Ce Shaquille O'neal, dont il avait eu tant de mal à prononcer le nom – sans même y parvenir, à vrai dire – il ne le connaissait pas suffisamment pour juger lui-même du grand joueur qu'il devait être, mais il s'était quelques peu informé sur le sujet et se basait donc sur la réputation qu'on lui prêtait. Et tandis qu'il s'appliquait et parvenait à présent à des résultats assez prometteurs, son camarade se montra très encourageant, ce qui l'amusa. « Oh tu sais, en vérité, je n'en demande pas tant. » Il avait demandé à apprendre les bases du basket, et s'en contenterait assurément. Car on ne devenait pas un professionnel du jour au lendemain, et lui n'avait de toute façon pas l'intention de s'essayer à une reconversion professionnelle. L'indien apprit par la suite que la relation que Clotaire partageait avec son épouse n'était pas traditionnelle, même chez lui, ce qui l'amena bientôt à conclure que la norme n'était pas toujours la meilleure chose qui soit. Il était de toute façon ouvert d'esprit de nature et n'irait jamais juger quelqu'un sur la façon dont il vivait. Ouvert d'esprit, il tâcha de l'être aussi après avoir évoqué le concept d'âme sœur, auquel il croyait fermement, lorsque son camarade laissa entendre de son coté que ça n'était pas une théorie qu'il partageait. Il semblait effectivement beaucoup plus rationnel, dans le sens où il ne semblait pas accorder un seul crédit au fait que la vie puisse être une sorte de fatalité, jonchée d’événements écrits à l'avance. Et c'était parfaitement son droit. « Je comprends ton point de vue. Tout ce qui touche au destin a une place importante dans ma culture, mais j'imagine que dans la tienne c'est différent, et je le respecte. » Il était normal que les croyances soient différentes d'une culture à une autre, et ça ne le dérangeait absolument pas de se retrouver face à un avis différent du sien, bien au contraire. Il aimait la discussion autant qu'il dépréciait le débat, et à ses yeux tout point de vue était bon à entendre. « Tu ne penses donc pas que ta femme est la personne qui t'était prédestinée ? » Il se permit toutefois de lui demander, dans un sourire, pas pour remettre à tout prix le sujet sur la table, mais simplement parce que ça l'intriguait. S'il lui disait qu'il ne pensait pas avoir rencontré son âme sœur, il ne le jugerait pas. Il désirait simplement se faire une idée un peu plus précise de son opinion sur la question. « Tu penses qu'on peut donner une mauvaise image de soi dans ce genre de programmes ? » Il avait ensuite demandé, pas tant inquiet que simplement curieux. « Moi je ne savais pas trop dans quoi je mettais les pieds avant d'arriver ici, alors je ne me suis pas vraiment posé la question. » Est-ce qu'il aurait du ? Peut être. Mais de toute façon, il était venu ici avec certains objectifs, et n'avait pas l'intention de s'égarer en chemin s'il devait intégrer le jeu. Peut être que certains voyaient en ce genre de programme un moyen de faire parler d'eux par n'importe quel moyen, mais Naveen avait beau tout ignorer de ce qui pourrait l'attendre, il avait des principes qu'il ne bafouerait pas pour tout l'or du monde. Il n'avait cependant rien contre l'idée d'apprendre à s'amuser, ce qui ne risquait pas de lui faire du mal. Finalement, il proposa à son camarade de se faire mutuellement découvrir certaines choses s'ils étaient amenés à passer plus de temps ensemble, et l'enthousiasme de Clotaire dessina sur ses lèvres un fin sourire. « Pour ta défense, je ne crois pas que la culture indienne soit très importée chez vous, à part peut être en terme de restaurants ou de spectacles, mais c'est à peu près tout … Enfin, c'est l'impression que j'ai eu en arrivant ici. » Chez lui, la culture occidentale avait été popularisée à plusieurs occasions dans la plupart des grandes villes, si bien que plusieurs marques internationales y avaient été importées, et qu'il n'était pas rare que des films américains y soient projetés lors d'avants-premières, ou que des célébrités y fassent le déplacement lors de festivals. « Toi et moi, on a à peu près le même gabarit. Alors si j'en ai l'occasion, je te prêterai l'un de mes sherwanis pour que tu t'imprègnes un maximum de ma culture. » Il reprit dans un sourire rassurant, au cas où il s'imaginerait devoir porter quelque chose d'extrêmement coloré ou d'improbable. En réalité, là où les saris se remarquaient souvent de loin, les sherwanis jouaient sur des combinaisons de couleurs un peu plus sobres. Une chance pour Clotaire.