Elle était sereine, Mylah. Elle l’était jusqu’aux alentours de quinze heures. Son esprit avait enfin daigné la laisser tranquille une petite heure, ce qui est relativement rare. Elle a pu vadrouiller dans les couleurs, dans les divers lieux, sans être obnubilée par le nombre de dalles au plafond, par le manque de symétrie des objets ou encore par le nombre impairs des poissons de l’aquarium. C’était plutôt un bel après-midi. Elle avait passé le début de celui-ci en compagnie d’Allen dans le jardin exotique, après s’être assurée de ne jamais marcher sur deux dalles qui se touchent dans l’allée, profitant des diverses sortes de plantes et de la conversation plutôt agréable du brun. Et puis, leur chemin avait fini par se séparer, et Mylah avait pris le chemin du dressing pour mettre en ordre celui-ci, du moins son placard. L’envie de s’occuper de ceux des autres est grande, très grande, mais elle essaie de résister, sachant pertinemment qu’il ne s’agit pas de ses affaires. Mais nul doute qu’elle craquera tôt ou tard, pour avoir visionné les précédentes saisons, elle sait que l’ordre ne dure jamais longtemps, elle s’y est déjà préparée psychologiquement. Une fois son rangement fini – fini très vite puisqu’elle l’avait déjà fait à huit heures et demie puis à onze heures et demie – elle se déplace dans les couloirs sans réel but. Ça l’angoisse, d’ailleurs, de ne pas avoir de but. Elle qui est toujours occupée, qui est toujours importante pour les autres, qui suit un horaire régulier. Elle est perdue, dépourvue de repères. Et puis, elle repense à la salle zen, c’est bien un endroit qui peut la calmer. Elle se dirige en direction de celle-ci, et quand elle ouvre la porte à la volée, se dirige immédiatement vers la console servant à changer le décor pour y trouver celui qui lui convient. Elle appuie sur le bouton. Plage paradisiaque. Pas assez calme pour elle. Elle appuie à nouveau, cette fois-ci c’est un désert qui s’affiche face à elle. Pas relaxant, pas relaxant du tout. Elle appuie encore, c’est une banquise cette fois. Elle en frisonne déjà, puis appuie sur le bouton. Elle ne laisse les décors que l’espace de deux ou trois secondes, pour les zapper aussitôt identifié. Elle soupire, lasse, se tournant finalement et prenant enfin connaissance de la silhouette déjà présente. Elle en sursauterait presque. S’est-elle endormie ? Ou peut-être qu’elle s’est plainte, mais Mylah, trop occupée à l’idée de trouver le décor relaxant par excellence, n’a pas entendu ses complaintes. « Bonjour. » Elle balance, d’un ton qui ne se veut pas froid, mais qui est précipité, puisqu’elle n’a pas le temps de se lancer dans un bavardage, faut qu’elle trouve son décor à elle. Mais elle ne va pas pouvoir, plus maintenant. « Désolée. » Elle souffle tout de même, question de politesse. Désolée, parce qu’elle a débarqué comme une furie et s’est appropriée la pièce sans se soucier du reste. Pas que ça la dérange de faire comme chez elle, mais parce qu’elle sait que ça peut paraitre désagréable pour autrui, on le lui répète assez souvent. « Une salle zen, qu’ils disent, et il n’y a même pas la reproduction d’un quartier d’affaires. » Elle soupire, plus pour elle-même que pour celle qu’elle croit avoir identifié comme étant Simone. Oui, c’est ça la vue idéale pour elle. Un quartier d’affaires, un bureau, des dossiers, c’est ce qu’elle connait de mieux.

Même s’il s’agit d’une décision volontaire de sa part d’être dans cette émission – bien qu’elle ne se soit pas inscrite elle-même – on ne peut pas dire qu’elle soit la personne la plus ravie d’être coincée ici. Pas parce qu’elle n’aime pas l’idée d’être enfermée – puisqu’on ne peut pas dire que ce soit cette impression qui prédomine – mais simplement parce qu’elle ne peut pas vivre comme elle le veut. Si elle avait ses dossiers à portée de mains, les choses seraient différentes, or, la notion de travail n’existe pas dans cet environnement. Elle a eu ses raisons de prendre ce risque et de s’enfermer ici, pour autant, elle ne pensait pas que l’adaptation serait aussi difficile. Son esprit s’agite, se concentre sur des détails insignifiants, ce qui la fatigue, et elle panique pour le moindre retard sur son plan habituel ou pour la moindre chose qui ne se passe pas comme prévu. Pas que cela change beaucoup de l’extérieur, mais les sensations sont décuplées, ici. Alors la salle zen lui apparait comme le meilleur endroit où se cacher, dans l’immédiat, même si elle sait pertinemment qu’elle est loin de se détendre en un claquement de doigts. Oh, elle aime fréquenter les spas et autres instituts, mais ça ne la relaxe jamais totalement. Elle entre en précipitation dans la pièce, change les décors en un instant, ils défilent sous ses yeux, mais aucun ne trouve grâce à ceux-ci. Et finalement, elle remarque enfin la présence d’une autre personne dans cette pièce. Elle lui sort les salutations d’usages, ainsi qu’un mot d’excuse pour s’être introduite dans sa bulle, mais la candidate ne semble pas lui en tenir rigueur, sans quoi elle n’aurait pas rebondit sur sa phrase, mais l’aurait plutôt incendiée. « Oui. Ça me détend. » Elle explique simplement, d’une voix neutre. Certains associent la détente à une plage paradisiaque, pour elle, c’est son bureau. Ceci dit, ce n’est pas aujourd’hui que Mylah sera plus calme, puisqu’elle ne trouve pas ce qu’elle recherche dans cette pièce. Simone a cependant une solution pour l’aider. « L’improviser ? » De base, elle n’aime pas l’improvisation, mais dans ce cas précis, elle ne voit vraiment pas comment Simone pourrait lui donner l’impression qu’elle se trouve dans un quartier d’affaires alors que ce décor n’est visiblement pas dans les paramètres. Ça n’existe pas, tout simplement, et même toute la bonne volonté du monde ne pourra pas aider son imagination à visualiser les choses telles qu’elles lui conviennent. C’est muette qu’elle obéit aux ordres de Simone, puisque la curiosité l’emporte. Elle s’asseye près de la jeune femme et ferme les yeux. Tente de se détendre comme le veut la demoiselle. Mais elle abdique rapidement, au bout d’une ou deux minutes, la patience n’étant pas son fort et surtout, elle se sait incapable d’être pleinement détendue. Bien même si la crispation abime son joli visage. « Je n’y arrive pas. » Elle déclare, résignée, en rouvrant les yeux. Elle n’a pas vraiment essayé, à vrai dire. « Comment je dois faire ? Qu’est-ce que tu vas me faire ? » Elle demande, un peu paniquée. Il faut dire que Simone lui parle un peu en chinois, puisque Mylah n’est pas réputée pour sa capacité à se détendre, ni pour sa capacité à se lancer dans l’inconnu. Autant dire que Simone aurait pu tout autant s’adresser à un mur. Mylah ne sait pas comment se détendre, raison pour laquelle elle demande de l’aide à la blonde. Et surtout, elle veut savoir ce qu’elle a prévu, puisque visiblement elle a prévu quelque chose. Pendue aux lèvres de la blonde en attendant sa réponse, Mylah tente de réguler les battements de son cœur qui s’emballe. Il faut qu’elle sache ce qu’il va se passer. Maintenant.