@naveen
Il est trop tôt pour se lever, pourtant elle sort de son lit. Machinalement, comme si elle était soumise à du somnambulisme. Elle s'est éveiller soudainement et comme pour se protéger de celui se passe la nuit, elle quitte son lit. C'est un endroit qui pouvait être rassurant du temps où Lino le partageait avec elle. Mais c'est plus le cas, elle ne dort jamais bien, jamais longtemps. Et puis elle doit être lassé après sa semaine d'hibernation. La rouquine sort de la chambre, simplement vêtue d'un petite nuisette. Comme aveugle, elle ne semble pas vraiment voir ce qu'il y a devant elle. Ses pieds nues la dirigent à l'air libre et bientôt elle se retrouve dehors, dans le jardin, ses pieds venant s’infiltrer dans les graviers. Le froid matinale lui glace les épaules et gerce ses lèvres presque automatiquement. Le vent vient s'infiltrer dans ses cheveux, roule sur son crâne et la réveille dans un frisson impressionnant. De la tête au pied elle est parcouru d'un frisson glaciale. Son regard jadis éteint se retrouve à chercher un point d'encrage, quelque chose qu'elle pourrait reconnaître ou peut être quelqu'un. Mais rien, il fait encore sombre ce matin. C'est le froid qui la pousse à retourner à l'intérieur. Et elle commence à errer dans les couloirs du nid, comme une étrangère. La poitrine lourde, elle a la sensation de ne rien reconnaître. L'inconnu paralyse son coeur, elle a du mal à reprendre sa respiration. Comme l'impression étrange d'être rester coincé dans son rêve. Pas une âme à la ronde, pas un bruit, pas un souvenir cohérent. Fébrile, elle pousse la porte de la salle de bain. Sans savoir que c'est là qu'elle va tomber. Son coeur sort de sa poitrine quand elle se confronte à un reflet qu'elle peine à reconnaître. Elle s'approche, guidée par sa curiosité, sa main droite accrochée à sa joue. Elle observe d'un air sidéré les traits de son visage. Elle parcours les tâches de rousseurs qu'elle semble découvrir, elle glisse une main dans ses cheveux roux. Pour finir elle se confronte à son regard, se plonge dans son étendue verte qui bientôt s’emplit d'une humidité insupportable. Elle se reconnaît enfin, mais pourquoi faut-il que ça lui arrive encore ? De se sentir comme une étrangère dans son propre corps ? Quelques larmes glisses sur ses joues rouges par la différence de température entre dehors et dedans. Elle sursaute en voyant dans le reflet du miroir Naveen, qu'elle ne reconnaît pas tout de suite. La poitrine lourde, la respiration aléatoire, elle a l'instinct de virer ses larmes de ses joues en cachant son visage avec ses cheveux. Son regard fait semblant de chercher quelque chose, alors que son corps continue d'être parcouru de frisson. « Jade, Naveen, Khadija, Colin, Lawrence.... » Qu'elle murmure entre ses dents, fébrilement elle énumère les prénoms qu'elle connaît pour se replonger dans la réalité. « Scarlett, Scarlett, Scarlett. » Qu'elle martèle en faisant fit de la présence de l'indien, le poing malmenant la vasque.

Ça faisait quelques jours que l'indien enchaînait les nuits relativement courtes et qu'il se retrouvait debout de bonne  heure, pour une raison ou bien pour une autre. Dimanche, il avait délibérément fait nuit blanche en compagnie d'Enola, ce qui lui avait déjà valu d'emmagasiner une certaine fatigue. Lundi, il avait choisi de vivre au rythme matinal de Lawrence et s'était retrouvé à ouvrir un œil à cinq heures du matin, une heure à laquelle il était d'habitude incapable d'envisager de commencer sa journée. Et si les deux dernières matinées avaient été un peu plus reposantes et lui avaient notamment permis de se remettre des heures de sommeil dont il s'était privé dernièrement, celle d'aujourd'hui lui valut de se retrouver à nouveau debout avant l'heure à laquelle il se réveillait d'habitude, et sans trop qu'il sache pour quelle raison. Ce n'était pas Lawrence, qui s'était levé sans bruit à l'heure habituelle et qu'il avait cette fois laissé reprendre ses petites habitudes. Ce n'était pas non plus ses camarades de chambre, qui pour la plupart dormaient encore à poings fermés et s'étaient de toute façon toujours montrés assez respectueux vis à vis du sommeil des autres. Et il ne croyait pas non plus avoir été extirpé de son sommeil par l'un des cauchemars qu'il lui arrivait souvent de faire, ceux grâce à qui il pouvait lui arriver de se réveiller en sueur et complètement paniqué. Non, ça n'était rien de tout ça, ainsi peut être était-il simplement entrain d'adopter un rythme un peu différent, ce qui en soit ne serait pas une mauvaise chose dans la mesure où ça lui permettrait de mieux occuper ses journées. Cependant encore un peu endormi, il prit la direction de la salle de bain avec l'idée d'y prendre une douche, pensant qu'à cette heure-ci l'endroit serait désert et devrait lui permettre de se concentrer uniquement sur la présence des caméras, détail qui l'obligeait depuis le départ à se doucher en short de bain. Seulement, à son entrée dans la pièce, il nota la présence de Scarlett, dont il remarqua dans un premier temps la chevelure, bien sûr, puis le reflet, à travers le miroir devant lequel elle se tenait. Un fin sourire gagna alors ses lèvres, mais s'atténua brusquement lorsqu'il lui sembla remarquer qu'elle n'était pas dans son état normal. Tremblante, fébrile, il croyait même l'entendre marmonner des choses incompréhensibles, tandis qu'il était presque certain de l'avoir vu pleurer, l'instant d'avant. « Scarlett ? » Il souffla alors, en s'approchant doucement de la jeune femme, sans trop savoir comment se comporter à son égard, dans l'immédiat, car il ne s'était encore jamais retrouvé confronté à une Scarlett bouleversée. « Est-ce que tu ... » Interrompu dans ses propos par le bruit du poing de la rousse qui s'abattait fortement contre la vasque, il posa sa main sur la sienne pour l'inciter à cesser tout mouvement. « Arrête, tu … tu vas finir par te blesser. » Et déjà qu'il se sentait dépassé par la situation, il vaudrait certainement mieux qu'il n'ait pas à la soigner, parce qu'il risquerait de ne pas lui être d'un très grand secours. « Regarde-moi. » Il finit par reprendre, d'une voix des plus douces, tandis que sa deuxième main balaya délicatement les quelques mèches de cheveux qui l'empêchaient jusqu'ici de pleinement voir son visage. « Pourquoi tu n'es pas dans ton lit ? Je pense que ça te ferait du bien de dormir quelques heures de plus. » Il ne savait pas si elle manquait précisément de sommeil, mais retourner se coucher ne pourrait pas lui faire de mal, car elle semblait un peu perdue et qu'il aimerait éviter de la laisser déambuler à travers le nid maintenant qu'il l'avait vue dans cet état. « Je peux te raccompagner jusqu'à la chambre, si tu veux. » Ses yeux cherchant les siens, il tenta de lui prouver qu'il ne cherchait pas à se débarrasser d'elle ou bien à écourter ce moment, mais simplement à lui rendre service. « Ou bien on peut rester ici, mais … il faut que tu te calmes et que tu m'expliques. Parce que je ne suis pas sûr de savoir quoi faire pour t'aider. » Il lui aurait bien proposé d'aller chercher Jade, mais elle devait dormir à cette heure-ci et dans le fond il préférerait se débrouiller seul, sans avoir besoin de tirer quelqu'un de son sommeil. Et puis, restant dans un certain flou par rapport à la relation qui unissait les deux sœurs, il ne voudrait pas risquer d'empirer les choses en essayant de les arranger.

C'était pas arrivé depuis longtemps que la nuit l'attrape de cette façon, qu'elle se perd dans la noirceur, qu'elle se fasse avaler tout crue par une ombre vorace. Une ombre qui sort tout droit de son coeur, elle se noie dans tout un tas d'incertitude, de peur et d'angoisse. Le regard qu'elle pose sur ce qui l'entoure semble si perdu. Pour cause, elle ne reconnaît plus l'endroit dans lequel elle se trouve, elle ne sait pas ce qu'elle fait là. Non elle devrait être chez elle, se préparer pour sortir avec des amis. Au lieu de ça elle se retrouve à errer dans un labyrinthe qu'elle ne reconnaît pas. C'est comme quand on a la douloureuse expérience de s'endormir et de rester coincer entre le réveil et le rêve. De vouloir sortir de son lit, tout en restant paralysé à la verticale les songes dans un rêve trop réel, trop brutal. Sauf qu'elle est bien éveillé, et c'est à s'en tirer les cheveux que de se confronter douloureusement à un reflet qu'on ne reconnaît pas. Qui suis-je ? Ses opales vertes cherche un point d'encrage, une réalité, une vérité qui semble se cacher derrière l'ombre. Elle a besoin de lumière, de chaleur, que le jour se lève. Elle a besoin de se voir dans le regard de quelqu'un qui la connaît, qui sait qui elle est. Qui sait mieux qu'elle, parce qu'elle est trop perdu. Et que sa poitrine se soulève d’effroi. Naveen entre, elle ne le reconnaît pas tout de suite, mais sa vision dans le miroir semble produire quelque chose sur elle. C'est Naveen, t'es dans Fake Lover, dans le nid truffé de caméra. C'est pas le moment de faire un crise Scarlett. Elle a pleurer, elle sent encore la marque sur ses joues rouges par le changement de température. Nerveusement elle essaye de s'imprégner de ce qu'elle croit être vrai, de cette vie, de la réalité. Des gens qui l'entoure. Elle pense à Jade, construit son visage dans son esprit, les paupières closes mais lourdes par les larmes qui reprennent leur course jusqu'à ses joues. Naveen formule son prénom, maintenant elle est sûre. Mais peut être qu'elle se trompe de réalité. La rouquine ne réagit pas tellement, y a trop de brouillard devant ses yeux, y a un son insupportable dans ses oreilles. Il dépose sa main sur celle glacée de Scarlett. Elle va se blesser, peut être. Ce n'est pas grave. Il lui demande de la regarder, comme un animal blessé elle s’excuse, méfiante. Le laissant dégagée ses cheveux roux de son visage, elle dépose un regard étranger sur lui. Il ne doit pas tellement la reconnaître. Il lui parle de son lit, de se reposer. Elle ne sait pas pourquoi elle n'est pas dans son lit. « Je me souviens plus. » Qu'elle lâche, lourde vérité qui vient briser sa voix. Ses souvenirs sont toujours si flous, ils se mélangent avec d'autres, elle ne sait pas toujours s'ils sont vrais, s'ils lui appartiennent. Il lui propose de la raccompagner dans sa chambre. Son expression prend la forme de la peur. « Non. » Parce que ce n'est pas sa chambre, parce qu'elle ne sait ce qu'elle va y trouver. « Pas tout de suite. » Elle tempère du mieux qu'elle peu. Il faut qu'elle se calme si elle veut rester ici. Est-ce qu'il irait jusqu'à chercher quelqu'un pour l'amener de force dans son lit si son corps tout entier continue d'être secouer de tremblement ? Elle prend une grande inspiration. Observe le visage de Naveen qui se trouve si proche du sien. C'est Naveen n'est-ce pas ? Elle sait bien qu'elle le connaît, mais pour une part d'elle il reste un étranger. « Explique moi d'abord. » Qu'elle lui demande sans le quitter des yeux, toujours se regard qui cherche à s'encrer dans quelque chose de connut. Il semble bien la voir, elle n'est pas un rêve, un fantasme qui va s'évaporer. « Dis moi ce que je fais ici, dis moi c'est quoi ici ? » Elle a besoin de détails, même les plus insignifiants. « Naveen ? » Qu'elle demande pour être sûre. « Je crois que je n'ai rien à faire ici. » Elle murmure sur le ton de la confidence, le coeur lourd, trop grand pour sa poitrine. « Je dois partir. » Qu'elle ajoute, parce que c'est une évidence. Elle s'éloigne et commence à récupérer des affaires qui ne sont pas à elle, elle les entasse dans ses bras. C'est l'heure des bagages. Elle n'est pas à sa place. Son regard se confronte de nouveau à son reflet. Son cœur éclate.

Il n'avait pas à faire à Scarlett, à la jeune femme qu'il côtoyait depuis des semaines, c'était ce qui l'avait frappé quelques secondes après son entrée dans la salle de bain, lorsque son regard avait croisé le sien à travers le miroir, et qu'il y avait lu une détresse implacable, semblable à celles qu'il avait pu lire en d'autres yeux, en d'autres larmes, y compris les siennes. Et pourtant, rien ne semblait comparable à ce qui habitait la jeune femme, et ça aussi il ne mit pas longtemps à le comprendre. Parce qu'elle était agitée, et que rien ne semblait à cet instant pouvoir la calmer. Il essaya, pourtant, en déposant sa main sur la sienne pour lui éviter de se faire du mal. Tout comme il essaya de communiquer avec elle, à travers un regard, à défaut d'être tout à fait certain d'être entendu. Une question le préoccupait pourtant : pourquoi était-elle ici, toute seule et dans cet état, et non pas dans son lit ? Se levait-elle toujours aussi tôt ? Ou bien avait-elle été tirée de son sommeil par ce qui semblait ici l'habiter ? Il n'en savait rien, et visiblement elle non plus. Et dans le fond, ça avait peu d'importance puisqu'elle ne désirait pas regagner sa chambre. A cette idée, les lèvres de l'indien formèrent une moue embêtée. « Tu es sûre ? » Il n'insistait pas pour la contraindre à faire une chose dont elle n'avait pas envie, mais simplement parce qu'il n'était pas certain qu'elle soit totalement maître de ses propos, ni qu'elle soit à cet instant la mieux placée pour savoir ce qui était le mieux pour elle. Laissant finalement entendre qu'ils pourraient rester ici si c'était ce qu'elle désirait, mais qu'il lui faudrait être en mesure de comprendre ce qui lui arrivait, l'indien fronça doucement les sourcils lorsqu'elle lui demanda de lui expliquer, lui. Tentant de lire dans ses yeux la réponse à la question qu'il se posait, il l'obtint de la bouche de la jeune femme, qui cette fois le prit totalement de court. « Ce que tu fais ici ? Mais ... » Déstabilisé, il s'interrompit de lui-même pour s'accorder quelques secondes de réflexion. Ce que lui demandait Scarlett ne lui semblait pas avoir le moindre sens, et pourtant il lui paraissait évident qu'il ne pouvait ni le lui faire remarquer, ni refuser de lui répondre. Il n'avait pas envie de prendre le risque de l'atteindre, mais il tendait surtout à penser que ce qu'il pourrait lui dire l'aiderait d'une façon ou d'une autre. Et l'aider, c'était précisément ce qu'il voulait. « D'accord. » Il reprit alors, dans un sourire se voulant rassurant, avant d'inspirer. « Tu … tu es en Irlande, dans une émission appelée Fake Lover. Nous sommes le vingt-et-un janvier, tu passes ta septième semaine dans l'aventure, et tu … tu t'en sors très bien. » Son regard ancré au sien, il tenta de lui assurer de la sincérité de ses mots, car il n'estimait pas faire un portrait mensonger de Scarlett, ni se contenter de lui dire ce qu'elle voulait entendre. « Oui. » Il reprit ensuite, lorsqu'il l'entendit formuler son prénom, frappé par l'impression qu'elle n'était pas tout à fait sûre de savoir à qui elle avait à faire. Mais était-ce si étonnant, si Scarlett ignorait jusqu'à l'endroit où elle se trouvait ? La mine de l'indien s'attrista en tout cas lorsqu'elle reprit la parole, tandis qu'il mouva la tête, impuissant face à l'envie qu'elle manifesta subitement. Celle de partir. « Scarlett, attends ... » S'approchant d'elle, il déposa ses deux mains sur ses épaules comme pour la freiner dans son élan, toujours sans aucune certitude de s'y prendre comme il fallait. L'incitant à se retourner, il laissa ses yeux trouver les siens. « S'il te plaît, pose-ça et écoute-moi. » Son ton restait doux et son regard la couvait avec tendresse, pour autant il ne la laisserait pas quitter la pièce, tout comme il ne la laisserait pas quitter le nid. Il ne savait pas à quel point elle pouvait penser ce qu'elle disait, mais il savait qu'en se trouvant ici, il était responsable de Scarlett et des décisions qu'elle pourrait prendre. « J'ai voulu partir moi aussi, la semaine dernière. » Il souffla finalement, profitant d'avoir attiré son attention pour laisser ses mains s'emparer délicatement des affaires qu'elle avait ramassées. « J'étais persuadé que cette aventure ne m'apporterait rien, que … qu'il n'y avait rien de bon pour moi, ici. Parce que j'étais déçu, déprimé … et que je ne croyais plus en rien. » Il esquissa un sourire triste en repensant à cette soirée qui avait sonné la fin de beaucoup de choses, pour lui. Et de laquelle il n'était pas revenu indemne, il en avait aujourd'hui conscience. « Mais aujourd'hui, je regrette d'avoir pensé toutes ces choses, et je sais que je ne l'aurais jamais fait si j'avais été dans mon état normal. » Il n'avait jamais été envahi du pessimisme qui l'avait accablé ce soir-là, et qui l'avait empêché de relativiser comme il en avait l'habitude. C'était comme s'il n'avait plus été entouré que par un néant oppressant, qui avait aspiré ses joies et ses illusions. « Tu n'es pas dans ton état normal, Scarlett. » Elle n'en avait certainement pas conscience, mais lui le savait. Parce qu'il n'avait pas à faire à la jeune femme qui lui avait cousu un sherwani, quelques semaines plus tôt. A celle qu'il commençait à cerner, tout doucement. Cette Scarlett-là n'était qu'une ombre qu'il aimerait rattacher à son corps. « Et je ne pense pas que tu te sentiras mieux si tu choisissais de partir. » Se débarrassant lui-même des affaires qu'il avait dérobé entre des bras de la rousse, il laissa ses mains serrer les siennes, doucement, tandis qu'une idée lui traversa l'esprit. « Tu … tu ne veux pas prendre une douche ? » Il l'interrogea, conscient que ça pourrait sembler improbable de l'inciter à se doucher dans un moment pareil, mais néanmoins persuadé que ça pourrait être une solution, ou que ça n'empirerait rien dans le pire des cas. « Je pense que ça te calmerait. » Peut être pas miraculeusement, au point qu'elle se sente subitement beaucoup mieux. Mais peut être parviendrait-elle à faire le vide, à se concentrer sur le moment présent, et qu'elle se souviendrait de tout. Ils obtiendraient les mêmes résultats avec une séance de méditation, mais Scarlett n'était pas en état d'en supporter une, tout comme lui-même se faisait trop de souci pour arriver à quoi que ce soit.

Elle à un de ces moment où elle sort d'un rêve qui lui semblait tellement réel, qu'elle en oublie ce qui est vraiment réel. Elle s'identifie à celle qu'elle est dans ce rêve, cette blonde, cette fumeuse compulsive à la collection de gants. Qu'est ce qui est réel ? Certainement pas ce qu'elle voit à travers le miroir, cette poupée rousse aux tâches de rousseurs innombrable. Elle sait pas à qui appartient ce visage, ces yeux qui semble se regarder sans se reconnaître. La nuit l'a avalée toute crue, elle ne sait pas qui elle est. Elle ne sait jamais vraiment qui elle est, mais son imagination bien de trop fertile lui joue des tours. Parce que la réalité, elle sait plus laquelle c'est. Elle n'a pas perdu la mémoire, c'est juste qu'elle n'arrive pas à savoir si elle est elle, plutôt qu'elle. Et à faire un choix elle tendrait plus sur la vie d'aventurière de cette blonde d'un autre temps. Naveen est là, elle le reconnaît sans le reconnaître. Parce que ce n'est pas logique qu'il soit là, elle ne le connaît pas, c'est l'autre qui le connaît. A croire que sa sœur lui a transmit sa propension à se dédoubler le caractère. Si seulement c'était si simple, mais Jade n'était même pas encore en âge de parler que Scarlett avait des doutes sur qui elle était. Que Scarlett cherchait des objets qu'elle n'a jamais eut. Il veut la renvoyer dans sa chambre, mais si elle se situe ici, dans ce lieu si étrange ce n'est certainement pas sa chambre. Alors non, elle ne veut pas. Elle ne veut surtout pas y aller. Il semble insister, mais non, elle restera ici. Avec ou sans lui. Déterminée à rester dans cette situation tant que les choses ne sont pas si claire. Elle a besoin de quelqu'un qui fasse le ménage entre ce qui est réel et ce qui ne l'ait pas. Naveen peut être cette personne, ils se connaissent. Elle se reconnaît dans ses yeux, elle ne croit pas l'avoir vu la regarder de cette façon avant, mais son regard bienveillant la façon dont il s'occupe d'elle, s'inquiète. C'est quelque chose qu'elle comprend et qui lui semble familier. Alors elle s'accroche à sa. Elle a l'impression de sombrer en tentant tout ce qu'elle peut pour rester à la surface. Elle épuisée, le mal de crâne commence à se ressentir alors qu'elle est encore et toujours bloquée dans un monde qui n'est pas sien, mais qui pourtant lui semble plus réel que la réalité. C'est justement le problème, quand le fantasme vous plaît plus que ce que vous avez autour de vous, elle en perdra la tête un jour. Il veut des explications, mais elle en a besoin bien plus que lui. Parce qu'il semble savoir, parce qu'il s'interroge alors il va lui raconter la vérité. Il hésite, ne comprend pas, se demande ce qui ne va pas. Mais finalement il commence à lui raconter qu'elle est dans une émission. Oui Fake Lover, elle connaît. Ils sont en Irlande. « Il fait toujours froid. » Elle commente, pour elle. Il dit qu'elle s'en sort bien, mais c'est un mensonge. Elle ne s'en sort pas bien. Ça place n'est pas ici. L'urgence dans les mouvements elle se hâte de rassembler des affaires qui lui appartiennent pas. Parce qu'elle doit partir, vite. Scarlett, qu'il l'appelle encore. Elle a presque envie de le corriger mais c'est lui qui a raison. L'emprunte de ses mains sur ses épaules nues la rassure, elle sait qu'elle peut avoir confiance en lui, étrangement. « Oui ? »  Elle écoute, mais ne pose pas ce qu'elle a dans les mains. L'air perdu, absente, malade elle s'accroche à ce qu'il dit. Oui Naveen, sort moi de là. Il lui dit qu'il a eut envie de partir la semaine dernière. Vraiment ? Elle n'en savait rien. « C'est à cause de Lino ? »  Elle lui demande alors que tout le décors semble reprendre sa place dans son esprit. Le nid, l'Irlande, Jade. Elle se laisse bercer par sa voix. Bien sûr, elle ne peut pas partir, il y a Jade, il y a Khadi, il y a tout le monde. C'était stupide de vouloir partir. Son rêve commence à s'éloigner. Elle se laisse dérober des affaires qu'elle allait emporter, les mains de Naveen viennent s'accrocher aux siennes. Elle respire un grand coup, laisse un sanglot s'échapper. Elle est trop faible psychologiquement pour supporter tout ça. Ces rêves, ces images et visions vont finir par la détruire. Il lui propose d'aller prendre une douche. Peut être que c'est une bonne idée. Elle hoche la tête à la positive et prend la direction de la douche, d'un pas approximatif. Son fantôme s'infiltre dans la cabine de douche, sans se défaire de sa nuisette. Elle fait couler l'eau chaude, sans vérifier la température. C'est trop chaud, mais elle laisse faire, elle laisse sa peau rougir au contacte de l'eau. Elle laisse la chaleur l'étouffer. Elle supporte plus de se réveiller de cette façon, de pas savoir dans quel corps elle se trouve. C'est épuisant, mais y a rien à faire. Elle a fait quelques thérapies, mais après quelque recherches de son coté elle s'est rendu compte qu'elle n'était pas folle, même si ça peut porter à confusion. Elle prend plusieurs grandes inspirations, respire fort, pleure fort. « Naveen ? » Il est toujours là ? Son coeur sort de poitrine, elle ne l'entendu plus, et la buée sur les parois l'empêche de le voir, sans compter sur cette vapeur qui s'échappe de la douche bien de trop chaude.

Cette vision d'une Scarlett agitée, livrée à elle-même, semblant tourmentée par des êtres invisibles qui venaient appuyer tout contre son cœur et lui ôter ses repères, c'était une vision que l'indien n'aurait jamais pensé connaître, et qui ne pouvait pas le laisser indifférent. Parce que la détresse qui était la sienne lui rappelait un épisode pas très réjouissant de son aventure, c'est vrai, mais aussi et surtout parce que voir en quelqu'un une peine aussi lourde rongeait son propre cœur, capable d'une empathie démesurée. Si souvent il avait consolé ses sœurs, ou même sa mère, et s'était retrouvé à supporter une affliction plus grande encore que la leur, simplement parce que voir des larmes couler sur le visage d'un être cher lui avait toujours été insupportable. L'accablement des autres devenait toujours le sien, parce qu'il était une véritable éponge à émotions, qui s'emplissait des énergies qui accablaient ceux qui l'entourent, et faisait de lui une âme hypersensible facilement tourmentée. Ici, l'état de Scarlett le laissait aussi impuissant que bouleversé, parce qu'il voyait qu'elle n'était pas dans son état habituel, et qu'il se posait mille et une questions quant aux raisons qui pouvaient l'avoir mise dans cet état-là, et sur la façon dont il pourrait l'en sortir. En avait-il seulement les moyens ? Etait-il le mieux placé pour ça ? Peut être pas, mais il voulait l'aider, et c'était peut être suffisant dans le fond. S'étant alors approché d'elle, l'indien lui avait d'abord intimé de le regarder, avec l'espoir peut être qu'elle lirait dans ses yeux quoi que ce soit de rassurant. Ce fut peut être le cas l'espace d'une demi-seconde, mais il comprit bien vite qu'il faudrait plus que ça pour que Scarlett soit dépourvue de ses tourments. Alors il lui avait ensuite proposé de l'aider à regagner sa chambre, mais s'était cette fois heurté à un refus. Loin de se décourager, pourtant, il avait fini par lui demander des explications, car c'était sans doute ce qui aurait le plus de chances de lui permettre de comprendre la situation, et donc de l'aider. Seulement, c'est lui qui se retrouva bientôt à entamer un récit des plus étonnants, mais qu'il livra de bon cœur, parce qu'il croyait voir l'importance qu'il aurait aux yeux de la rousse. Elle semblait avoir besoin qu'il resitue certaines choses dans leur contexte, ainsi il évoqua l'aventure, son aventure, et tenta de la raccrocher au moment présent, à ce qu'elle vivait ici. Et bientôt, les mots de Scarlett lui valurent d'esquisser un sourire tendre. « C'est vrai, surtout ces jours-ci. » Et ce n'était pas lui, qui à cette période de l'année profitait encore généralement d'une vingtaine de degrés, qui irait la contredire sur le froid qu'il pouvait faire dans un endroit comme celui-ci. Mais tandis qu'il crut lire en ses paroles une mince amélioration, c'est bientôt un Naveen des plus perdus qui assista impuissant à sa volonté d'interrompre son aventure, ici, maintenant. Incapable de la laisser faire ou ne serait-ce que penser que sa place était ailleurs que dans ce jeu, il tenta alors de la calmer, cette fois en confiant que lui-même, quelques jours plus tôt, avait songé à partir. Car lui aussi s'était retrouvé dans un état particulier, profondément déconnecté d'une réalité qu'il ne supportait plus, et avait bien failli laisser sa peine décider à sa place. « Non, ce n'est pas … ce n'est pas à cause de son départ. » Ses lèvres soufflèrent suite à sa question, d'un ton teinté d'une tristesse qu'il ne cherchait plus vraiment à dissimuler. « Je sais qu'il n'aurait pas voulu que je me morfonde. » Le départ de Lino l'avait ébranlé, et sans doute n'avait-il pas aidé à ce qu'il passe une meilleure semaine. Mais c'était bien autre chose qui avait eu raison de son optimisme. Bien autre chose, parce qu'alors qu'il savait qu'il reverrait Lino dans un futur proche, les illusions qui l'avaient quitté ce soir-là ne reviendraient jamais, elles. Serrant ses mains dans les siennes, l'indien hésita à soumettre une idée sans doute improbable, mais qui peut être saurait l'aider. Ainsi finit-il par lui proposer de prendre une douche, apaisante, relaxante, qui sans doute aurait des effets salvateurs sur son état. Scarlett ne se fit pas prier et il eut à peine le temps de réagir qu'il la vit déjà entrer dans la cabine, vêtue d'une nuisette dont il avait volontairement fait abstraction jusqu'ici. Il s'approcha quant à lui également, mais sans trop savoir jusqu'où il devait jouer son rôle, ce matin. Est-ce qu'on ne se méprendrait pas s'il la rejoignait ? Est-ce qu'il passerait pour un ami indigne s'il ne le faisait pas ? Finalement, c'est la voix de la jeune femme qui le tira de ses réflexions. « Je suis là, je ... » Il souffla, de l'autre coté de la vitre qui les séparait jusqu'à alors, avant de décider d'être là, pour elle, en dépit de ce que ce moment pourrait inspirer à certains. « Attends-moi, je viens te rejoindre. » Il se déchaussa alors, mais garda ses vêtements. Ce n'était pas sa douche, c'était celle de Scarlett. Et quitte à se retrouver tous les deux sous le jet d'eau, autant qu'il ne se sente pas embarrassé, car ça le détournerait de ses réelles préoccupations. La rejoignant alors, il remarqua la buée qui l'entourait et les rougeurs sur sa peau, ce qui l'amena à passer sa main sous le jet d'eau, puis à grimacer. « L'eau est brûlante, Scarlett. » Il s'empressa alors de régler la température de façon à ce que coule bientôt une eau tiède, agréable, qui ne viendrait plus l'étouffer. « C'est mieux là, non ? » Son sourire réapparut alors qu'il ne s'attendait pas nécessairement à une réponse. Reposant ses yeux sur son visage, il sentit son cœur s'écraser à nouveau au fond de sa poitrine en y voyant couler de nouvelles larmes. Passant alors ses bras tout autour d'elle, tendrement, il vint l'étreindre avec une douceur qu'il aurait pu réserver à ses sœurs, s'il avait du les consoler. Une main contre son dos, l'autre à l'arrière de son crâne, il souffla bientôt. « Tout va bien, tu n'es pas toute seule. » Elle l'était peut être autant que lui la semaine dernière, dans son cœur, mais il était là et il ne comptait pas la laisser, c'est certain. Se reculant doucement, après quelques secondes, il releva les yeux vers le jet d'eau puis se pinça les lèvres, hésitant. « Laisse-toi faire, d'accord ? » Ses mains vinrent alors se poser de part et d'autre du haut du crâne de la jeune femme, tandis qu'il l'incita à incliner sa tête en arrière, délicatement, jusqu'à ce que l'eau puisse se déverser aussi bien le long de sa chevelure qu'au début de son front. « Ferme les yeux et pense à quelque chose d'agréable. Quelque chose qui … qui te rassure, généralement, dans ces moments-là. » Parce qu'il sentait, bien sûr, qu'elle n'était pas sujette à ce genre de choses pour la première fois. Il ne saurait pas l'expliquer, mais il en était sûr. Alors peut être y avait-il une image qui en temps normal savait l'aider à reprendre le contrôle de son esprit. Et si ça n'était pas le cas, peut être pourrait-il l'aider à la trouver.