La pause pipi. C'était toujours le moment où, comme par hasard, vous tombez sur quelqu'un et que vous commencez à papoter au lieu de pouvoir vider votre vessie. Nymphy était plutôt rodée sur ce sujet. Quand vous vivez avec huit autres personnes dans une maison relativement petite, vous vous habituez à attendre dix minutes plus un quart d'heure de discussion avant de pouvoir relâcher la pression. ( hurm, quelle belle expression ) Bref, no big deal !
La belle se dirigea vers la petite pièce, sifflotant, lorsqu'elle tomba sur Keane, qui, visiblement, venait juste de faire ses petits besoins. Il lança un Ah mais qui voilà… qui lui semblait pleins de sous-entendus avant de continuer en disant qu'il tenait à la vie et que c'était la raison pour laquelle il ne retournait pas chez sa mère. Devait-elle comprendre que sa génitrice était décédée ? Probablement. Elle soupira. Elle avait comme la mauvaise intuition que cette semaine allait être sous le signe des règlements de comptes après le fiasco du prime. Et qu'elle allait vaguement s'en prendre plein la gueule... pour changer ! « T'es pas le seul à avoir perdu un proche, tu sais. » lui répondit-elle sur un ton qui se révéla véritablement triste. Non, elle n'allait pas le montrer, mais c'était une partie de sa vie, qui la blessait plus que jamais. Presque sa première cicatrice. Quoique, non, elle en avait eu bien plus avant, mais c'était la première qui faisait vraiment un mal de chien. Et elle n'allait très certainement pas en parler avec Keane ! Et encore moins à côté des toilettes !

Ne perdant pas le fil, Keane poursuivit d'une réplique froide et blessante. C'était sûr, beaucoup de personnes avaient perdu un grand-parent lorsqu'ils avaient dépassé la vingtaine, c'était malheureusement comment se déroulait la vie. Mais sa phrase la piqua à vif et sans réfléchir, elle répliqua, tranchante. « C'est vrai qu'un petit frère qui s'étouffe devant soi, c'est moins courant. » Et à peine eut-elle dit cela qu'elle le regretta. Son cœur se serra, sa respiration fût difficile et sa lèvre inférieure trembla doucement sous l'émotion. Ce genre de souvenirs, ce n'est jamais facile à gérer. Nymphaea se disait toujours qu'elle avait fait son deuil, cependant, ça ne l'empêchait pas de se poser tout un tas de questions, qui commençaient par « Et si... ? » et d'avoir un cœur lourd comme de la pierre lorsque les images revenaient soudainement.
Elle passa alors à son côté pour s'enfoncer un peu plus dans le couloir, d'un pas relativement calme. Elle ne voulait pas s'arrêter sur cet incident, elle ne devait pas y mettre de l'importance. Peu importe ce qu'il disait, cela n'allait pas la toucher, elle resterait de marbre. Le passé était le passé, elle n'allait pas le laisser la blesser, comme ça, en parlant de choses dont il n'avait même pas connaissance. Il n'en valait pas la peine. Elle s'en voulut d'autant plus d'avoir cédé à sa provocation.
Lorsqu'il s'excusa, elle s'empêcha d'éclater de rire, acide. A quoi cela pouvait bien servir d'être ignoble pour ensuite s'excuser ? A rien, tout simplement.

Il s'excusait à nouveau. Était-il sincère ou était-ce juste une forme de politesse ? Elle n'en savait rien. Mais ça ne changeait pas le fait qu'il venait de l'attaquer alors qu'elle ne lui avait rien fait – si on ne compte pas l'histoire du prime où elle était énervée, bien sûr. Il l'avait blessé – certes à ce moment-là, il ne savait pas vraiment dans quoi il mettait les pieds, mais ce n'était pas une raison pour se montrer aussi froid ou pour l'attaquer sur la mort d'un proche – alors, oui, il lui faudrait plus que des excuses. « J'étais énervée alors, j'ai dit n'importe quoi durant le prime. Toute cette histoire avec Liam m'avait pris la tête et j'ai crié sur des gens qui n'avaient rien à voir avec ça. Mais toi, t'attaques des gens en étant parfaitement calme - et oui, là je te juge et je te critique. Tu es le genre de personnes que je ne veux pas dans mon entourage. Et tes excuses ne changeront pas ça. » avoua-t-elle avec un calme exemplaire. Oui, Nymphy pouvait être blessée, oui, elle était fragile sur certains points. Keane aurait pu l'attaquer sur n'importe quoi, mais il avait décidé de s'attaquer à sa famille et c'était ce qu'elle avait de plus précieux. Il était clair qu'ils n'étaient pas fait pour s'entendre. « Je peux aller au p'tit coin maintenant, ou tu veux encore te venger de ce que j'ai dit hier soir ? » l'interrogea-t-elle en ne laissant rien passer de la tristesse qui l'envahissait.