La chose que je détestais le plus, de tout cette histoire de cohabitation, était très certainement de devoir dormir avec quelqu'un d'autre. Abygaëlle était bien gentille, mais que ce soit elle ou quiconque d'autre, je n'aimais pas cette proximité pendant mon sommeil. Après une semaine dans ce contexte peu plaisant, je tentais tant bien que mal de conserver mon optimisme, le matin, même si je me réveillais avec l'envie globale de commettre un meurtre. Ce jour-là, j'avais décidé d'aller évacuer ma colère ridicule dans la douche avant d'aller manger. Cela eut l'effet escompté, et je descendais les escaliers avec entrain. Une vieille chanson disco me trottait dans la tête depuis mon réveil, et je la chantonnais sans trop m'occuper de ce qui m'entourait.
« Ayaaaaaa, say do you remember, ayaaaaa, dancing in septemberAAAAAH »
Le "Aaaah" ne faisait évidemment pas partie de la chanson. Il était plutôt un ajout personnel, à la suite du choc obtenu entre ce qui se révéla être un jeune homme et moi.
« Hemm... Je suis désolée. »
Je lui ai adressé un sourire qui se voulait amadouant, un peu comme ceux que font les jeunes enfants lorsqu'ils viennent de faire une gaffe. Je me sentais assez mal, surtout que c'était la deuxième fois que je bousculais un autre candidat en ne regardant pas où j'allais. Ça allait me faire bien paraître, tout ça. Tara, la fille qui est incapable de marcher sans foncer dans autrui.

Je venais de prendre mon petit déjeuner, c’est-à-dire un café et un bol de céréales, des loops si vous voulez tout savoir parce que ce sont mes favoris et que la production en a mit, si c’est pas génial ça hein ? Bref. J’allais alors vers les escaliers pour remonter, dans l’optique d’aller un peu sur le balcon quand je vis un monstre blond qui beuglait me foncer dessus « AAAAH PUTAIIIIN ! » lâchais-je en agitant les jambes alors que la jeune femme se relevait, je me relevais assez vite, me rendant compte que le monstre blond n’en était pas du tout un, je plissai les yeux, wow. « Mon Dieu, c’est pas grave, j’ai été surpris. Mais bon, tu n’es pas lourde alors, si c’était Hulk alors là je serais mort ! » dis-je en riant, Hulk étant un habitant de la maison que j’avais surnommé comme ça ; Gallilée.

Je n'ai pas trop compris son allusion à Hulk, alors je lui ai lancé un sourire un peu incertain. Si ma mémoire était bonne, son prénom était Keane. Je me souvenais de l'avoir souvent vu aux soirées collectives, lors desquelles il parlait beaucoup plus que moi. « Remercions le ciel que je ne sois pas... Hulk, alors.» Je lui ai souri, me sentant un peu mal à l'aise. « Le point positif, c'est que cette chute m'a fait oublier la chanson débile que j'avais dans la tête!» En effet, les paroles de September ne tournaient plus en boucles dans mes oreilles, à mon grand plaisir. J'avoue, j'aimais bien cette chanson. Seulement, ce n'est pas le genre de goûts musicaux que je souhaitais présenter à l'Irlande toute entière... J'ai souri à Keane, ne sachant pas trop quoi lui dire. Il m'impressionnait un peu, et ç'aurait été un mensonge de dire qu'il était physiquement repoussant, ou même banal. Mais bon, tout ça, ce n'était que des détails. Futiles détails, même. « Je suis Tara. Heureuse de te rencontrer, malgré les circonstances un peu... brusquées.» Je lui ai tendu ma main avec douceur, ne voulant pas le frapper à nouveau. Le rôle du caïd de la maison, celui qui brutalisait les autres, ne m'allait tout simplement pas.

Oui, merci bon Dieu ou tout autre personne présente la haut, que tu m’aies sauvé la vie. Pour le coup j’aurais été capable de me mettre a genoux et de joindre les mains dans un signe de prière mais eu… Je ne connaissais pas Tara et inversement, et elle allait me prendre pour une dingue (qu’on se le dise, je ne suis pas dingue du tout, du moins pas au point d’être interner). « Merci a toutes les divinités existantes… Ou non ! » dis-je en riant. « J’espère que tu n’es pas croyante, je m’en voudrais de t’avoir vexée ou… Attends, tu m’es tombée dessus après tout ! » dis-je en riant légèrement. Je souris lorsque la jeune femme se présenta « Keane et t’inquiète pas, rien de casser de mon coté, enfin je crois… ! » dis-je en souriant, amusé.

J'ai ri légèrement à sa remarque concernant la religion, mais j'ai préféré ne rien ajouter sur le sujet. On me considérait souvent d'un drôle d'oeil lorsque j'avouais être croyante, même sans être pratiquante, alors j'avais un peu fait comme pour mon végétalisme: le garder pour moi, sans le partager, histoire de ne pas me faire juger sans cesse. Et puis, commencer un débat existentiel avec un garçon dont je ne savais absolument rien n'était probablement pas l'idée du siècle. « Keane, comme le groupe de musique? On a dû te la faire souvent, celle-là... » Je lui ai souri, avant d'ajouter d'un ton un peu enfantin: « Ç'aurait été bête de devoir abandonner Fake Lover à cause d'une blessure causée par une vilaine fille qui ne regarde pas où elle va, comme moi.»