w/ riley,
20SEPT. 16H39.

« I ! I will be king ! And you ! You will be queen ! Though nothing will drive them away ! We can be Heroes just for one daaaay ! We can be us just for one daaaay ! » Allongé sur un assemblage de gros coussins qui étaient disposés là pour faire joli, Keziah, son iPod sur les oreilles, chantait avec enthousiasme et d'une voix forte les paroles de Heroes. C'était l'un de ses morceaux préférés, et il se la repassait en boucle depuis trente bonne minutes. Chevilles croisées, mains sur le ventre, il bougeait légèrement en rythme, accentuant les paroles qu'il croassait, de sa belle voix de baryton. Sans raison particulière, sous l'impulsion d'une inspiration soudaine, il s'était installé près de la cascade, non loin de la villa. L'endroit était désert, ce qui était plutôt incroyable, vu la multitude de candidats qui grouillaient dans la propriété. Il était assez rare de trouver un coin pour toi tout seul, bien que la maison et le jardin soient grands. Et même si Keziah était de ceux qui avaient désespérément besoin d'être entourés, être un peu en tête à tête avec soi-même de temps en temps ne faisait jamais de mal. Bref, les yeux fermés, parti dans son délire seventies, la silhouette qui s'approchait ne lui apparut pas immédiatement.

Je marchais sur le long de la plage, cherchant un endroit où je pourrais me reposer, seule. Bon, j'aimais les gens, hein, mais toute cette activité me faisait quelque peu peur, je ne me sentais pas encore à mon aise. Être entourée d'autant de personnes ne faisait pas du tout parti de mon quotidien, bien au contraire et le choc était d'autant plus grand. C'est alors que je pensais à la cascade, lieu totalement sublime, où peu de personnes se rendaient, étonnant d'ailleurs. D'un pas tranquille, j'observai le paysage tout en m'y rendant. J'aperçus alors que quelqu'un y était déjà. Une fille "sociable" aurait pu se jeter à côté de lui et faire la conversation. Je n'étais pas comme ça. D'autant plus qu'il m'avait l'air en pleine action : il chantait à tue-tête je ne sais quoi, rendant la situation encore plus gênante. Je décidais donc de faire demi-tour. « Merde ! » Je venais juste de trébucher, me retrouvant ainsi face contre sol. J'espérais qu'il n'ai rien entendu. Je tournai alors ma tête. Il ouvrait ses yeux. Et merde.

BOUM. aaaaaaah. Keziah rouvrit aussitôt les yeux, se taisant subitement. Qui... que... quoi ? Étonné par le bruit du choc qui lui était parvenu malgré les hurlements de David et les siens par-dessus, il jeta un regard autour de lui, essaya de regarder derrière lui en penchant la tête en arrière. Difficile, dans le sens où il était déjà allongé sur le dos. Hrum. Finalement, il roula sur le ventre, arrachant ses écouteurs au passage. Il aperçut alors un tas informe explosé sur le sol. L'expression du visage qu'il découvrit finalement sous la chevelure blonde le fit éclater des yeux plusieurs des fois, abasourdi, avant de le faire éclater d'un grand rire, irrépressible. C'était un rire gentil, bien sûr, car c'était plus la situation que la chute de la fille qui était drôle. Pendant une seconde, il hésita à rester là. Elle allait bien finir par se lasser de se rouler par terre, et reprendrait sa route en solitaire. Mais finalement, essayant de reprendre le contrôle de lui-même, il sauta sur ses pieds, s'approcha prudemment de la jeune blonde, et s'accroupit à côté d'elle, les bras légèrement levés, prêt à endosser le rôle de prince charmant si c'était nécessaire. « Ça va, rien de cassé ? T'es sûre ? Sinon, tu cries ! Je suis pas médecin mais j'me suis mangé le sol des centaines de fois quand j'étais p'tit » blablata-t-il, l'air inquiet, sans faire attention aux conneries qu'il sortait, faisant craquer ses doigts, prêt à lui remettre la jambe en place. Parce que bon, si elle était mal tombée et faisait une hémorragie interne, il n'aurait pas le temps d'aller chercher quelqu'un.

Suite à ma chute, j'essayais de me relever avec l'aide si gentiment proposée de...Keziah, je crois. Oui, j'avais une rapide facilité pour retenir les prénoms des gens, ce qui était plutôt cool. Je riais. « Non, non, je crois que ça va aller ! Et gardes tes mains là où elles sont, je ne leur fait pas vraiment confiance ! » Puis, lui attrapant timidement le bras, je me retrouvais quelques secondes plus tard debout, comme si de rien n'était. Je fis un signe de la tête, désignant la pile de cousins, désirant lui faire comprendre que je voulais m'assoir. Il avait compris, nous nous étions donc assis côte à côte. « Tu es mon sauveur, je te dois une fière chandelle. Que puis-je faire pour te remercier ? Keziah, c'est bien ça ? » Le feeling passait plutôt bien pour le moment : rares étaient les hommes avec lesquels je me sentais bien. Apparemment, c'était le cas avec lui : je n'avais presque pas de gêne, j'étais moi-même.

Rapidement, Keziah constata qu'il n'aurait pas à s'improviser chirurgien. Plus de peur que de mal. Tant mieux, car il n'était pas certain qu'une quelconque intervention de sa part puisse arranger les choses - c'était même le contraire, il aurait sûrement rendu la situation encore plus désastreuse. L'entendre rire le fit sourire machinalement. Il aimait entendre les gens rire. « Elles sont propres et très bien élevées, je t'assure ! » Confirmant ses paroles, il leva précipitamment les mains dans un geste de "moi ? quoi ? j'ai rien fais" très sérieux. Trente secondes plus tard, les doigts de la blondinette crochetaient son avant-bras, et elle fut à nouveau debout en deux temps trois mouvements. Se redressant à son tour, avec un peu plus de grâce tout de même, il la suivit vers sur les coussins qu'il avait occupé avant sa magistrale gamelle, puisqu'elle semblait avoir envie de se poser dessus en sa compagnie. Tournant la tête vers elle, il l'écouta parler à nouveau. « Keziah, bonne réponse. Et si tu restes en vie jusqu'à la fin de l'émission, ce sera déjà bien. Mes efforts ne seront donc pas vains ! » Des efforts ? Quels efforts ? Et bien oui, couper en plein milieu d'un David Bowie - ce qui était déjà un crime en soi -, se lever, se déplacer jusqu'à elle. Ça faisait beaucoup ! Il lui adressa alors un grand sourire. « Mais je peux quand même être ton sauveur s'il faut, mademoiselle... comment, au fait ? » Oups. Maintenant qu'il y pensait, il devait admettre qu'il ignorait son prénom. Bah. La première semaine, c'était plus ou moins compréhensible. Il espérait juste que c'était elle qui avait une mémoire exceptionnelle, et pas lui qui était trop étourdi.