu’il la suivie dans la laverie et qu’il lui tend son t-shirt pour qu’elle le lave. « Ce n’est pas dans le contrat. » Elle lui annonce, d’un ton neutre, en détachant ses prunelles du vêtement pour les déposer sur le visage de Léo. Dans le contrat, c’est le peignoir et ce, plus pour longtemps puisqu’elle compte bien ne pas être réduite au statut de boniche plus longtemps. Mais les autres vêtements, elle n’a jamais accepté de les laver jusqu’à preuve du contraire. Il est assez grand pour faire une machine. « Et puis, tu le demandes avec tant de gentillesse… » Elle ajoute, un sourire moqueur aux lèvres. Oui, vraiment, il a su la convaincre de laver son satané t-shirt, à ne pas douter. C’est bien pour ça qu’il le tient toujours dans la main. « Ce n’est pas parce que je t’ai nominé que j’ai un quelconque problème avec ma conscience et que j’estime devoir me faire pardonner. » Elle précise, parce que s’il pense qu’elle va laver son t-shirt dans la joie et la bonne humeur parce qu’elle a quelque chose à se faire pardonner, il se trompe et pas qu’un peu. Elle l’a nominé et elle n’en est pas désolée. Tout d’abord parce que c’est le jeu, ensuite parce qu’elle ne rêve que d’une chose : le voir dehors. Elle ne peut donc que se réjouir face à la nouvelle nomination qui tombe sur la tête de son partenaire.

J’suis ravi que Mylah ait enfin compris le deal qu’on avait à passer entre elle et moi. La pauvre est tellement rongée par ses démons qu’elle s’aperçoit même pas que cet échange lui est bénéfique. Je sacrifie mon plaisir personnel de lui piquer son peignoir quand même, j’y perds beaucoup. Bon blague à part si elle pouvait aussi foutre mon t-shirt dans la machine ce serait cool d’autant plus que pour le coup ça lui coûte rien. Ah si, la souffrance de pas m’emmerder. Putain on m’avait jamais pris autant à mon propre jeu mais il est de toute façon évident qu’elle perdrait ce jeu sur la durée. « C’est pas dans le contrat », non mais sérieux et avoir une partenaire pareille c’est dans le contrat p’tête ? Oui ma gentillesse s’en est allée, Martin l’a bouffée. Elle a jamais été très grande mais avec Mylah ça atteint le niveau minimum possible, tellement bas qu’il est inqualifiable. Mon regard reste posé sur elle, je ne flanche pas j’y crois encore. « Il faut sortir les violons pour rajouter un tshirt dans une machine ? » Je m’attends presque à ce qu’elle me réponde que oui tellement ce serait réellement son genre de s’attendre à ce genre de chose. Mylah est une pimbèche de première comme j’en ai rarement côtoyé et même si j’commence à la cerné y a encore des détails qui m’échappent par exemple : pourquoi faire des lessives tous les jours ? Enfin je m’en plains pas hein mais ça résume la nana. Elle me sort tout un discours sur la nomination qu’elle m’a collé au cul. J’lui ai rien demandé, j’ai même pas évoqué le fâcheux évènement. Non, rien. Elle s’emballe toute seule mais ça c’est sûrement parce qu’elle est tellement fière qu’elle avait juste envie de le ressortir pour le plaisir. « Tant mieux c’est pas c’que j’espérais. » Deux secondes. J’ai peut-être de quoi l’assommer un bon coup. « Mais si tu l’évoques par toi-même c’est que t’as un réel poids qui te pèse sur la conscience. Forcément puisque tu as nominé ton partenaire dans le jeu car même si tu ne peux pas me supporter, quand bien même tu laves actuellement mes affaires j’te le rappelle, on est liés et le jeu ne peut pas se faire tout seul. En plus tu m’assènes des coups de couteaux dans le dos sans cesse mais ta non-envie de te faire pardonner cacherait plutôt, selon moi, une certaine culpabilité. Toi mieux que personne sais que je suis fragile. » Et là je la fini avec des battements de cils que j’ai clairement piqués à Maha. C’était la tirade du pauvre partenaire piétiné et détruit par l’échec de son couple.

Il est hors de question qu’elle lave son t-shirt. Ce n’est pas dans le contrat. Certes, ils n’ont rien signé, mais quand elle s’est engagée à laver son peignoir, elle n’a pas dit qu’il pouvait ajouter d’autres vêtements dans le lot, elle a parlé de ce seul vêtement, alors qu’il ne profite pas d’elle. Il est vrai qu’ajouter un t-shirt à sa machine ne lui changerait rien, mais sur le principe, elle n’aime pas la façon dont Léo tente de se servir d’elle. Déjà que l’histoire du peignoir s’apparentait à du chantage, hors de question qu’il puisse continuer sur cette voie-là. De plus, il a demandé cela avec tant de gentillesse, il a vraiment su la convaincre. S’il faut sortir les violons ? « Oui, tu as tout compris. » Elle répond sur le même ton que le jeune homme, bien que grinçant des dents. Il la perçoit comme une petite bourgeoise qui a tout eu et qui est habituée à être servie et non à servir, et même s’il n’a pas totalement tort, il lui arrive aussi d’être gentille sans qu’on lui sorte les violons. Sauf que Léo n’a rien fait pour qu’elle se montre gentille. « Je ne suis pas si exigeante, un simple s’il te plait aurait été appréciable, mais puisque le mot politesse ne fait pas partie de ton vocabulaire, c’est peine perdue. » Elle soupire. Peut-être que s’il avait effectivement présenté sa demande d’une toute autre façon, elle aurait accepté, la satisfaction d’avoir réussi à lui arracher un tel terme l’aidant. Sauf qu’il n’a fait preuve d’aucune politesse et que ce n’est pas maintenant que cela va changer. Elle est malgré tout surprise qu’il lui fasse une telle demande, il y a forcément quelque chose derrière et elle juge bon d’exposer sa théorie sur la nomination qu’elle lui a infligée lors de son tir à la roulette russe. Elle en est assez fière, surtout qu’il se réjouissait de revenir à l’issue du prime et qu’elle a mis un terme à sa joie assez rapidement. Dans tous les cas, s’il lui demandait de laver son t-shirt simplement parce qu’elle a quelque chose à faire à se pardonner et qu’elle ne pouvait qu’accepter, il se met le doigt dans l’œil. « Voyez-vous ça. » Elle rétorque d’un air provocateur. Oh, elle ne remet pas sa parole en doute, il est sûrement sincère, il commence à la connaître et à savoir qu’elle n’est pas du genre à vouloir se faire pardonner pour si peu, surtout auprès de quelqu’un avec qui le feeling ne passe pas. Malgré tout, elle l’écoute quand il lui balance une analyse digne des plus grands psychologues, même si elle ne peut s’empêcher de rouler des yeux ou de laisser échapper un soupir. Sa dernière phrase cependant la laisse neutre. Elle voit ce à quoi il fait référence et elle ne l’avouera jamais, surtout pas à lui, mais elle l’admire presque sur ce fameux point. Ce n’est pas uniquement un con désagréable, il a une certaine volonté, aussi. « Et toi mieux que personne sait que je ne suis pas vraiment sensible à ce genre de plaidoiries. » Il ne le sait pas vraiment, en fait, mais cela va de pair avec ce qu’il sait d’elle. Si elle écoutait les excuses et compatissait aux larmes de certaines personnes, elle ne serait pas la même. « Regarde-moi bien, tu vois une once de culpabilité sur mon visage, quand bien même je suis la première à avoir parlé de ta nomination ? » Oui ? Non. Autant dire que sa théorie tombe à plat. « Je t’ai nominé et je ne vois pas quelle conséquence cela a sur le jeu. Pour l’instant, on ne peut pas vraiment dire que le fait d’être lié nous ait servi à grand-chose. » Si elle était tombée avec lui, elle réagirait différemment. Peut-être qu’elle le rejoindra jeudi, ce n’est pas impossible, mais pour l’instant, sa nomination ne l’affecte en rien et aucune autre décision ne l’a également affectée, alors le soi-disant lien qui fait que leur jeu ne peut pas se faire tout seul lui passe au-dessus de la tête. « Tu traînes trop avec Addil, il n’a pas une bonne influence sur toi. Et je ne suis pas certaine qu’il apprécierait que tu prennes sa place de grand analyste de l’esprit humain. » Ne peut-elle pas s’empêcher d’ajouter, avec un léger sourire moqueur.

On est un nombre assez conséquent de candidats et même si deux se cassent toutes les semaines, d’ailleurs le prochain c’est peut-être moi, on est encore beaucoup en course pour le pactole. Du coup avec tout ce monde j’trouve ça vraiment con de me charger d’une corvée qui me fait clairement chier, autant essayer de la refourguer là où j’peux et pour l’instant ça marche presque comme sur des roulettes. A la moindre occasion j’mets ma lessive en jeu. Là pour le coup il s’agit d’un accident mais comme j’aime bien ce t-shirt j’aimerais qu’il soit lavé dans l’urgence pour pouvoir le remettre dès que possible et forcément Mylah est passée pile au bon moment ; presque comme le messie en fait. J’ai eu beau lui tendre mon bébé et lui demander, non, il lui fallait un s’il te plait en prime. Oh j’peux comprendre mais si depuis le début je lui ai jamais lâché un seul des mots magiques qu’on enseigne en petite section c’est pas pour la supplier pour ce genre de truc. « M’as-tu seulement dit s’il te plait pour que je te dise s’il te plait ? » Oh oui alors là j’atteins des sommets dans l’enfantillage. Elle me sort tellement par les yeux que je surpasse mes propres limites dans le genre. J’hausse les sourcils avec mon air moralisateur qui me va si mal au teint avant que Mylah n’aborde le sujet qui fâche : la nomination. C’est la première fois que ça arrive donc je reste calme et je passe outre même si éviter de me retrouver une nouvelle fois sur le banc des nominés aurait été appréciable. Et puis moi-même je serais allé le lui annoncer avec un grand plaisir non dissimulé si j’avais eu la chance de tomber sur la nomination du partenaire plutôt que la mienne la semaine passée donc j’peux pas le lui reprocher non plus. J’attends pas qu’elle compatisse, de toute façon c’est pas l’cas. J’passe outre ses provocations, visiblement elle a trouvé sa tactique. Chacun la sienne mais mes les miennes sont assurément moins grinçantes, d’ailleurs je joue plutôt avec mon air de pseudo-victime. « Non j’savais pas, j’avais encore jamais essayé. » J’lui lâche ma stratégie comme ça, sur un plateau d’argent. De toute façon j’essaie un peu tout avec elle au point où on en est y a plus rien à perdre. J’me penche un peu lorsqu’elle me demande de bien la regarder, plissant les yeux je finis par me redresser avec une expertise toute trouvée. « Malheureusement pour toi c’est pas des onces de culpabilité que je commence à voir sur ton visage. » L’air tranquille j’lui invente l’existence de ses premières ridules et encore une fois elle me tient tête même si là pour le coup elle a entièrement raison. « Ca ne saurait tarder, tu vas pas tout maitriser bien longtemps. Enfin si c’est encore le cas… » je laisse planer mon regard vers la machine qui comporte mon peignoir puisqu’au dernières nouvelles je suis le grand vainqueur de notre précédent combat. Le but de ma longue tirade dont moi-même j’ai pas vraiment suivit la logique était simplement de l’assommer, j’pense qu’en pressant replay on s’aperçoit facilement que tout c’que je viens de débiter est une merde immense. « Détrompe-toi j’me suis spécialisé dans le cas Mylah, une espèce heureusement rare vu le spécimen. » Bon et ce t-shirt j’en fais quoi ? En balance sur mon avant-bras il va pas se laver tout seul. « Et sinon si j’te dis que j’vais aller le frotter sur ton oreiller ça t’effraie assez pour faire son effet ou pas ? » J’vais réussir à être à court d’idées, tiens. « Et non ce n’est pas un chantage c’est une menace. » Parce que Mylah crie au chantage à qui veut l’entendre pour tout et n’importe quoi mais elle se trompe.