Il y a toujours un moment, vers une heure du matin, où, même si tu t'es gavé au repas, tu crèves la dalle comme si t'avais rien mangé depuis une semaine. C'est ce moment fatidique qui oblige normalement tout garçon à sortir une canette de Coca du frigo et un paquet de chips, ou encore un bol de corn-flakes. C'était sans compter le fait que dans une maison commune en pleine télé-réalité, il était impossible de dévaliser les faibles provisions en petit déjeuner. Clément sortit de la chambre et zona dans la cuisine, ouvrant les tiroirs, les placards. Des œufs. Une omelette? Genre il savait cuisiner. Il ouvrit une boite en fer dans laquelle il plongea le nez pour respirer, et manqua de s'étouffer. De l'ail en poudre, un truc du genre. Bon. C'était le moment où un miracle de la vie devait se produire: la femme, née de la hanche de l'homme, créée pour l'aider, le soutenir, faire sa bouffe, tout ça. Tandis qu'il parcourait le salon des yeux, à l'abri derrière le plan de travail de la cuisine, Enya apparut dans son champ de vision. Son cœur – ou son estomac? – fit un bond. Il se précipita sur elle et l'entraina dans la cuisine sans un mot, sa main autour de son poignet. Une fois face à la boite d'œufs frais, il ronronna en lui caressant les cheveux pour l'amadouer. « Enya, fais à manger, s'il te plait, fais à manger. »

Après le prime d'ouverture, tandis que beaucoup s'étaient dispersés, la jolie brune avait entreprit de visiter le château. Bon, en fin de compte, elle n'avait pas grandement visiter les lieux. Les chambres, la salle de bain, les toilettes, la cuisine étaient, en gros, les seules pièces que la belle avait parcourut. En passant dans les chambres, la belle avait aussi repéré la balcon, accessible pas ces mêmes pièces. Mais c'était tout. Arrivant dans le salon où elle avait décidé de se poser quelques secondes, elle n'eût pas le temps d'arriver jusqu'au canapé qu'elle sentit une main attraper son poignet et la tirer. « Mais.. » avait-elle commencé par dire, voulant protester. Rapidement, elle avait reconnut Clément, la première personne - et aussi l'une des seules - à qui elle avait parlé pendant la soirée. Que diable, voulait-il ? Une fois arrivés dans la cuisine, il lâcha la jolie brune. Puis, montrant légèrement une boîte remplie d’œufs frais, il lui demanda, gentiment, de lui faire à manger. « Mais arrête ! » avait-elle protester d'une petite voix, retirant la main du jeune homme qui touchait les cheveux de la belle. Puis, le regardant sérieusement, elle lança : « De toute façon, je ne sais pas faire à manger. » Bon, c'était tout simplement faux. Elle était loin d'être un grand chef mais elle savait tout de même faire quelques plats. C'était juste histoire de voir ce qu'il allait dire.

Depuis l'arrivée dans le nid, Enya se montrait réticente. Réticente à sa gentillesse, réticente à sa tendresse, et, pour lui qui était un grand tactile, c'était à chaque fois une grande déception, qu'il se dépêchait de ranger dans un coin de sa tête. Pourtant, chaque matin, tandis qu'il se levait plus tôt qu'elle, il déposait un minuscule baiser sur la main d'Enya qui reposait contre le matelas. Certains auraient pris ça pour de la drague. Quiconque connaissait un tant soit peu Clément aurait su que c'était simplement sa façon d'être. Il la laissa retirer sa main de ses cheveux soyeux, et refuser sa demande, le plus sérieusement du monde. Sauf qu'elle mentait. Toutes les filles savaient cuisiner, exceptées les nouillasses – dont Enya ne faisait pas partie – et les bonhommes – dont elle ne faisait pas partie non plus. Il fronça ses sourcils blonds, un infime sourire au coin des lèvres. «  C'est pas beau de mentir... » dit-il en la regardant dans les yeux, sa main tapotant innocemment la boite d'oeufs. Son ventre fit soudain un bruit, un gargouillement caractéristique de la faim, et il haussa les sourcils.

Raté. Même en tentant d'avoir l'air sérieuse, Enya n'avait pas se montrer convaincante puisque Clément l'avait démasqué. L'air faussement choqué, l'irlandaise avait tout de même porter une main jusqu'à sa poitrine histoire d'accentuer le tout. « Moi, mentir ? Jamais ! » Elle se retenait tant bien que mal de rire tandis qu'elle voyait le jeune homme en train de tapoter la boîte d'oeufs, l'air innocent. Un sourire vînt finalement se dessiner sur le visage de la belle. « Très bien, t'as raison. Tu m'as démasqué. » lança t-elle, un petit sourire amusé au visage. Puis, doucement, Enya tira la boîte d’œufs et l'ouvrit, regardant l'intérieur. « Tu veux quoi, alors ? » demanda t-elle. De toute façon, elle n'avait plus le choix. Et puis, il lui avait demandé si gentiment au départ, qu'elle ne pouvait pas refuser. « Je te préviens, tu me revaudras ça, hein. » tenta tout de même l'irlandaise, l'air innocent. Après tout, elle lui rendait service et peut-être qu'un jour, ce serait le contraire. Qu'elle aurait besoin de lui. Elle pouvait toujours marchander, après tout.

« Moi, mentir ? Jamais ! »
Un sourire éclaira son visage devant sa mascarade. Son faux air choqué et sa moue contrariée à l'idée d'être injustement accusée étaient adorables. Enya acceptait de lui faire à manger, c'était vrai. Clément joignit ses deux mains en un signe de prière, et bénit le plafond blanc. « Merci Cupidon », merci de lui avoir donné une partenaire aussi géniale. Il aurait pu tomber sur une de ces féministes hystériques qui aurait pris sa demande pour un siècle d'esclavage et lui aurait jeté à la gueule sa boite d'œufs frais, ou encore une ronchonne qui lui aurait dit qu'elle n'avait pas que ça à foutre, ou encore une jolie abrutie qui lui aurait sincèrement dit ne savoir faire qu'un œuf à la coque. Enya avait l'air beaucoup plus intelligente, et bien plus débrouillarde. Ce n'était en revanche pas le cas de tout le monde... Les yeux de Clément se posèrent sur la boite d'œufs. « Heu... On peut faire quoi avec ça... » Après un silence, il croisa le regard d'Enya et, se rendant compte de la stupidité de sa réflexion, il éclata de rire. « Non mais je veux dire, avec d'autres trucs, on peut faire quoi avec cette base? » Omelette, soufflé – il devait bien y avoir du gruyère au frigo – il n'en avait aucune idée, et là, pour le coup, heureusement qu'Enya était là, parce qu'il se sentait réellement autiste.

Le geste de Clément fit rire la jolie brune. Au moins, il y en avait un qui se réjouissait de la présence de l'irlandaise. Même si ce n'était que par pur besoin. Posant son regard sur la boîte d’œufs puis, puis dans la cuisine en général, la jolie brune attendait la réponse de son partenaire. Seulement, la réponse qu'il fournit n'était pas celle que la belle aurait espéré. En fin de compte, le jeune homme avait faim mais ne savait pas ce qu'il voulait manger puisqu'il demandait vaguement ce qu'on pouvait faire avec des œufs. « Oh, sans doute pas mal de choses. » lança la belle, un petit sourire au visage. Puis, se retournant, la belle fit le tour de la cuisine, et arrivée devant le frigidaire, l'ouvrit. Regardant à l'intérieur, elle observait ce qu'il contenait. Ouais, tout ce qu'on voulait en fait. Et au pire, il y avait le cellier, à côté. Reculant légèrement la tête afin de regarder Clément, elle reprit la parole. « Après tout dépend, tu as envie de quoi ? » Elle referma la porte du frigidaire. Après tout, c'était inutile de laisser la porte ouverte, non. Puis, rapidement, elle s'assit sur le plan de travail, attendant une réponse de son partenaire, qui avait l'air de réfléchir. De toute façon, il était bien tard pour qu'Enya est une idée. Alors si il avait faim, il devrait lui donner l'idée.