Présente dans la salle de bains, la jeune femme ne cessait d'entendre une voix qui l'attirait vers la piscine du Nid d'Amour. Shannon devait y résister et ne pas céder à la tentation. Mais quand on a conscience qu'on vit à l'intérieur d'une maison qui possède une piscine et qu'on tente, par tous les moyens, de ne pas y profiter un maximum, l'avis est vite changeante. Alors qu'elle faisait un chignon à ses cheveux, devenus, légèrement courts, sa tenue se changeait en maillot de bains, avec, à son tour de taille, un léger paréo. Car, oui, elle ne voulait, aucunement, que les téléspectateurs et les candidats se rincent l'oeil. Ainsi, elle descendit les escaliers et prit la direction de la piscine intérieure. Elle y découvrit le jeune homme, Quinn. Sourire sur les lèvres, elle se dirigeait vers ce dernier, s'installant au bord de la piscine. Ses pieds touchaient l'eau et fit de légers battements comme pour attirer son attention. « Hého du bateau. Tu m'as l'air d'être ailleurs... »

ft quinn.

Depuis une petite dizaine de minutes, Quinn était allongé sur le dos en travers d'un transat. Encore mouillé de son précédent plongeon, il avait le regard tourné vers le mur du fond, concentré sur quelque chose d'invisible. Un main posée sur son ventre, ses doigts trituraient de façon machinale le cordon de son maillot, lorsqu'une voix se fit entendre. Il tourna vivement la tête vers la source du bruit, et afficha un sourire en voyant Shannon. « J'étais en train d'envoyer un message intergalactique aux envahisseurs martiens pour leur dire que la voie vers les États-Unis était libre. » Il se redressa et appuya ses coudes sur ses genoux. Était-ce si visible que ça, qu'il réfléchissait ? Durant une seconde, ses yeux brillèrent, signe qu'il était sur le point de faire de l'esprit, mais finalement, il s'abstint. « D'autre part, le goût de la nouveauté est non moins instinctif. L'homme se lasse à posséder le même bien. On ne jouit du bonheur, comme de la santé, que par contraste. Et l'amour aussi est dans l'intermittence de lui-même » cita-t-il. Il ignorait si Bruges-la-Morte avait été traduit en anglais, tout comme il ignorait si Shannon connaissait ce roman, tout comme il ignorait si quelqu'un ici était au courant qu'il parlait le français. Mais peu importe.

Tout le monde aurait pu constater que le jeune homme était dans ses pensées, réfléchissant à quelque chose que même Shannon ignorait. Elle n'était pas médium et ne possédait pas le don de prémonition ou même de télépathie. Les jambes de la belle se trouvèrent dans l'eau tandis que la jeune femme avait son regard posé sur le jeune homme, attendant une réponse de sa part. Un sourire amusé s'était étiré sur ses lèvres. Il avait une bien bonne imagination et il n'arrêtait pas de l'étonner. « Tu m'impressionnes. Dis-moi tout, serais-tu un sorcier? ou bien un membre mutant faisant parti de la troupe des X-Men dominé par le professeur Charles Xavier? Ou est-ce simplement un personnage que tu représentes? » Elle aimait bien sortir des phrases qui pourraient entrer en compte de ce que disait le jeune homme. Par contre, la suite la laissait perplexe. Elle tentait, par tout les moyens, de comprendre ce qu'il disait mais on aurait dit qu'il lui parlait en chinois. Elle sortit ses pieds de l'eau, prit une serviette et la tendit à Quinn pour qu'il se réchauffe un peu tandis qu'elle s'installait sur le transat à ses cotés. « Je suis médecin, je connais des termes scientifiques mais cette philosophie... Quel en est l'auteur? » Elle était bien curieuse....

Le rire de Quinn résonna dans la pièce. Un sorcier ? Un mutant ? X-men ? Était-il si extraordinaire ? Un personnage qu'il jouait ? Encore moins. « Je suis moi. » Il se tut un instant. Il aurait put s'arrêter là, être sérieux, mais un air atrocement prétentieux s'afficha sur ses traits. « Mais tu peux m'appeler Dieu, je ne me vexerai pas. » Il est tordant, ce Quinn. En souriant, il accepta de bonne grâce la serviette que lui tendait Shannon, tandis qu'elle s'asseyait à côté de lui. Il n'avait pas vraiment froid, mais ça viendrait sûrement. Il s'essuya le visage et frictionna ses cheveux, alors qu'elle affichait un air perplexe. Bon, à vrai dire, ça ne l'étonnait pas tant que la jeune femme ne connaisse pas cet ouvrage. « C'est Bruges-La-Morte, de Georges Rodenbach. Un roman belge, perle du symbolisme. » Il l'avait lu il y avait des années, il devait avoir seize ou dix-sept ans. Que sa mère puisse avoir des bouquins en français dans sa bibliothèque ne l'avait pas surprit, elle avait toujours été doué pour parler dans tout un tas de langues étrangères. C'est elle qui lui avait apprit le français, et permit de déguster ce roman. « Un homme, suite au décès de sa bien-aimée, se réfugie à Bruges car à ses yeux, la ville est l'image même de la morte. Sa douleur est infinie, sa vie n'a plus aucune couleur. Puis, un jour, il rencontre une jeune actrice qui, physiquement, ressemble à s'y méprendre à sa femme défunte. » Le jeune anglais n'alla pas plus loin, désireux de ne pas révéler toute l'histoire. Qui sait, peut-être que Shannon aurait envie de lire le livre. « Et cet extrait résume assez bien mon humeur. » L'une de ses mains enfoncée dans sa chevelure, il commença machinalement à enrouler des mèches de ses cheveux autour de ses doigts.

« Mon Seigneur. Vous êtes si modeste. Je vous servirai comme il se doit. » Disait-elle en levant un peu le ton sous un air prétentieux qui n'était pas du tout son genre. Elle rabaissait ses bras et haussait les épaules. « Oh ça ne me va pas. Aucunement. » Donc, tout ce qu'il avait cité concernait un écrivain belge. La Belgique... Elle ne connaissait pas tellement ce pays. En ayant regardé plusieurs fois la carte du monde, elle mettait plusieurs minutes à trouver ce petit pays. Tout ce dont elle savait prononcé en français était : bonjour, au revoir, merci et comment ça va. Sans oublier les incontournables "oui" et "non". C'est le baba de la langue française. « Je ne connaissais pas. Ma culture s'enrichit. » Le mini synopsis qu'il était en train de citer lui faisait chaud au coeur. Cet homme souffrait de la mort de sa femme et se réfugie dans une ville de Belgique. La jeune femme semblait intéresser à en savoir davantage. « Je crois que ce sera le premier ouvrage que je lirai à ma sortie. » La suite la laissait perplexe. Cet extrait résumait son humeur. Qu'est ce qui se cache là-dessous? « Tu peux me raconter. Qu'est ce qui se passe Quinn? »

Riant aux paroles de sa compagne, Quinn se mit à penser à Hugues Viane, ce quadragénaire qui avait perdu sa femme, et qui se laissait dépérir sans même se battre. Il comprenait son chagrin, il comprenait son abattement, mais il ne comprenait pas son rejet total de la vie. Gâcher sa propre vie par amour, quelle drôle d'idée. Pourtant, ça ne l'avait pas empêché d'ordonner à sa mère de l'emmener à Bruges l'été suivant. « Si les enfants se mettent à apprendre aux parents, mais où va le monde ? » rit-il, bien que sa propre pensée allait à l'encontre de ses paroles. Non, à vrai dire, il était intimement - pas si intimement que ça, en fait, il l'avait apprit à ses dépends - persuadé que tout le monde avait à apprendre de tout le monde, quel que soit l'âge, le sexe, ou quoi que ce soit. Celui qui croit savoir n'apprend plus, disait-on. Silencieux, il faillit décider de ne pas répondre à Shannon. Il n'allait pas vraiment mal, de toute façon. « Rien de grave. Je m'ennuie un peu, c'est tout. » Il eut l'air songeur quelques instants, incapable de mettre des mots sur ce qu'il ressentait pour presque la première fois de sa vie. Les quatre murs du nid lui donnaient envie de vomir, il se lassait de l'autorité de Cupidon, mais surtout... « Puis je t'avoue que mon secret commence à me peser. » Oui, c'était surtout ça. Après, ça irait beaucoup mieux.

Si nous mettons de coté le fait qu'il s'ennuyait, qu'il citait des extraits d'auteurs belges ou quoique ce soit d'autres, il y avait bien quelque chose qui intriguait le jeune homme. Toutes les fois où elle avait pu avoir une discussion avec ce dernier, elle commençait par le connaître, à percer là où il n'allait pas bien. Maintenant que Shannon allait mieux que la semaine passée, elle était prête à l'aider. En réalité, elle apporte son aide à toutes les personnes qui ont des problèmes au sein de cette maison. Quinn n'allait pas échapper à la règle, surtout pas lui. Elle se rapprochait un peu plus de ce dernier, penchant légèrement la tête sur le coté, posant un regard serein, l'oreille attentive. « D'abord, pour ton ennuie, nous pouvons y trouver quelque chose. Quand on y réfléchit, il y a plusieurs choses à faire ici. Le ménage, faire des activités artistiques même si nous ne possédons pas de dons. A deux, nous trouverons bien quelque chose pour que tu t'amuses un temps soit peu. » Déjà, ce fut une bonne chose de fait. Le plus intriguant concernait la suite de ce qu'il prononçait : sa main se posait doucement sur son genou. « Si je pouvais trouver ton secret, avoir une mince idée, je te buzzerai et je te soulagerai de ce poids mais je t'avoue que je l'ignore jusqu'à ce que tu m'apprennes que ton secret est lourd à porter. Je ne sais pas ce que je peux faire pour soulager ton fardeau, mais je suis là. Tu peux me faire confiance. »

Blague sur les mamans mises à part, la compagnie de Shannon était vraiment relaxante. Certes, la conversation tournait beaucoup autour de Quinn, mais bon, il finirait par s'y habituer. La jeune femme lui semblait... vraie. Pas d'artifice, pas d'humour débile derrière lequel se cacher, une boule de générosité à l'état pur. Avec elle, il pouvait parler librement, il n'avait pas besoin d'être Quinn le fou du roi, et même si c'était indiscutablement ce qu'il était, il y avait des moments où il avait l'impression que ce rôle -bien que totalement naturel et spontané, qui lui convenait tout à fait - l'empêchait de souffler. « Il n'est pas vraiment lourd à porter, plutôt difficile à cacher. Ou plutôt, j'en ai marre de le cacher. » Il secoua légèrement la tête en poussant un soupire inaudible. « Mais merci. Tu sais que tu peux me faire confiance aussi. » Il lui adressa un sourire sincère, désireux qu'elle sache que malgré les six ans de plus qu'elle avait, malgré son caractère parfois pas vraiment compatible aux confidences, elle pouvait lui parler de ce qu'il voulait. Après tout, n'était-ce pas ce que lui faisait depuis le début ? « T'inquiète pas, d'ici demain, ça ira beaucoup mieux. Juste un petit coup de mou. J'ai pas l'habitude de rester enfermé six semaines dans une maison avec les mêmes personnes H24. » Son regard balaya la pièce. Légèrement mal-à-l'aise, peu enclin à parler autant de lui et de ses pensées, il ne put s'empêcher de poursuivre. « Mais je suis pas contre une activité artistique... J'aurais bien envie de repeindre cette baraque, un jour. Les couleurs bling bling partout, c'est très laid, non ? » plaisanta-t-il avant de rire.