J’aurai pensé que ça en était fini des buzz pour la semaine. Après tous ces échecs, je m’étais dit que ça allait en décourager plus d’un. Mais non. L’alarme des secrets à une nouvelle fois retenti et c’est Allen qui m’a buzzé. Je n’avais pas vraiment imaginé cette situation. Surtout maintenant puis après nos dernières conversations. Je m’étais dit qu’il avait lâché l’affaire suite à la découverte de Kira. Mais non, vraisemblablement, il a une dernière idée à mon sujet. Et bizarrement, quand j’arrive dans la salle de bal pour la révélation, j’ai le pressentiment qu’il a trouvé. Tant mieux. Si une personne doit trouver la seconde partie de mon secret, c’est bien lui. Car c’est cette seconde moitié qui est la plus importante ou du moins, la plus difficile. Et seul lui est en mesure de la comprendre. Je l’ai certes un peu aiguillé mais s’il a réellement trouvé, c’est grâce à lui et c’est mérité. Je ne lui en voudrai donc aucunement pour ce buzz. Seulement, lorsqu’il prend la parole pour annoncer sa théorie, je suis quelques peu déroutée. J’entends sa voix et ses propos mais je me sens partir. Mon regard est vide. J’ai l’impression que les secondes durent des heures. Ma respiration s’accélère alors tandis que je m’empresse de serrer un bout du fauteuil avec mon poing. Je ne suis pas prête. Pas maintenant. Je pensais que ça allait être dimanche soir. Je pensais avoir le temps de choisir mes mots. Je ne sais même pas par où commencer. Je sens les larmes monter sans même que je n’arrive à contrôler quoi que ce soit, puis j’essaye d’agiter mes lèvres. Je ne sais toujours pas quoi dire. J’ai des souvenirs pleins la tête qui resurgissent comme des coups de poignards. « SunSay. Il s’appelle SunSay. » C’est tout ce que j’arrive à dire. Je suis blafarde, tremblante et ma voix est sanglotante. J’imagine que les autres comprendront dorénavant qu’Allen a vu juste. Néanmoins, je ne peux pas craquer maintenant. Même si c’est déjà trop tard. Il faut que je reprenne. Il faut que je trouve la force de parler. Je suis là pour ça. C’est mon combat. Alors plusieurs secondes après, je relève la tête et j’affronte directement le regard d’Allen auquel je m’accroche et en qui j’essaye de trouver la force puisque Sailor n’est pas là. J’aurai pourtant tant aimé qu’elle soit présente à mes côtés en train de me serrer la main. Cela aurait été surement plus simple. « C’est son nom d’artiste. Ce n’est pas une super star mais il est connu en Russie. C’est un chanteur de reggae. Mais pour moi c’était bien plus que ça. C’était mon compagnon, le seul homme que j’ai jamais aimé. C’était aussi un monstre. » Je marque une fine pause en respirant une nouvelle fois très fortement et en assassinant du regard Allen. « Mais qui pouvait le savoir ? » L’émotion est toujours là. Et elle le sera probablement jusqu’à la fin. Néanmoins, j’ai repris le dessus et j’arrive à me contrôler. « C’était un passionné de musique. Un acharné. Sa passion était envoûtante. La célébrité il s’en fichait et moi aussi. Je suis toujours resté dans l’ombre d’ailleurs. C’était pas son genre d’exposer sa vie. De toute façon, il ne valait mieux pas. C’était un drogué. Pas au début mais il l’est devenu. C’est là que notre relation a dérapé. Les taz. Des petites pilules. Quand je les ai découvertes pour la première fois, il m’a assuré que c’était un traitement pour mieux dormir. Et je l’ai cru bien évidemment jusqu’à ce que j’en vois les effets. Je me suis renseignée et je l’ai confronté à la vérité. Il a nié en bloc et s’est énervé. Je n’avais clairement pas mon mot à dire. Mais je pouvais pas juste me taire et le laisser se détruire à petit feu. J’aurai pourtant dû… » J’émets un nouveau soupir tout en décrochant mon regard d’Allen et en inclinant la tête. Mon intonation diminue alors. « Il m’a baffé un soir. J’étais déboussolée. Je savais plus à qui j’avais affaire. Je suis partie pendant plusieurs jours. Il est revenu vers moi en s’excusant à maintes reprises et en me jurant qu’il ne recommencerait plus jamais. Je l’ai cru. On dit souvent que l’amour rend aveugle et je peux certifier que c’est vrai. On ne connait jamais assez bien une personne. Je lui ai fait confiance et il m’a… bafoué. Non seulement il continuait à prendre ses pilules mais il a commencé à me faire des crises de jalousie. Aucun autre garçon ne pouvait me regarder. Ça me flattait car je savais qu’il m’aimait et en même temps ça me rendait encore plus sous son emprise. Mes copines me disaient de lâcher l’affaire et de le quitter mais pour moi c’était inenvisageable. J’avais encore espoir que notre relation redevienne comme au début. Pour moi, ce n’était pas lui qui agissait, c’était la faute de toutes ces…MERDES qu’il prenait ! Ses insultes n’étaient pas siennes. Et ses coups non plus.. J’ai tenu encore deux mois. Pas plus. Il m’a laminé. J’étais plus bas que terre. J’avais plus aucune estime pour moi-même. Il m’avait fait couper toutes relations avec mes amies et ma famille. J’étais en froid avec tout le monde. Personne n’était en mesure de me sortir de là. La seule solution c’était de le dénoncer aux autorités. L’amour que j’avais pour lui s'était peu à peu transformé en haine. J’étais déterminée à m'en sortir. Alors j’ai trouvé la force d’aller voir les autorités russes quand il s’est absenté. Je pensais que le cauchemar allait se terminer. La politique de mon pays a toujours été un véritable modèle pour moi jusqu’à ce jour. Ces fils de putes de flics m’ont ri au nez ! » Je lâche un nouveau gémissement mais cette fois-ci rempli de colère. Mon poing a d’ailleurs agrippé pour la deuxième fois mon siège. « Soit disant j’étais une pauvre groupie qui en voulait à l’argent de SunSay. Il fallait que je leur apporte des preuves concrètes. Les marques sur ma peau et mes confessions de femmes battues ne suffisaient pas. J’étais à leurs yeux rien d’autre qu’une femme menteuse et vénale. Ça m’a tellement dégoûté de mon pays et de la justice ! » J’en suis encore amère aujourd’hui et je le serai probablement toute ma vie. « J’étais dans une réelle impasse. SunSay allait probablement le découvrir. Les flics avaient pour intention de le contacter et de me confronter à lui. J’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Je me suis demandé si j'allais finir en un seul morceau ? Ma seule et unique solution était donc de ne pas rentrer chez nous et de fuir. Le seul soucis c'est que SunSay avait le bras long. Il allait me retrouver quoi qu’il en soit. Alors je me suis rendu à l’aéroport pour partir le plus loin possible. J’ai prévenu personne. Je n’avais plus de portable de toute façon. J’avais juste mon passeport et de l’argent sur ma carte bancaire, ça suffisait. J’avais pas de destination précise en tête. Je me suis juste rappelé de ma tante qui habite à San Francisco. Changer de pays était la seule solution pour me sortir de ce cauchemar. Surtout que j’en avais jamais parlé à SunSay. Et heureusement ! Il ne m’a jamais retrouvé et j’ai pu me reconstruire. J’ai recommencé à souffler tout d’abord. J’ai repris contact avec mon père ensuite. Puis je me suis trouvé un travail, fais de supers amis. J’ai changé mon nom. J’ai changé de vie. » Mes larmes sont à présent sèches pour le plus grand bonheur de tous je pense. J’arrive à sourire car je suis arrivée au bout de mon histoire et que c’était le but. Ou presque. « Je ne participe pas à Fake Lover pour me plaindre. C’est un peu tard. Je sais que je n’obtiendrai probablement jamais justice quant à SunSay de toute façon. Sa carrière en solo a décollée en Russie apparemment. Si jamais ma participation revient à ses oreilles, ce dont je doute un peu, je ne pense pas qu’il prendrait le risque de me retrouver. Il fera tout pour démentir. Peu importe. Ce n’est vraiment pas pour ça que je participe. Je voulais simplement raconter mon histoire et apporter de l’espoir. De l’espoir aux femmes qui, comme moi, ont été un jour victime de violence ou qui le sont toujours et qui regarderaient leur télévision en ce moment même. Comme j’ai pu le dire lors de mon casting, j’ai pas la ferveur de Rosa Parks mais j’espère que mon récit pourra aider. Si ne serais-ce qu’UNE femme battue pouvait se dire que rien n’est perdu et qu’il y a toujours un peu d’espoir pour s’en sortir, ça serait une véritable victoire pour moi. » Je souris de manière sincère en adressant un regard bienveillant à Allen puis j’ose affronter pour la première fois les réactions des autres candidats. Je me sens affreusement soulagée en ce moment-même et j’ai terriblement peur de la suite. Va-t’on m’encourager ? Ou alors me traiter de menteuse ? « Félicitation Allen. Je suis désolée de ne pas avoir épargné les détails. » Je me lève alors subitement puis pars en direction des cuisines. J’ai besoin de boire un bon coup. Verser des larmes et parler autant, ça épuise. Il faut que je regagne aussi des forces avant le prime que j’aborderai pour le coup de manière plus sereine.

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