@Lamine

En cette douce matinée printanière d'avril à Los Angeles, il fait beau. Le soleil trône fièrement dans la ciel et se fait de plus en plus brûlant à mesure que les aiguilles de ma montre se rapprochent du 12. N'ayant plus rien à faire, ou plutôt toutes les taches de mon rituel quotidien ayant été effectuée jusqu'à présent, je n'ai plus qu'à aller m'allonger sur un transat et me laisser endormir par la chaleur, celle-là même qui me réveillera quelques instants plus tard tellement elle est insoutenable pour que j'aille piquer une tête dans l'eau ou que j'aille m'abriter. J'alterne donc les périodes de bronzette, les périodes de baignades et celles cachées sous un parasol pour éviter de ne cramer complètement, ce qui gâcherait vraiment cette belle journée, voire mon aventure qui pourtant me semble prendre un tournant avantageux. Non mais c'est horrible de penser comme ça, je veux dire, c'est trop beau la façon dont je décris ma petite vie ce matin, je sais pas ce que j'ai mangé ou lequel des coincés de la saison m'a contaminé mais il faut que ça sorte de ma tête et vite. On dirait que j'ai quarante ans, c'est horrible. Alors que je me dirige pour la troisième ou quatrième fois vers ma chaise longue, mes lunettes de soleil sur le nez et mon air totalement décontracté, je remarque que quelque chose à changé. Je m'arrête et lève le nez en l'air pour constater qu'un nuage est venu tout gâché. « Roh, fait chier. » Je m'installe tout de même parce qu'il est petit, et tout seul, et qu'il va s'en aller, mais le vent ne semble pas jouer en ma faveur. Je soupire avant de constater la présence d'un autre intrus dans ma petite zone de confort. Au hasard comme ça, je dirais que c'est Lamine, mais il me reste une chance sur trois de me tromper, ça pourrait tout aussi bien être Addil ou Clarke, mais je le vois mieux s'appeler Lamine. Sans doute parce que mon inconscient l'a déjà associé à ce prénom depuis longtemps, en procédant par élimination ou par je ne sais quel autre moyen. Je fixe le jeune homme à travers mes verres sombres avant de me redresser. « Attends, attends, bouge pas. Je veux vérifier un truc. » Je veux juste voir si l'arrivée du nuage au dessus de nos têtes n'a pas un rapport avec lui. C'est con hein, je sais mais s'il s'arrête et que le nuage s'arrête de bouger aussi, on sera fixé.

C'est fou, jusqu'à présent il n'y avait pas un nuage dans le ciel, et l'arrivé de l'un d'eux correspond l'arrivé d'un candidat dans la même zone du nid que moi. Coïncidence ? Je ne pense pas. Je me redresse donc et demande au jeune homme de ne plus bouger, je veux vérifier mon hypothèse mais je préfère ne pas lui en faire part, parce que c'est quand même sacrément débile. Je fixe le nuage qui continue sa course encore plus lentement qu'avant, alors que le gars pense que je suis resté trop longtemps au soleil. « Ça se pourrait bien, oui. » Je confirme en gardant toujours un doigt et le nez en l'air, dirigés vers le ciel d'un bleu de dessins animés. Je baisse les yeux vers lui quand il me demande ce que je cherche à vérifier, paraît qu'il a pas le temps. Pour un peu ça me ferait marrer, parce que le temps c'est pas ce qui manque ici. « J'ai cru que t'avais ramené le nuage avec toi. Mais non. » Je dis d'un air presque naturel et un peu déçu. Evidemment que ça pouvait pas être lui qui avait ramené le stratocumulus -et ouais je connais des mots savants, épatants, je sais- au dessus de nos têtes, mais je me suis dit que ça pouvait arriver qu'un nuage décide de suivre un humain à la trace. Ça pourrait sans doute faire une bonne comédie, à moins que ça ait déjà été fait, je suis pas trop calé en cinéma, mais j'ai déjà vu ça dans les cartoons que regardait ma fille quand elle été petite. Finalement, comme j'ai abandonné mon idée carrément débile et que je me laisse retombe sur mon transat, le type me demande si c'est vrai que je suis dans le sport, parce que ça se voit que je suis costaud mais je pourrais aussi bien être camionneur que boxeur. « Ouais, je suis conseiller sportif, coach en gros, dans une salle de muscu. J'ai pratiqué pas mal de sports de combat, j'ai fait du foot, du basket et je fais du surf, je donne même des cours. » Bon, je suis pas pro mais je suis moins cher, et plus sympa je pense. « J'ai fait de la danse aussi. » C'est un sport, hein, quoi qu'on en dise. J'en fais plus aujourd'hui mais y a une quinzaine d'année on m'arrêtait plus, même que je voulais en faire mon métier, c'était méga cool. Enfin c'était une autre époque, j'avais vingt, vingt-cinq ans. « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? » Comme ça, je dirais que c'est un matheux, un scientifique, ou un geek, mais si ça se trouve j'ai tout faux et c'est un artiste, un cycliste ou un agriculteur. D'ailleurs je l'imagine bien avec son troupeau de moutons ou sur un tracteur là, je trouve qu'il a la tête de l'emploi.