Imma ne connait pas bien le cinéma. Elle a déjà vu des films à la télévision, même des films américains, mais jamais au cinéma. C'est que le cinéma de Windhoek est très récent et qu'Imma n'a jamais eu l'occasion d'y mettre les pieds. Elle préfère se dire que c'est parce que ses parents n'ont pas voulu la laisser partir qu'elle n'est jamais entré dans le cinéma; pour ne pas se remémorer qu'elle s'était vue refuser l'accès du cinéma parce qu'elle est différente. Alors pour la première fois, elle va entrer dans la salle de cinéma du nid, mais dans un cinéma tout court. Un cinéma avec son grand écran et ses sièges rouges. Timidement, elle pousse doucement la porte de la pièce, déjà baignée dans l'obscurité. Des images s'animent déjà sur le grand écran, accompagnées d'un son moins fort qu'elle ne l'aurait cru. Un léger sourire sur ses lèvres, elle se dépêche de s'installer dans le premier fauteuil venu, tout en essayant de ne pas faire de bruit, le moins possible. Parce qu'elle est déjà attirée par l'histoire du film, dont elle ne comprend rien en réalité. Ce film semble lent, même presque silencieux pour tout dire. Se calant un peu mieux dans son fauteuil, son regard divague sur le côté et c'est alors qu'elle remarque la présence de quelqu'un. Sur la même rangée qu'elle, quelques fauteuils plus loin. Ses yeux irrémédiablement attiré par ce corps plongé dans l'obscurité, dont elle n'arrive pas à reconnaître les traits. Alors sans réfléchir, elle se lève de son siège, pour s'approcher du candidat. Au fur et à mesure des pas qu'elle aligne devant elle, elle se reconnaissait Gekko. Mais elle n'a pas le temps de réagir, que la voilà déjà à ses côtés. Sentant dans son ventre quelque chose d'étrange, elle ne peut que s'installer dans le siège à côté de lui, sans dire un mot sur le coup. Se pinçant la lèvre inférieure pour contrôler sa respiration et ne faire aucun bruit pour ne pas le déranger. Mais elle a perdu le fil du film, ou elle ne l'a jamais véritablement suivit. Alors arrivé alors un moment, elle relève un sourcil avant de tourner son visage vers Gekko. "Qu'est-ce que c'est?" Elle souffle doucement, troublée d'être proche de lui comme ça. Alors elle s'enfonce un peu plus dans son nouveau fauteuil, détournant les yeux.

La nuit est déjà tombée, il a terminé son repas, mais le jeune homme n'a pas envie d'aller immédiatement se coucher. Il a déjà expérimenté le cinéma, alors qu'au Japon il n'y a jamais mis les pieds et donc décide de réitérer par une nouvelle séance de projection. Cette fois-ci en pénétrant dans la salle il prend garde à ce qu'aucun film n'est diffusé afin de pouvoir décider par lui-même de ce qu'il va visionner. La dernière fois il a eu la malchance de tomber sur un film d'horreur ce qui lui avait provoqué une intense frayeur. Ce froussard flippe pour un rien, donc les films de ce genre sont à éviter. Décidé à profiter de ce moment sans avoir à s'agripper à son siège, il choisit un film d'auteur. Bien sûr c'est un peu du hasard. Cinématographiquement parlant, ce n'est pas un grand expert. Parler-lui de chiffre et il peut déblatérer toute sa science. Confortablement installé sur un siège d'une rangée du milieu, il est seul dans cette petite salle de cinéma et compte profiter de ce moment pour apprécier le visionnage. Le film débute et notre homme suit avec attention le déroulement de l'histoire. Il est si absorbé qu'il ne remarque pas la porte s'ouvrir et une candidate entrer. Il ne la voit pas non plus s'approcher de lui et s'installer à côté. Ce n'est que quand il entend une petite voix que soudainement il tourne la voix pour en discerner la provenance. Bien sûr il ne se serait jamais imaginé qu'elle serait aussi proche de lui et qu'il aurait à croiser son regard de si près. Il peut presque sentir son souffle sur son visage. Une proximité qui immédiatement le gêne du fait de sa soudaine apparition. Comme figé dans sa position, il en a presque oublié sa question. Il tarde d'ailleurs à lui offrir une réponse, mais reprend ses esprits lorsqu'il détourne finalement son regard d'Imma. « Un film » Non, sans blague. Il ne va quand même pas se contenter de si peu et rajoute. « Une histoire réelle adaptée au cinéma. Une histoire d'a .. d'amour » Achève-t-il.

Imma voulait tester le cinéma, pour ne pas regretter de ne pas l’avoir fait si elle venait à sortir. Ne sachant pas vraiment ce qui l’attendait dehors, elle se disait qu’ici était le meilleur endroit pour tenter. Elle aurait aimé aussi choisir un film elle-même, mais elle est assurément arrivée trop tard. Un film déroulant déjà devant ses yeux et un Gekko un peu plus loin, absorbé par ce dernier. Se sentant certainement pousser des ailes, elle alla le rejoindre. Doucement pour ne pas le déranger, avec lenteur parce qu’elle comme ça. Et lui demandant ce que c’était, elle le vit se figer instantanément. Se rendant compte de la proximité qu’elle avait créée, elle se recule un peu dans son fauteuil, baissant les yeux. Un film. Elle ne peut s’empêcher de sourire doucement, amusée par cette réponse et pas du tout vexée d’une réponse aussi évidente. Elle s’en serait contentée, mais il ajoute qu’il s’agit d’une histoire vraie, une histoire d’amour. Si ça ne l’étonne pas plus ça que ce soit une histoire réelle, elle l’est vraiment pour l’histoire d’amour. C’est que Gekko, elle s’en était fait une image : droit, une force tranquille, impressionnant par son calme, par sa froideur fragile. Mais pas à aimer l’amour. De nouveau elle ne peut s’empêcher de sourire doucement. « Tu… tu aimes les histoires d’amour ? » qu’elle souffle du bout de ses lèvres, se sentant d’un seul coup trop intrusive, trop curieuse, de trop tout simplement et d’un seul coup. Elle se dit qu’elle doit le gêner – ce qu’elle ne veut évidemment pas - qu’elle ne devrait pas le lui demander. D’un mouvement de pieds, elle enlève ses chaussures, trop respectueuse des affaires qui ne lui appartient pas. Puis elle vient ramener ses jambes sur son ventre, pour venir poser son menton sur ses genoux. Elle n’ose plus le regarder. Tentant de se concentrer sur l’écran, elle aimera lui dire quelque chose : que c’est beau, qu’il avait bien choisi le film, qu’elle aime bien être avec lui. C’est trop dur.

Bien qu'il peine dans un premier temps à dissimuler son étonnement et sa gêne face à l'apparition soudaine d'Imma, il reprend bien rapidement ses esprits pour lui offrir une réponse. Elle se questionne sur le film qui apparaît sur l'écran et c'est en toute simplicité qu'il évoque l'histoire réelle et d'amour traitée dans ce dernier. Ce n'est pas nécessairement un amateur de film à l'eau de rose, il a simplement choisi le film parce que le titre l'intriguait. Bien sûr qu'il a rapidement remarqué le thème exploité, thème qui est l'amour. Un mot inconnu pour notre homme. L'amour. Donc lorsqu'Imma lui demande s'il aime ce type d'histoire, la réponse paraît simple et évidente : non. Il n'a jamais exploité ce sentiment, ce mot ne fait pas parti de son vocabulaire et il ignore totalement ce que c'est. Il a toujours fuit cette émotion qu'il assimile à une faiblesse pouvant le rendre minable. Il repousse, rejette et se braque face à ce mot : amour. Bien sûr c'est une vision bien forgée qu'il avait avant d'intégrer le jeu. Il est toujours aussi ignorant, cependant il est devenu curieux. « Non ... » Au moins c'est catégorique. Sauf qu'il se sent obligé de rajouter. « Je ne suis pas un adepte des histoires d'amour. Je ... n'y connais rien, je n'aime pas ça ... » Avoue-t-il à la candidate. Il craint les contacts physiques, il évite de faire dans le sentiment, oui on peut le dire, c'est un grand phobique de l'amour. Par ces propos, il veut être honnête envers Imma. Ce n'est pas un type envers qui il faut s'attacher, d'ailleurs qui serait assez dingue pour apprécier cet homme ? Plus étrange, plus insociable, plus rebutant que lui, il n'y a pas. La mâchoire serrée, cette simple question pourtant anodine vient de faire naître en Gekko de nombreuses interrogations. Il n'aime pas ça, il ne veut rien savoir de l'amour, alors pourquoi diable a-t-il choisi un film traitant de ce sujet. En décidant de le projeter, il n'y avait pas pensé, il a simplement laissé son esprit le guider dans son choix. Finalement quel choix stupide. Le voilà contrarié. « Je déteste ... » Finit-il par souffler.

S’il aime les histoires d’amour. Imma se dit qu’elle n’aurait vraiment pas dû lui demander ça, que ce soit curieusement ou non assumé comme elle venait de le faire. Ca ne la regarde pas après tout. Alors elle entre dans une espèce d’état de silence, corps en suspens attendant sa réponse. Négative ou positive, elle ne s’attend surtout pas à une réponse. Légitime de sa part, Gekko n’a pas à se dévoiler à elle. Il n’est pas de ce genre de personne. Pourtant il lui répond et la réponse est non. Toujours silencieuse, elle ne peut s’empêcher de poser son regard sur lui. Parce qu’il répond non, mais ses lèvres veulent en dire plus. Imma sait lorsqu’on veut lui en dire plus, lorsqu’une personne est prête à aller plus loin dans sa réflexion, même sans réellement le vouloir. Cet état d’insuffisance verbale, plutôt étonnant pour un Gekko qu’elle connait plus taciturne. Mais elle respecte. Elle respecte l’idée que même sans connaitre l’amour, il avoue ne pas aimer. Elle se dit toujours que sans savoir, sans avoir pu tester ou en avoir une expérience, l’on ne peut être certain de ce que l’on apprécie ou non. Mais encore une fois elle respecte totalement sa pensée, plus encore parce qu’il s’agit de lui. Parce qu’il se moque de ce qu’elle est, qu’il ne la juge pas. Qu’il est respectueux de sa nature. Mais sa résignation la touche tout de même, plus qu’elle ne l’aurait cru d’ailleurs. Alors elle baisse les yeux, ouvrant doucement ses lèvres charnues. « je n’y connais rien non plus… » Elle souffle en avouant également, mais sans ajouter pour autant qu’elle n’aime pas. Pessimiste, elle l’est pourtant. Peut-être un peu moins depuis qu’elle est ici, depuis qu’elle n’est plus baignée dans un environnement négatif. Finalement, il ajoute même qu’il déteste. Un mot plus fort qui la fait poser ses yeux à nouveau sur lui. « Oh » Qu’elle lâche à son habitude, lorsqu’elle est embarrassée. « Je ne voulais pas… » Pas le contrarier, pas lui faire sortir ce genre de chose qu’il aurait peut-être voulu garder en lui. Naturellement elle pose sa main sur le bras du jeune homme, parce que c’est instinctif, parce que c’est ce qu’on lui demande toujours. S’en rendant compte, elle l’enlève immédiatement, mordillant ses lèvres et fuyant son regard.