Mylah fixe le plafond de la chambre Marilyn depuis une bonne vingtaine de minutes. Vingt minutes, immobile dans son lit, à juste observer le plafond. C’est un exploit de la part de la jeune femme, dont la patience est plus que limitée. Elle n’arrive pas à dormir, tout simplement. Ou plutôt, elle n’arrive plus à se rendormir, puisqu’elle a tout de même bénéficié d’heures de sommeil jusqu’à ce qu’elle ouvre les yeux peu avant six heures du matin. Un réveil en douceur, aucun cauchemar à signaler ni présence gênante à ses côtés. Gekko ne dort pas avec elle et c’est tant mieux. Pas parce qu’elle ne l’apprécie pas ou qu’elle n’aurait pas supporté de le frôler durant la nuit, tout simplement parce qu’elle n’est pas mécontente d’avoir un lit pour elle. Son lit, parce qu’il est hors de question qu’elle en change puisqu’il s’agit du sien depuis le début de l’aventure. Maintenant que l’effectif se réduit, chacun peut bénéficier d’un lit, même si certains irréductibles continuent de dormir avec leur partenaire. Mylah finit par abdiquer après une petite demi-heure, incapable de rester plus longtemps dans ce lit. En plus, elle a épuisé sa patience pour toute une semaine. Elle ne se sent pas fatiguée, elle suppose donc qu’elle a récupéré le sommeil dont elle avait besoin, et qu’il est inutile de traîner au lit plus longtemps. Elle prend le chemin de la cuisine pour y boire un verre de jus d’orange – le dimanche, il n’y a pas de restrictions alimentaires – et elle ne tarde pas à être rejointe par Agata. La brune se lève tôt, ce n’est pas une surprise. « Bonjour. » Répond-elle dans une esquisse de sourire. Agata fait partie de ses belles rencontres de l’aventure, c’est donc toujours un plaisir de tomber sur elle, même à la sortie du lit. Enfin, faut dire que Mylah n’est pas du genre à être d’une humeur exécrable dès qu’elle met un pied hors du lit. « Je n’arrive plus à dormir, je suppose que j’ai assez d’heures de sommeil derrière moi. » Elle répond à son interrogation. C’est l’explication la plus logique. Son corps n’est plus fatigué ; il n’a donc plus d’intérêt à se reposer. Agata lui parle ensuite du pourquoi elle est aussi matinale et Mylah hausse simplement les épaules avant d’esquisser un maigre sourire. « Du moment que ce n’est pas celui de Gigi. » Elle tente de prendre les choses à la légère, parce que l’ukrainienne est un sujet qui lui déplait. Alors il faut qu’elle essaie de plaisanter sur le sujet quand l’occasion lui est donnée, ce qui est surprenant venant d’elle qui n’est pas une adepte de l’humour. Agata juste utile de préciser qu’il s’agit d’une plaisanterie et Mylah affiche un sourire plus convaincu. « J’avais compris. » La rassure-t-elle, car même si elle est très premier degré et pas forcément réceptive à l’humour, elle parvient parfois à le déceler, comme ce fut le cas dans les paroles d’Agata. « J’espère que ce n’est pas ta dernière journée. Je n’ai pas envie que tu partes. » Réplique-t-elle d’un air convaincu. Hors de question que ce soit la dernière journée d’Agata. Ou la sienne, ni celle d’Allen. S’il y a bien deux candidats qu’elle souhaite voir revenir à l’issue du prime – en plus d’elle-même, évidemment – c’est bien ce binôme. « Je ne te l’ai pas encore dit, mais je suis désolée que Léo t’ait nominée. Son comportement m’échappait quelques fois, et ce fut le cas dimanche. » Il n’a pas assuré, vraiment pas. Leur relation s’était améliorée, mais il a coupé court à toute amélioration en nominant Agata. Heureusement qu’il est sorti, sans quoi Mylah lui en aurait tenu rigueur. « Tu lui en veux ? » Car elle, oui, donc elles peuvent former un club anti-Léo, même s’il ne sera pas là pour assister à la colère commune des deux filles de sénateur.

Cela ne sert à rien qu’elle tente de se rendormir, puisque c’est mission impossible. Mylah connait son esprit et son fonctionnement – et c’est tant mieux, en fait – et elle sait que celui-ci ne se montrera pas coopératif, même si elle y met toute la bonne volonté du monde. Elle ne s’en rendormira pas, point final. Alors elle se lève, prend le chemin de la cuisine pour y boire quelque chose – elle n’a pas faim, dans l’immédiat – et elle a la surprise d’être rejointe par Agata. C’est tôt, presque trop tôt, elle ne pensait pas tomber sur une quelconque présence, pas même celle de la brune, qui est cependant loin de lui déplaire. Celle-ci lui demande la raison d’un réveil aussi matinal et elle le lui explique. « Ce n’est pas pour autant que je me suis mise à la sieste. » Réplique-t-elle avec un léger sourire. Oui, ils ont tout le temps qu’ils veulent pour dormir, mais Mylah s’en tient à la nuit, elle ne pique pas des sommes en fin de matinée ou en milieu d’après-midi. La justification de sa camarade quant à son réveil est pour le moins originale, Mylah ne manque d’ailleurs pas d’y aller de son petit commentaire, même si elle devrait s’abstenir de parler de Gigi. Il faut juste qu’elle apprenne à ne pas avoir envie de l’étrangler, mais plutôt de prendre la situation à la légère. Agata lui demande d’ailleurs des précisions, que la blonde ne manque pas de donner. « Je la trouve trop proche de lui. » Pour ne pas dire collée à lui. Et si elle a tenté d’évoquer Gigi sur le ton de l’humour auparavant, là, cela tourne à l’agacement, il serait préférable qu’elles changent de sujet rapidement, même si c’est bien elle qui l’a mis sur le tapis. Parler des nominations n’est pas plus réjouissant, mais c’est une réalité à laquelle elles se retrouvent confrontées. Mylah espère que ce n’est pas la dernière journée d’Agata, car elle n’a aucune envie de voir celle-ci quitter le nid. C’est même impensable à ses yeux. « Merci. » Réplique-t-elle simplement avec un sourire quand Agata lui retourne son envie. « On se soutiendra, ce soir, durant le prime. » Puisqu’elles sont dans la même galère. Enfin, si Agata est d’accord. Elle ne voudrait pas s’imposer si celle-ci souhaite passer son prime avec quelqu’un d’autre. Elle en profite pour s’excuser du choix de Léo, à cause duquel elle se retrouve soumise aux votes de public. Une dernière décision que Mylah n’a pas compris et ne comprend toujours pas. Elle sait bien que cela n’est pas sa faute, qu’elle n’aurait rien pu y faire, mais cela ne rend pas la chose plus agréable. « Il aurait dû se porter sur quelqu’un d’autre. » Elle rétorque, d’un air convaincu, sans penser au fait que les affinités de Léo n’étaient pas forcément les mêmes que les siennes, mais elle a tendance à vouloir que tout le monde fonctionne sur son modèle. Est-ce qu’elle en veut au candidat ? Non. Cela la surprend. Et puis, finalement, un peu, quand même, réponse bien plus adéquate. « Je ne comprends pas non plus. Il me semblait être en moins bons termes avec d’autres candidats. » Elle ne connait pas la nature exacte de la relation qui l’unissait avec son ancien partenaire, mais il lui semblait qu’il y avait d’autres personnes qu’il n’appréciait pas, elle en tête de liste. À vrai dire, elle s’attendait à être nominée, comme une façon pour Léo de faire un dernier coup d’éclat avant de quitter la scène, mais il n’en fut rien. « Le jour où cette roulette sera généreuse n’est pas prêt d’arriver. » Ce n’est pas la première fois qu’Agata manque de chance avec celle-ci et idem pour Mylah. Elle n’est définitivement par de leur côté. « Ne t’en fais pas pour Allen, il ne t’en tient pas rigueur et surtout, il ne risque absolument rien. » Ils se sont sûrement expliqués, mais elle sait qu’Allen est incapable d’en vouloir à sa partenaire. Elle sait aussi qu’il ne risque rien, il est le candidat le plus apprécié, il a déjà été sauvé avec un très beau score, il n’y a pas de raison qu’il soit éliminé, c’est un cas de figure qui n’est même pas envisageable tant il parait impossible. Agata lui demande ensuite si elle peut lui poser une question, ce qui ne manque pas de la surprendre. « Je t’en prie. » Réplique-t-elle en déposant ses prunelles sur la brune, dans l’attente de sa fameuse question. Habituellement, Mylah n’est pas à l’aise lorsqu’on lui pose une question, car elle s’attend souvent au pire. À des questions dont elle n’a pas les réponses, ou qui s’avèrent trop personnelles. Mais elle a une certaine confiance en Agata, et elle espère que celle-ci ne touchera aucun point sensible. Elle n’est pas vraiment étonnée que la question porte sur sa relation avec Allen, elle n’oublie pas qu’elle est sa partenaire et qu’ils s’entendent bien tous les deux, peut-être qu’Agata souhaite avoir confirmation de ses bonnes intentions envers Allen. « Tu fais ton travail de partenaire pour t’assurer que je ne compte pas lui briser le cœur ? » Demande-t-elle, à l’aide d’une esquisse de sourire. Ou peut-être qu’il s’agit simplement de curiosité. Si jusqu’ici elle se gardait bien d’évoquer le sujet Allen avec n’importe qui, elle est plus en confiance avec Agata, raison pour laquelle elle ne compte pas se murer dans le silence. « À vrai dire, je ne sais pas vraiment, pour l’instant. Je ne peux pas dire que je souhaite que cela se termine en même temps que ce jeu, c’est même tout l’inverse, mais il y a des facteurs à prendre en compte, comme le retour à la réalité, la distance, nos métiers respectifs, nos caractères différents, aussi. » Même si sur ce dernier point, elle est pleinement rassurée, ayant encore eu la confirmation pas plus tard que mardi, qu’il l’accepte comme elle est, quoi qu’il advienne. Mais il est vrai qu’ils ne vivent pas dans la même ville, encore moins dans le même pays, sans parler de leurs emplois du temps respectifs et de leurs secrets, aussi, même si elle s’est gardée de le dire à Agata. Cela peut également être un facteur d’éloignement, tout dépendra des fameux secrets et des explications qui les entourent. Alors pour l'instant, elle ne s'attend à rien malgré ses envies, même s'il est évident qu'elle s'attend à continuer à l'extérieur ce qu'ils sont en train de construire. « Mais je pense que cela peut donner quelque chose, oui, à condition que l’on s’organise. » L’organisation, toujours bien présente.  « J’aimerais que cela donne quelque chose. » Ce n’est pas juste qu’elle pense que c’est possible, mais elle aimerait que ce le soit. Une chose est certaine, elle ne compte pas perdre contact avec Allen et ce, même s’il n’y avait pas quelque chose de plus intime entre eux. « Si tu en avais la possibilité, tu garderais contact avec des gens, pas vrai ? » Et si elle répond par l’affirmative, elle sera en mesure de comprendre Mylah lorsqu’elle parle de garder contact avec Allen. C’est un cas de figure valable également pour les amitiés, c’est de l’organisation, du dévouement, de la nécessité, puisqu’ils ne vivent pas tous les uns à côtés des autres, parfois pas même sur le même continent. C’est difficile, mais avec un peu de bonne volonté, c’est sûrement accessible.