+ @Sayid.

Bon, c'était pas vraiment dans ses plans, elle sait toujours pas si elle va rester jusqu'au bout ou pas. A vrai dire, Sailor était bien revenue pour pouvoir discuter avec Leandro et jouer les pompom girls pour Shay, mais le premier est en train de plier bagage, et la seconde a échoué au pied du podium de la finale. Alors elle restera sans doute pas jusqu'au bout, elle n'a pas envie d'errer toute seule toute la semaine juste pour le prime. Le lundi matin, cela dit, elle débarque dans la cuisine en pyjama-short, les cheveux attachés en bataille, et se sert un copieux bol de céréales au chocolat qu'elle arrose de lait frais. Sailor entame son petit-déjeuner quand la silhouette de Sayid apparaît dans l'encadrement de la porte. « Bonjouuuur ! » s'exclame-t-elle d'une voix enjouée, comme d'habitude. Elle jette un oeil au comptoir, pour pousser le paquet de céréales vers le candidat, visiblement venu manger quelque chose aussi. « Il reste des céréales si tu veux, faut en profiter tant que Léo a pas encore tapé dans le paquet, » fait-elle avec un rire, cuillère à la main. En parlant de Léo à Sayid, ça lui fait penser à un truc, et elle affiche une mine faussement boudeuse en posant une main sur le comptoir d'un coup vif. « Ils ont même pas ramené Martin ? Pas chouette, je suis sûre qu'il aurait été très content de te voir, lui aussi, » fait-elle avant de ponctuer sa phrase d'un sourire amusé. Elle plonge sa cuillère dans son bol, et engouffre une bouchée de céréales, croustillant bruyamment. « Et puis félichitachions pour la plache en finale, auchi, » ajoute Sailor la bouche pleine. Pas très poli, mais bon. Elle n'a pas non plus oublié la révélation de Sayid, mais très franchement, pour elle, ça ne change rien. C'est pas comme s'il avait tellement eu le choix pour s'en sortir, et puis c'est un peu comme elle, elle soûle tout le monde avec ses blagues et son hyperactivité pour pas sombrer, chacun ses techniques. Et puis son travail avec les animaux, c'est pas du flan, et un bel exemple de réussite, aussi. D'ailleurs, elle se redresse après avoir avalé ses céréales avec une mine intéressée. « Vous embauchez des gens pour vous occuper des gorilles ? Genre euh... des gens sans diplôme, quoi, mais pleiiiiins de bonne volonté, » fait-elle en haussant les épaules, le regard un peu fuyant. « C'est pour une amie... ? » ajoute-t-elle d'un ton peu convaincant. Ouais, envoie plus gros. Elle n'a rien décidé du tout, mais plus ça va, plus elle a bien envie de faire quelque chose d'intéressant de sa vie, plus que de rester vendeuse de bibelots sur son île. Les animaux c'est chouette, plus que l'idée de finir infirmière, parce que ça garde un côté imprévu et sauvage qui est loin de lui déplaire. Alors elle se renseigne, en tout bien tout honneur.

Sa journée avait commencé en demi-teinte, semble-t-il et Sayid avait la sensation que cette semaine s'annonçait pour lui particulièrement longue ... Elle le serait d'autant plus qu'il comptait faire son possible pour avoir à cotoyer le moins possible les autres. Maintenant que son secret n'était plus il n'avait plus besoin de fournir trop d'efforts, les autres ne se rendaient probablement pas compte qu'à quel point tout était toujours calculé et comme il ne pouvait jamais réellement relacher la pression quand il n'était pas certain d'etre seul. Ici meme seul il n'osait pas, il y avait toujours quelqu'un susceptible de débarquer, ou de le scruter à travers la salle de controle. C'était épuisant et Sayid l'était, épuisé. Et maintenant il était aussi angoissé, parce que dans l'incapacité de se cacher derrière son "stratagème" il se sentait à la merci des autres. De n'avoir pas trouvé la cuisine déserte en y entrant était donc déjà un désarroi pour lui, bien que légèrement estompé lorsqu'il avait analysé qu'il s'agissait de Sailor. Sailor ne lui voulait pas de mal, il était obligé de se le répéter, mais au fond de lui il le savait et après deux ou trois secondes sa crispation avait baissé d'un cran. « Bonjouuuur ! Il reste des céréales si tu veux, faut en profiter tant que Léo a pas encore tapé dans le paquet. » Restant indécis un moment, ne sachant pas si c'était le moment ou jamais de faire preuve d'un enthousiasme forcé ou bien s'il n'était pas utile d'aggraver son cas, il avait finalement opté pour un « Bonjour. » un peu plus calme mais un sourire néanmoins plus marqué qu'il ne le serait sans doute pour n'importe quelle autre occasion cette semaine. Pour autant il avait secoué la tête concernant les céréales, il n'avait pas très faim de toute façon, et n'avait plus à se sentir obligé d'accepter. « Léo peut les avoir, je venais seulement me faire du thé. » Il n'était même pas au courant que Léo était toujours dans les parages, il ne l'aurait pas pensé du genre à s'éterniser ici plus que de raison mais pourquoi pas après tout. Ce n'était pas Sayid que cela regardait au fond, ou que cela intéressait d'ailleurs bien qu'il garde dans l'ensemble un bon souvenir du candidat. « Ils ont même pas ramené Martin ? Pas chouette, je suis sûre qu'il aurait été très content de te voir, lui aussi. » C'est vrai que l'oiseau avait disparu en même temps que l'élimination de Léo, chose dont Sayid avait en réalité mis quelques jours à se rendre compte tant le volatile restait collé à son maître d'adoption en permanence. « Je pense que Martin nous a déjà tous oublié. » avait-il fait remarquer tout en se dirigeant vers les placards. Ce n'était pas comme s'il avait vraiment eu le temps de réer une relation durable avec les candidats, en si peu de temps ... et peu s'en étaient soucié, en toute honneteté. « Et puis félichitachions pour la plache en finale, auchi. » Posant la théière sur la plaque de cuisson, il s'était retourné vers Sailor et lui avait adressé un simple « Merci. »  défaut de trouver mieux. Il ne savait pas trop comment réagir, c'était sans précédent sur lequel s'appuyer pour lui, parce qu'il ne s'y sentait pas forcément à sa place et qu'il se voyait donc mal compter sur la vision des trois autres finalistes pour l'aiguiller. Allen passait pour le gendre idéal, Lamine avait beaucoup plus de charisme qu'il ne s'en accordait de crédit, quant à Mackenzi elle était jolie et sympathique. « Tu viendras au prime, dimanche ? » Il était à vrai dire un peu surpris de la trouver là, déjà. Après tout elle avait déjà quitté le nid une fois, et n'avait pas de secret à révéler, alors à sa place il était certain que lui ne serait pas revenu. Mais lui n'était déjà pas là par plaisir, contrairement à elle. Surveillant son thé d'un air préoccupé, il avait été pris au dépourvu quand changeant de conversation Sailor lui avait demandé « Vous embauchez des gens pour vous occuper des gorilles ? Genre euh... des gens sans diplôme, quoi, mais pleiiiiins de bonne volonté. C'est pour une amie ... ? » Restant quelques instants à peser le pour et le contre de si cette question était ironique ou non, tant il en avait assez de ne pas savoir faire la différence, il avait froncé les sourcils. « Sans diplôme c'est ... non. S'en occuper ce n'est pas juste leur faire des câlins et jouer avec eux. Ce ne sont pas des chiens ou des chats. » Sayid ne plaisantait pas avec ses animaux, c'était bien le seul domaine où l'on ne pourrait jamais lui reprocher de ne pas être lui-même. Les années qu'il avait passé comme stagiaire au zoo de Londres lui suffisait pour savoir que beaucoup considérait les animaux comme des peluches, hors il ne s'agissait pas que de mignonnes boules de poils. « Mais si ton amie a vraiment envie de travailler avec des animaux, elle peut commencer par demander des stages dans des zoo. Même si ce sont souvent des taches ingrates, au début. » Travailler dans un zoo non plus ce n'était pas l'image idyllique qu'on pouvait en avoir lorsque l'on visitait ça en était enfant. C'était aussi nettoyer les enclos, regarder les employés les plus expérimentés faire ce qui était intéressant et se contenter d'observer en silence, et c'était parfois beaucoup d'à coté pour très peu de temps avec les animaux. Sayid était bien placé pour le savoir, il avait fait le larbin au zoo quelques années avant que son niveau d'études lui permette d'espérer mieux. « Il faudrait demander à Clarke. » Il saurait la renseigner avec plus de précision que lui, les années d'études de Sayid remontaient déjà à une décennie. Toujours est-il que dans son incapacité à comprendre les doubles-sens, le britannique n'avait absolument pas compris que Sailor faisait référence à sa propre personne, dans sa demande. « De toute façon la réserve va sans doute fermer. » Il avait de nouveau tourné le dos, baissant les épaules d’un air résigné tandis qu’il reposait les yeux sur son thé. Qu’est-ce c'était que sa cagnotte, si ce n’était un sursis qui ne ferait que retarder l'inévitable ? Il se berçait d’illusions, et ses collègues également ... il y avait beaucoup réfléchi ces derniers jours, quand il craignait encore de perdre sa cagnotte.

Sailor se contente de manger ses céréales et de discuter. A vrai dire, elle ne perd jamais de vue le secret et la pathologie de Sayid, mais ça ne la dérange pas plus que ça. En fait, elle ne voit pas vraiment en quoi ça change quelque chose à leurs échanges. Tant qu'il est gentil comme d'habitude, ça lui va. Il peut copier tout ce qu'il veut si ça lui permet d'être plus à l'aise, elle jugera pas. Elle aurait pensé que Léo reviendrait avec son oiseau, en fait, vu qu'il avait l'air assez attaché, mais il avait dû décider de lui épargner le voyage. Sayid fait une remarque bien terre à terre, Sailor reste silencieuse une demi-seconde, avant de renchérir avec un sourire. « Mais toi je suis sûre que t'aurais été content de le voir ! » fait-elle en levant un index, cuillère à la main. Sayid avait toujours eu l'air d'apprécier la compagnie du perroquet, c'était sans doute moins stressant que les autres candidats, et c'est tout à fait légitime. La question de Sayid ne l'étonne pas non plus, elle l'a entendue des dizaines de fois depuis hier, tout le monde demande à tout le monde si untel ou unetelle va rester pour le prime. Elle hausse les épaules. « Sans doute, maintenant que je suis là, de toutes façons, dès que c'est fini, mon financement s'arrête et on me réexpédie chez moi... j'ai coûté assez cher comme ça, je voudrais pas profiter, » fait-elle avec un rire. Déjà qu'elle leur a imposé le séjour prolongé chez Disney qui coûte un bras, ils doivent bien la détester, chez Make a Wish, maintenant. Elle part dans des suppositions, à effleurer l'idée d'aller donner un coup de main là-bas, dans la réserve où Sayid travaille, histoire de se rendre utile, gagner un peu d'argent et puis faire un truc un peu intéressant. Mais la réponse la refroidit. En fait, ça l'agace même un peu, on la prend encore une fois pour une gosse dénuée de bon sens. Elle baisse le nez vers son bol en touillant frénétiquement avec la cuillère. « Je sais, je suis pas stupide, » répond-elle d'une voix maussade. Elle a jamais dit ça, et très franchement, l'idée d'aller là-bas, ça impliquait surtout faire le sale boulot qu'on file aux stagiaires et observer les gens expérimentés pour apprendre quelque chose. Jouer les apprenties, quoi, à défaut de pouvoir se payer ne serait-ce qu'un semestre d'université. Sincèrement, aller dans un zoo, c'est nettement moins tentant. Ils ont pléthore de personnel et le sentiment d'être utile n'a complètement rien à voir, comparé à une réserve en galère en Afrique. La mention du nom de Clarke la réveille un peu, elle se redresse pour secouer les mains. « Ah non je demande pas à Clarke, je lui fais pas confiance, et ça n'a rien à voir avec le fait qu'il soit sourd hein, mais il m'inspire pas du tout, il est trop versatile ! » s'exclame-t-elle. Il a pas besoin d'être malade pour tourner sa veste, lui, hein, elle l'avait calculé dès le début. Un jour il est gentil et timide, l'autre jour il envoie paître les gens, un jour il embrasse Imma et le lendemain appelle à soutenir Adélie. Le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière, comme on dit. Sayid se retourne pour évoquer la fermeture de la réserve, qui arrache une moue à Sailor. « C'est vraiment nul que ça ferme... » fait-elle d'une voix morne. C'est pas juste pour les animaux, ils n'ont rien demandé et on leur retire leur seul moyen de se sauver de la bêtise des hommes à cause de quoi ? L'argent, encore et toujours. « Vous aurez peut-être des dons avec l'émission, non ? Y'a peut-être des gens intéressés qui vont donner pour soutenir la cause ? » ajoute-t-elle avec une touche d'espoir dans l'intonation, même si c'est plus facile à dire qu'à voir arriver, dirons nous. Peut-être qu'avec sa participation jusqu'à la finale, quelqu'un de riche et soutenant la cause animale serait intéressé pour se porter sponsor et jouer les mécènes. « N'empêche qu'on fait vraiment rien d'intéressant sans études... c'est pas juste, » fait-elle en baissant le nez à nouveau en léchant sa cuillère avec une expression un peu triste. L'argent, encore. C'est ça qui fait tout. Mais il avait fallu qu'elle naisse dans une famille d'origine modeste, et qu'elle ajoute à la facture les notes d'hôpital, tout ça faisant qu'il lui serait impossible de faire des études et qu'elle serait sans doute vendeuse dans la boutique de souvenirs familiale pendant de longues années. Dommage, elle se serait bien vue en apprentie avec Sayid, comme Luke et le professeur Layton, quoi.