Ne trouvant pas le sommeil, il s'est installé dans la salle de contrôle. Afin de profiter de ce moment, il décide de revisionner des séquences de façon purement aléatoire. Il revoit les visages des candidats sortants, des personnes avec qui il a pu partager quelques mots. Hélas, pas assez pour créer des liens plus ou moins durables. Il regrette certains tandis que d'autres, il ne souvient pas de leur avoir parlé. Il remet ses lunettes pour y voir clair tout en sirotant son thé glacé fait maison et sans sucres. Il scrute longuement du regard le visage de Khadija qui passe sur l'écran. Il clique sur pause, en profite pour observer ses traits. Il en frémit un instant avant de remettre en marche et d'accélérer. Il tombe sur la révélation du secret de Jade. En entendant les explications de la jeune femme, il a été bouleversé. Il a encore cette boule à la gorge à chaque fois qu'il se souvient des détails. Passons. Il tombe sur des conversations parfois amusantes entre des candidats et aussi des échanges intimes. Il a les paupières qui commencent à se fermer toutes seules quand il entend la porte s'ouvrir. Sur le seuil, se tient Naveen. Lino ouvre les yeux et sourit au nouvel arrivant. Il se décale un peu pour lui faire de la place. Une question lui taraude l'esprit depuis quelques temps. « Il y a des choses que tu regrettes d'avoir fait ou d'avoir dit ? », qu'il lui demande, le regard morose. Depuis sa déclaration à Khadija, tout a changé et pour le pire car Jade ne veut même plus lui adresser la parole. Avec Khadija, ce n'est plus aussi simple qu'avant. Ce n'est pas pour autant qu'il regrette. Ses sentiments à l'égard de la françaises sont réels. Encore faut-il que l'intéressée ne soit plus méfiante de ses intentions. « Tout s'embrouille dans ma tête. J'ai l'impression que je vais exploser. », lui confie-t-il. Il faut que ça sorte du manière ou d'une autre. Ils se sont jurés de tout se dire, et ce sans prendre des pincettes, comme de vrais frères. Lino est perdu et lui demande à l'indien, lui qui s'est montré attentif et compréhensif. Son soutien, c'est tout ce qu'il souhaite pour l'instant. « Je crois que je suis en train de tomber amoureux et je ne sais pas si je suis capable d'assumer ce que je ressens sans que ça paraisse ridicule ou illusoire. Je me pose tellement de questions, peut-être trop alors qu'il suffit juste de sauter le pas » Ouais, c'est sorti. Il ne sait pas si c'est cohérent ce qu'il dit ou c'est tout simplement risible, car il est en train de se lamenter pour rien. Il le sait, en plus. Il a eu sur le moment un besoin irrationnel de se confier. Qui de mieux que Naveen pour le comprendre. Il soupire : « Si on s'était rencontrés à l'extérieur, tout se serait déroulé autrement. » Et c'est un fait. Tout aurait été différent, plus simple. Mais cette idée est utopique. Là, ils sont dans la réalité. Il est en train de perdre pied. Il veut qu'on le rassure.

L'indien était empathique de nature. La détresse des autres devenait toujours inévitablement sa détresse, à lui, parce qu'aucun regard fuyant ou aucune mine triste ne pouvait décemment le laisser indifférent. Et c'était d'autant plus vrai avec les personnes qu'il aimait, qui s'étaient faites une place dans sa vie, mais aussi dans son cœur. Sans doute avait-il développé cette tendance à prendre à cœur les problèmes des autres à l'époque où il vivait avec ses onze frères et sœurs, et servait de confident, mais aussi d'exutoire, à plusieurs d'entre eux. Chaque fois que Vishal s'était querellé avec Anousha et qu'il avait voulu se rependre d'un mot malheureux, c'est vers lui qu'il s'était tourné. Comme Rani et Leela, les jumelles indociles, qui l'avaient rendu témoin de bien des crises, ou Rhea, plus récemment, qui pouvait encore l'appeler au beau milieu de la nuit pour lui demander conseil, sur des questions plus ou moins existentielles. Alors quand il pensa se mettre au lit, à une heure plutôt tardive, mais qu'il crut apercevoir Lino prendre la direction de la salle de contrôle, la mine tracassée, c'est sans hésiter une seule seconde qu'il l'y suivit, déterminé à lui offrir son soutien, quelles que soient les choses qui pouvaient le tourmenter. Il entra alors dans la petite pièce à la suite de l'italien, qui d'entrée de jeu lui posa une question inattendue, mais qui le fit sourire, chaleureusement. « Je dirais que ça dépend à quel genre de choses tu fais allusion. » Parce qu'il serait tenté de revenir sur l'histoire de la nomination d'office de Salvador, par exemple, mais il avait l'impression que ça n'était pas vraiment le sujet. « Mais oui, il y a parfois des choses que j'ai regretté d'avoir faites, ou dites. Mais l'inverse est tout aussi vrai. » Il souffla alors, tout en s'approchant de son camarade pour s’asseoir à ses cotés. La plupart des choses qu'il avait pu regretter d'avoir faites ou d'avoir dites, étaient en rapport avec sa famille, ses parents. Pour le reste, c'était surtout ici qu'il nourrissait quelques regrets, mais l'heure n'était pas aux complaintes, parce que Lino était tracassé, il en avait maintenant la certitude. Lui prêtant alors une oreille attentive, bienveillante, il esquissa un sourire attendri lorsque Lino évoqua les sentiments amoureux qu'il disait avoir développé. Pour Khadija, certainement. « Tu dois savoir que tu n'as pas à faire à un expert en la matière. » Il se permit de lui faire remarquer, dans un sourire complice, histoire de détendre un peu l'atmosphère, mais aussi parce que c'était la vérité, il valait mieux en avoir conscience. « Mais Lino, si tu crains sa réaction ou de mettre en péril ce que vous partagez … je pense que c'est une raison de plus pour te confier à elle, parce que les doutes que tu peux avoir, ils ne te quitteront que lorsque tu auras obtenu les réponses à toutes ces questions. » Son regard le couva tandis qu'il déposa une main sur son épaule, un geste rassurant que l'italien lui-même lui avait destiné, le soir du prime, lorsqu'il redoutait les résultats des votes. « Et tant que tu ne sauras pas, vous resterez dans la retenue, comme dimanche soir. » Il ajouta d'ailleurs, parce qu'il se souvenait de certains détails qu'il avait observé ce soir-là, et qui ici prenaient un sens un peu plus précis. « Si je vous ai proposé de vous laisser seuls, c'est parce que j'avais le sentiment que vous n'osiez pas vous parler, en ma présence. Mais maintenant, je crois comprendre que je n'y étais pour rien. » Il s'était imaginé qu'avec lui à leurs cotés, ils n'osaient pas se dire ce qu'ils avaient sur le cœur, mais aujourd'hui il réalisait que la communication leur faisait défaut, peut être parce que comme Lino, Khadija n'osait pas non plus confier ses sentiments. « Regarde la porte. » Il lui souffla finalement, en lançant lui-même un regard en direction de l'entrée. « Khadija vient d'entrer, moi je ne suis pas là. Il n'y a que vous deux, plus de caméras, plus de micros, plus d'animateurs et de rubriques … juste vous deux. » Son ton était bienveillant, il cherchait ici à le mettre en confiance et à l'inciter à se libérer de certaines choses, dans l'immédiat, à défaut de le faire auprès de la brune. « Qu'est-ce que tu lui dirais, là, maintenant ? » Il l'avait prévenu, il n'était pas expert en relations amoureuses, pour autant il faisait de son mieux pour adopter une attitude rassurante, et pour l'aider à sa façon. Pour être l'ami qu'il espérait sûrement trouver, quand il l'avait interrogé. Et le frère qu'il devait être dans les bons moments, comme dans les moments un peu plus confus.