Je me laisse rarement aller, mais je reste une humaine avec ses faiblesses. Une forte envie de sucre me prend toute la matinée. Je ne cède pas à mes pulsions pour le petit-déjeuner, me contentant de fruit et de laitage, mais l’heure du déjeuner approche et mon envie de sucre ne faiblit pas. Je quitte donc le palais en traversant la pergola, marchant d’un pas léger jusqu’au deux camionnettes qui sont garés au bout de la terrasse. Je constate que sur le deuxième se tient une étagère avec des insectes dessus. Je suis écœurée, malgré que mon visage ne montre pas la moindre émotion. C’est pour cette raison que je me dirige instinctivement vers l’autre camionnette. L’intérieur n’est pas très élégant, mais on a le plus important. Je remarque rapidement les machines à faire des barbes à papa, une autre pour faire des glaces. Il y a d’ailleurs un choix très varié pour décorer sa glace comme on le souhaite. Il y a aussi bien sûr les boissons alcoolisées ou non, mais ce qui m’intéresse tout de suite, c’est cette machine à glace. Je cherche un peu dans toutes étagères après une coupe, je finis par trouver un grand verre qui doit certainement servir pour la bière. Haussant les épaules, je me dis qu’après tout, ça peut très bien servi de coupe et que j’aurais l’occasion d’en mettre beaucoup plus dedans. Je tire sur le levier, plaçant mon verre en dessous pour faire couler de la glace à la vanille, puis sur un autre levier qui propose là de la glace au caramel. A ça, je viens rajouter une cuillère cookie en morceau, du coulis de caramel beurre salé et beaucoup de chantilly. Je crois que je fais une véritable entorse à mes principes qui veulent que je n’abuse pas des bonnes choses. Tandis que je recherche une cuillère pour déguster ma glace qui déborde du verre, j’entends quelqu’un qui s’approche. Je soupire, ne pouvant jamais être seule quand je trouve un moment agréable. Lorsque le candidat rentre enfin dans mon champ de vision, je constate qu’il s’agit de @César. La seule raison pour laquelle j’ai retenu son prénom alors que je ne lui ai jamais vraiment parlé en tête à tête, c’est qu’il se démarque des autres candidats par son handicap. En effet, ce dernier est aveugle. Je ne sais même pas comment il arrive à se déplacer jusqu’ici sans s’être pris les nombreux obstacles qui se trouvent entre le palais et les camionnettes. Je soupire, exagérément, puisqu’il ne peut pas voir sur mon visage que sa présence m’agace. « Dire que j’ai réussi à t’éviter pendant une semaine pour éviter de devoir être serviable avec toi à cause de … » Je cherche un propos approprié pour décrire sa cécité. « A cause de ta grande clairvoyance. » Je continue de le fixer sans aucune gêne, puisque de toute façon il ne me voit pas, ce n’est donc pas malpoli. « Bon, qu’est-ce qui te ferait plaisir ? » J’abandonne ma coupe un instant pour me montrer un peu moins peau de vache avec lui.

Rien de plus pénible que d’être interrompu par un candidat, qui en plus n’a pas l’usage de tout ses sens. En gros, je sens que je vais devoir m’occuper de lui malgré moi, comme d’un bébé qui n’est pas le nôtre. Je lui fais vite comprendre que sa présence dans la camionnette n’est pas pour me ravir, en soupirant exagérant fort, puis en lui disant le fond de ma pensée sans prendre de pincette comme à mon habitude. Contrairement à lui, j’ai le pouvoir de déchiffrer chacune de ses expressions faciales, mais ma petite pique n’a pas l’air de trop le chiffonner. Tant mieux, s’il avait fallu rajouter la susceptibilité à son cv, j’aurais vite mis fin à cette entrevue. Le voilà même qu’il s’excuse de manière ironique de m’avoir obligé à mettre tant d’effort à l’éviter le plus possible. Je ne relève pas, me contentant de mettre dans ma bouche le peu de chantilly que j’avais sur le doigt. Il continue de parler en me disant que personne n’est obligé de le servir, qu’il sait se débrouiller seul la plupart du temps. Je ne peux m’empêcher d’avoir un petit ricanement à son encontre. « Ce n’est pas ce qui a été dit lors du prime. » Je fais bien sûr référence aux nombres de fois où il a eu besoin des autres candidats pour éviter un accident. « C’est honorable de ta part de penser que le fait que tu sois aveugle ne t’empêches pas de faire la chose par toi-même, mais on sait très bien tous les deux que tu restes limité que tu le veuilles ou non. » Je finis par me montrer beaucoup plus ‘’gentille’’ en lui proposant de le servir, bien que ce soit surtout pour éviter d’avoir à regarder un spectacle lamentable d’un mec essayant de prouver qu’il peut faire la même chose que les personnes valides. Sa réponse me tire de nouveau un petit rictus. « Très bien, je te fais ça. On pourra considérer ça comme ma bonne action du jour. » Je me tourne à la recherche d’une nouvelle coupe, sauf que lorsqu’il me demande si j’ai un problème avec les handicapés et s’ils me mettent mal à l’aise, j’ai un geste un peu trop brusque qui renverse un verre qui explose sur le sol. Je tourne ma tête vers @César comme pour m’assurer qu’il n’a pas pu voir le trouble qu’à provoquer chez moi sa question, heureusement, il a bel et bien l’air aveugle. « C’est beaucoup trop étroit ici. Passe-moi le bal… Oh, laisse tomber. » Je m’élance vers lui, attrapant de quoi nettoyer les dégâts que j’ai causé. En quelques secondes, plus rien ne laisserait croire que j’ai été maladroite si ce n’est le verre manquant sur l’étagère ; je retourne m’occuper de sa coupe de glace, essayant de reprendre mon assurance, mais ma voix tremble, cette traite. « Je n’ai rien contre les personnes handicapées. J’essaye juste de les traiter de la même manière que je le fais avec tout le monde, c’est ça que vous voulez, non ? Être traité comme une personne normale. » Alors que je glisse la troisième boule de glace, je m’arrête pour le fixer de nouveau, décontenancée. « Tu es aveugle depuis la naissance ou … Tu as perdu la vue ? » Mon ton est beaucoup plus adouci, bien que j’essaye de ne pas lui faire montrer.