Colin a fait un détour par le cellier pour y récupérer ses fringues propres… qu’il n’a pas lavées lui-même. Il a sa technique, pas forcément honnête, mais efficace. Il glisse un t-shirt par-là, un pantalon par-ci, une paire de chaussettes à droite, un caleçon à gauche, tout ceci dans les divers paniers de ses camarades, qui tombent tous dans le panneau, et qui mettent ensuite les vêtements indésirables de côté, quand ils font le tri à la sortie de la machine. L’américain n’a alors plus qu’à passer derrière eux pour récupérer ses fringues propres sans qu’il n’ait eu à faire le moindre effort. C’est un bon plan, qui fonctionne depuis qu’il est ici, même s’il ne garantit pas que ça va durer. Emportant le tout dans un panier, il se rend jusqu’au dressing pour y ranger ses affaires dans son casier, et, par un élan de bonne foi, il fait même le tri dans celui-ci. C’est avec stupeur qu’il découvre que son merveilleux pull de Noël, lavé et rangé en début de semaine, a disparu. Disparu, alors qu’il ne l’a pas touché. Il y a un truc louche. Alors il se met à vider son casier, fouiller celui-ci de fond en comble, finissant par mettre le nez dans celui des autres. « Bordel. » Il souffle entre ses dents au bout d’une dizaine de minutes de recherches qui restent infructueuses, tandis qu’il continue d’éparpiller ses affaires et celles des autres un peu partout dans la pièce, jusqu’à ce qu’il s’arrête – le temps de quelques secondes – quand quelqu’un le rejoint dans la pièce et qu’il détaille le visage de ce dernier. « Mais oui, c’est toi, j’suis sûr. » Il se dit pour lui-même, tandis qu’il finit par se lever pour faire face à Grey. « T’sais, mon magnifique pull de Noël, hein, celui que tu trouvais sympa… Il a disparu, poof, comme ça, comme par magie, t’serais pas au courant de quelque chose ? Parce que tu m’as l’air un peu trop sympa pour être honnête. » C’est les yeux bleus, probablement, ça inspire une confiance qui n’a pas lieu d’être. « Et t’sais, ce pull j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux, j’ai plus de raisons de vivre si j’le retrouve pas, alors fais pas l’con. » Rien que ça, oui. Mais ce n’est pas tout faux, ce pull a une signification particulière pour lui, pas à cause du motif à la con qui se trouve dessus, mais à cause de la personne qui lui l’a offert. Ceci dit, il s’en remettra s’il ne le retrouve plus, là dans l’immédiat, il est surtout tenté d’emmerder son camarade.

On le savait tous, ce dressing avait quelque chose de maléfique. Heureusement, depuis le temps, j'avais pu retrouver ma chemise à carreaux, alors que d'autres affaires, elles, s'étaient faite la malle pour revenir quelques heures plus tard comme si de rien n'était. Comme si Cupidon savait précisément de quoi nous avions besoin, et qu'il prenait un malin plaisir à le retirer de notre garde-robe. Du moins, c'était toujours ainsi avec moi. Et puis il fallait dire que j'avais une fâcheuse tendance à m'attarder sur tout ce qui n'allait pas, c'est à dire que je ressentais toujours le besoin de porter ce que je n'avais présentement pas à portée de main, et ce même si ça n'était pas forcément ce que j'avais souhaité en arrivant dans la pièce. C'était quelque chose d'assez handicapant en fait, lorsque l'on y repensait. Et évidemment, lorsque l'on ne savait pas, on finissait toujours pas accuser ses camarades. Heureusement que Sara avait été là pour m'expliquer les problèmes qu'engendraient ce dressing maudit, car sinon, je n'aurais pas été capable de m'en rendre compte, et aurais très certainement rejeté la faute sur un peu tout le monde, comme était présentement entrain de le faire Colin, alors que je venais à peine de passer le pallier du dressing. Il m'accusait d'avoir volé son fameux pull de Noël, et si j'avouais l'avoir trouvé plutôt sympa, ça n'était clairement pas le genre de couleurs qui m'allait. Il avait une tête de lutin le gosse, je n'arriverais jamais à le porter aussi bien que lui. « Mec, on fait même pas la même taille, et j'ai pas de frangin de quinze piges à qui le donner. » lâchais-je assez amusé, alors que mon sourcil droit s'arquait naturellement. Clairement, je l'aurais craqué en l'enfilant, j'crois bien. « T'as regardé dans la penderie des filles ? Elles aiment bien piquer des affaires aux gars, en général. » Je parlais par expérience, oui, oui. « Sinon, c'est probablement Cupidon qui fait encore des siennes. Il reviendra probablement dans quelques heures. Bon, j'peux pas te garantir son état, cela dit. » A vrai dire, ils revenaient toujours dans l'état où ils étaient partis, mais autant le faire flipper un peu pour prendre revanche sur ses accusations.

Le plus gros défaut de Colin, c’est son incapacité à se montrer patient, et il le prouve encore une fois en s’énervant seulement quelques minutes après s’être mis à la recherche de son super pull de Noël. Lui faire un coup pareil à lui, c’est une très mauvaise idée. Le candidat à l’origine d’un tel acte va en payer le prix, et très cher même, autant qu’il se prépare psychologiquement, car quand Colin tombe sur quelqu’un, il n’est pas vraiment tendre. Cessant de fouiller sa penderie, il s’attaque à celles des autres et tant pis pour la notion d’intimité. Elle n’existe plus depuis qu’ils vivent les uns sur les autres, il a vu les fesses et les seins de la moitié des gens ici, ce serait totalement illogique qu’ils lui hurlent dessus parce qu’il a osé fouiller parmi trois t-shirts et deux pantalons. En vérité, le plus à plaindre c’est bien lui, obligé de mettre ses mains dans les affaires des autres, alors que certains n’ont visiblement pas connaissance de ce bel endroit appelé salle de bain, s’il chope pas trente-six maladies d’ici la fin de sa recherche, il s’estime chanceux. Heureusement pour lui, il n’a pas à se salir les mains plus longtemps puisque Monsieur Hipster entre dans la pièce, et Colin ne manque pas de l’accuser, comme ça, sans la moindre raison. En réalité, il ne sait pas si c’est un coup du jeune homme, mais il a une tronche de gentil, s’il l’accuse il voudra forcément sa défense et quoi de mieux que de la prouver en l’aidant à fouiller parmi les affaires des autres ? Bon, ça n’a pas l’air d’être une tactique qui fonctionne sur Grey, il va la garder pour Naveen par contre. « Et alors, le moulant c’est à la mode, nan ? » Non ? Autant pour lui. « Okaay, alors que j’t’explique un truc, peut-être bien qu’elles aiment bien, mais j’suis pas certain d’être en haut de leur liste chez qui piquer les fringues, t’vois. » Déjà, on prend Greta, bam, impossible d’entrer dans ses fringues, et les autres favorisent plutôt les types qu’elles rêvent de retrouver dans leur lit.  « La seule susceptible de me piquer un truc, c’est la poissonnière, et ce serait clairement pas pour le porter. » Mais qu’elle essaie seulement, il ne manquera pas de lui faire regretter son geste. « J’sais pas pourquoi, mais j’sens que si j’fouille les penderies des nanas, j’vais être taxé de gros pervers. » C’est même une certitude. « Toi, par contre, j’suis sûr que ce sera perçu comme un acte héroïque, genre tu files un coup de main pour ranger, ou tu t’assures que les tissus sont toujours aussi doux pour pas que leur peau s’irrite. » Là-aussi, c’est une certitude. Il l’a compris là, le message pour lui filer un coup de main ? « Ah le morveux, évidemment, il a un vrai truc contre moi, ou pour moi, j’sais pas trop, j’ai pas encore décidé. » Soit il s’agit d’une haine profonde soit d’une attirance déclarée maladroitement, hm. « Qu’il essaie, j’trouverais bien un truc à casser dans cette baraque, d’une valeur équivalente à mon pull. » Donnant-donnant. « Si t’as des idées, j’prends. » Comme ça, Colin aura une personne avec laquelle partager la faute.