Je ne passe définitivement pas assez de temps sur cette terrasse. Enfin, j’y viens tous les jours, en fin de journée, pour savourer le coucher du soleil mais ce n’est pas suffisant. Entre toutes ces autres attractions qu’offre l’hôtel, j’ai difficilement du mal à faire selon mes désirs, car je me trouve, plus souvent qu’autrement distraire, que ce soit par l’un de mes camarades ou par une toute autre envie, passagère, qu’il me faut immédiatement assouvir. Aujourd’hui, cependant, j’ai décidé que je profiterais, coute que coute, de ce que le toit de notre résidence avait à nous offrir, et plus précisément, je souhaitais faire un long, très long bain de soleil, question de corriger ce teint trop pâle à mon goût et me donner un peu plus de couleurs. C’est donc vers cet endroit que mes pas m’ont guidés, peu après le repas du midi. Armée de ma crème solaire et mes lunettes et vêtue d’un bikini très simple – dans le cas présent, j’avais décidé d’opter sur le côté utilitaire plutôt que visuel de la chose, je m’installais sur l’un des transats. Je déposais mes effets sur la table base à mes côtés, retirant au passage mon micro que j’ajoutais au lot. Ayant protégée ma peau avant de sortir à l’extérieur, j’étais fin prête à me laisser baigner par les chauds rayons de soleil omniprésents en ces lieux. La chaleur semblait d’ailleurs avoir grimpé de quelques degrés sur cette toiture, heureusement que le vent balayait par petite vague la plateforme pour apporter son élan de fraicheur. Il y avait aussi l’eau de la piscine, mais je n’opterais pour cette solution qu’en dernier recours. M’allongeant de tout mon long sur le fauteuil, je posais sur le bout de mon nez mes verres fumées, puis laissait mes muscles se détendre, mon dos reposant contre le siège légèrement relevé. Je fermais même les yeux un moment, soupirant d’aise face au confort que j’éprouvais dans cet instant présent. Il fut malheureusement de courte durée. Sentant des bras m’agripper et me soulever, mon regard chercha bien vite mon assaillant, mon corps se laissant difficilement faire face à un tel affront. J’eus à peine le temps de comprendre ce qui se passait que je sentis qu’on me relâchait, et il y eut une courte période de vide avant que mon corps n’entre en contact avec l’eau. Je passais très près de m’étouffer par manque d’air, n’étant visiblement pas prête à plonger, et je regagnais en panique la surface afin de reprendre mon souffle, mon palpitant battant à plein régime. Je n’avais toujours pas réalisé que je venais d’être victime d’une mauvaise blague de la part de Lamine.

La vieille, sa salade piégée n'a pas eu l'effet escompté et bon nombre de ses camarades, se doutant peut-être de quelque chose et trouvant suspect une telle intention de sa part, ont refusé d'y toucher. Sur le moment ça a vexé Lamine qu'on ne lui fasse pas confiance, et puis, il s'est juré de ne pas en rester là car non, il n'était clairement pas question pour lui de s'arrêter en si bon chemin. Il va faire dans la farce ciblée, c'est presque plus drôle en fait, et comme il n'a à se concentrer que sur une seule personne il peut investir le meilleur de lui-même dans la blague. Sa victime aujourd'hui, il se pourrait bien que ce soit Simone d'ailleurs, et pour s'être renseigné dans le nid Lamine a cru comprendre que la candidate prévoyait d'aller faire un petit tour à la piscine en ce début d'après-midi. L'occasion est trop belle, il ne peut juste pas la laisser filer ou il pourrait bien s'en vouloir longuement ensuite. Il fait beau et chaud, sa camarade appréciera forcément cette petite parenthèse fraicheur qu'il lui prépare. Lamine se rend dans l'enceinte de la piscine sans se mettre en tenue, c'est pas lui qui va prendre l'eau aujourd'hui alors il a fait l'impasse sur le short de bain cette fois. Car à moins que les choses dégénèrent, il ne devrait pas finir à la flotte contrairement à Simone qui, sans le savoir, va connaître un terrible destin d'ici quelques minutes. Lamine guette sa proie, dissimulé derrière une colonne et il repère la candidate au niveau des transats. Elle s'allonge, c'est parfait, il va s'accorder une dizaine de minutes et quand elle s'y attendra le moins, il passera à l'attaque. Là en principe, elle ne peut pas voir venir le truc, à moins qu'il se montre vraiment pas discret le français ne prend pas trop de risques. À mesure que les minutes défilent, Simone gagne un peu plus en insouciance et Lamine, lui, se dit qu'il va bientôt pouvoir mettre son plan à exécution. Et c'est le moment qu'il choisit pour agir. Accourant vers le transat de sa camarade, il attrape et soulève celle-ci avant de s'approcher du bord du bassin et, sans hésiter un seul instant, de la foutre à l'eau. Simone fait plouf, elle coule sous ses yeux et ne remonte à la surface qu'après quelques secondes. Quand elle réapparaît, Lamine s'apprête à revendiquer son action et puis... il y a Allen qui arrive au même instant, et lui vraiment, il faut croire que c'est le ciel qui l'envoie. Lamine y voit l'opportunité unique de lui faire porter le chapeau dans cette histoire, et oui, faut avouer que c'est tout de même très très tentant là. Profitant donc de l'arrivée du canadien, il joue les témoins outrés. « haaaan ! j'aurais pas aimé ! » - vous admettrez que Lamine fait drôlement bien le mec choqué, hein. « fais pas l'innocent j'ai tout vu Allen ! c'est vraiment honteux ce que tu as fait, ça me déçoit beaucoup de toi j'te croyais pas comme ça. » il ajoute à l'attention du candidat qui doit juste se demander où il a atterri, et ce qui lui vaut de telles accusations. Ce qui est honteux c'est plutôt de rejeter la faute sur quelqu'un d'autre mais bon, ça l'amuse, et puis c'est pas comme si la vérité allait pas finir par éclater à un moment ou à un autre. « assume au moins quand tu pousses une demoiselle dans l'eau, c'est pas vrai ça ! » il poursuit avant de revenir vers le bord de bassin pour tendre une main vers Simone, qui semble encore un peu sonnée de son côté. « ça va ? ah j'te jure, il perd rien pour attendre ce canadien. je te vengerai Simone ! » il grogne en jetant un regard noir vers l'intéressé, et là y'a plus de doute possible, Lamine est complètement dans son rôle. Le pire c'est qu'il croit vraiment pouvoir faire accuser Allen d'une bêtise pareille, c'est pourtant pas le genre du candidat, mais il le joue à fond quand même car plus c'est gros, mieux ça passe comme on dit.

Le temps était au beau fixe depuis quelques jours. Les après-midi étaient chaudes et ensoleillées et il était plus qu'agréable de passer un peu de temps dehors par ces températures. Et c'est justement pour profiter un peu du soleil que le canadien avait pris la direction du toit ouvert, pensant qu'il pourrait faire un tour du coté de la piscine, où il n'avait pas souvent l'occasion de se rendre mais où il aurait bien envie de passer quelques heures aujourd'hui, même si le soleil risquait de taper très fort. On ne s'en doutait pas forcément, mais même à Calgary il était fréquent d'attraper des coups de soleil, le climat étant semblable à celui d'une station de sports d'hiver. Allen avait en tout cas enfilé un short de bain sous ses vêtements, n'ayant pas nécessairement envie de se balader à moitié nu en attendant d'arriver à destination, puis avait emprunté l'ascenseur dans l'idée de monter au plus haut dans l'hôtel. Et une fois sur place, il se dirigea vers le bassin, tandis que son regard détailla un court instant les transats, et qu'une voix s'éleva subitement dans sa direction, l'amenant à relever la tête. Il lui fallut alors quelques secondes pour reconnaître Lamine, qui s'était apparemment adressé à lui, si on tenait compte du fait qu'il le fixait attentivement. Pas certain d'avoir entendu ce qu'il pourrait avoir à lui dire, il prit alors la décision de s'approcher, mais ce qu'il entendit à ce moment-là eut tendance à le surprendre légèrement. « Je te demande pardon ? » qu'il s'exprima au moment d'arriver près de son camarade, car ce dernier venait d'insinuer quelque chose qui lui échappait quand même un tantinet. « Ce que j'ai fait … ? » Il avait repris en arquant un sourcil, décidé à y mettre un peu de bonne volonté à condition que Lamine se montre un peu plus clair dans ses accusations. Celui-ci finit justement par reprendre la parole, et c'est une mine décontenancée qu'il afficha ce coup-ci. « Quoi ? Mais … » Il s'empressa alors de regarder autour d'eux et constata qu'effectivement, Simone était dans l'eau, ce qu'il avait cru noter au moment d'arriver, mais il n'avait eu aucun moyen de savoir à ce moment-là qu'elle n'y était pas entrée de son propre chef. « Non, non, non » contesta-t-il en tout cas vivement lorsque Lamine chercha à lui faire porter le chapeau, parce qu'il n'était jamais le dernier pour avouer ses fautes, mais il n'avait pas pour autant l'intention d'endosser celles d'un autre. « C'est faux, tu sais très bien que je viens d'arriver. » Bien sûr qu'il le savait, et là clairement il était forcé de le soupçonner en retour, parce qu'il ne voyait pas pour quelle autre raison il l'accuserait d'avoir poussé Simone dans l'eau, alors qu'il savait forcément que ça ne pouvait pas être lui. « Ne l'écoute pas Simone, il dit n'importe quoi » reprit-il en tout cas à l'intention de la jeune femme, cette fois-ci, qu'il ne connaissait peut être pas très bien mais qu'il n'aurait aucune raison de placer dans ce genre de situation. « J'aurais jamais fait ça. » Et il espérait qu'elle le savait, surtout après qu'il se soit montré reconnaissant la fois où elle l'avait sorti de la chambre froide. Ce n'était pas son genre de faire preuve d'ingratitude, non, vraiment pas. « Ne t'approche pas d'elle, Lamine ! » C'est d'une voix doucement déterminée qu'il avait repris, plantant à nouveau son regard dans celui de son camarade, qui avait tendu une main en direction de Simone, ce qui ne lui semblait pas être l'idée du siècle. Eh bien oui, encore une fois, il était le seul à avoir pu la pousser. « J'ai peut être encore poussé personne dans l'eau, mais je garantis pas que ce sera toujours le cas dans deux minutes. » Oui, c'était une menace. Gentille, certes, mais une menace quand même. Parce que si Lamine comptait jouer les héros alors qu'il était assurément responsable de ce qui était arrivé à Simone, qu'il ne compte sur lui ni pour endosser le mauvais rôle, ni pour le laisser recommencer.