La ration d’eau chaude va finir par avoir ma peau. Le matin, peu importe mon état de fatigue, peu importe si je suis en retard, peu importe si l’une de mes conquêtes se prélasse toujours dans mes draps, je dois prendre une douche dès le moment où mes pieds se posent sur le sol. C’est le premier endroit que je visite le matin, religieusement, et, me passer de cette routine, j’en suis incapable. J’ai été choquée – mais tout de même rassurée - de constater qu’une file d’attente s’était formée vis-à-vis nos deux seuls douches, au premier matin dans les abysses. L’hygiène avait donc une importance pour mes camarades, et ainsi coincé en huit-clos, ça méritait qu’on y accorde un tant soit peu d’attention. Mais cette popularité accru des douches, entre huit et neuf heures le matin, posait problème. Tout le monde voulait se nettoyer à l’eau chaude, évidemment. Et si je voulais aussi avoir ce privilège, j’allais devoir être plus rapide, plus maligne que les autres. J'avais même un plan : il me suffisait de saboter l’une des douches, et être seule à en connaître le véritable problème. Facile, à mon avis. D’autant plus que l’état douteux des équipements était, limite, inquiétant. Les autres ne risquaient que d’y voir que du feu. Tôt en ce mardi matin, je me faufilais dans la salle d’eau, vide de toute présence humaine. Les cabinets de douche se trouvaient au fond de la pièce, et je m’engouffrais dans l’un d’eux, encore vêtue de ma combinaison, cherchant, à tâtons, une façon de le mettre hors d’usage, ne serait-ce que temporairement, jusqu’à ce que, miraculeusement, je parvienne à la réparer, en pleine heure de pointe, me gagnant le privilège de l’utiliser la première. Mais j’étais loin d’être un plombier, et la mécanique de cette antiquité, curieusement, me résistait. Mon plan risquait de tomber à l’eau. Et ça ne me plaisait pas.