Je ne sais pas pourquoi mes pas m’avaient amené jusque-là. Je ne sais même pas pourquoi j’avais accepté de les suivre plutôt que de prendre la décision de rebrousser chemin. Il avait émis le souhait de rester à distance de moi, pendant quelque temps, de ne plus s’adresser la parole. Je savais que c’était la chose à faire, et malgré tout ça, je n’avais pu m’empêcher d’aller vers lui. J’étais triste que cette situation ait pris un tel tournant, je ne l’avais jamais souhaité, mais que faire? On ne pouvait pas revenir en arrière. Il ne nous restait plus qu’à composer avec la situation.
Il ne s’était pas encore rendu compte de ma présence, trop concentré sur son dessin, et c’était peut-être mieux ainsi. Je me tenais devant lui, et je scrutais ce sur quoi il travaillait. De ce que j’en voyais, il est doué. Vraiment. Il avait un talent certain pour le dessin et je l’enviais presque, moi qui arrivais à peine à faire un bonhomme allumette sans trop me ridiculiser. Je restais là, en silence, pendant un moment avant qu’il ne daigne lever enfin les yeux. Il avait surement senti qu’on l’observait – j’avais toujours ce pressentiment quand quelqu’un le faisait. Un léger sourire étira mes lèvres, mais je le fis disparaître aussi rapidement qu’il était apparu. « Je peux m’en aller… si je te dérange. »

Il lui fallut un bon moment avant de se rendre compte de ma présence, mais quand ce fut fait, je regrettais presque de m’être aventuré jusque-là, d’avoir eu une onze d’espoir que cette situation n’était pas si désespérée qu’elle en avait l’air. Erreur. Grave erreur. Son regard, son attitude, ce n’était plus le Keziah que j’avais connu. On en était loin. « Tu fais ce que tu veux. » me répondit-il alors que je lui demandais s’il préférait que je parte. Hum. Rien qu’à l’entendre, je savais que je l’agaçais. Mais pourtant, je ne faisais rien de mal, j’étais juste là, à observer ses dessins, à l’observer lui, restant à bonne distance. Je ne voyais pas ce qu’il y avait d’agressant là dedans. L’attention qu’il m’accordait fut rapidement redirigée sur ce qu’il faisait, et je ne bougeai pas d’un poil, ce qui, au bout d’un moment, sembla l’agacer encore plus. « Ah, t’es toujours là. Qu’est-ce que tu veux ? » fit-il en ma direction, faignant – ou pas, tout compte fait – un air ennuyé. Je soupirais en me croisant les bras, posant mon regard sur lui. « Oh, rien. » lui dis-je, prenant un air ennuyé à mon tour. « J’avais eu envie, l’espace d’une seconde, de passer de bon moment avec un ami, mais je pense m’être trompé d’endroit. » Je n’avais jamais voulu que cette situation se dégrade autant, que Keziah et moi, nous soyons au point de se conduire ainsi l’un envers l’autre. Mais non. Il avait fallu un seul geste et une merveilleuse intervention de Cupidon pour tout changer. Je soupirais. J'étais venu ici, à la base, pour tenter de réparer les pots cassés, pour m'excuser de l'attitude que j'avais eu avec lui, mais son propre comportement avait réveillé quelque chose en moi. De la rage, de la déception. Sa mauvaise humeur m'avait contaminé. Génial.