he's coming and she knows it
24 JANVIER 2012, 10H43 - FT. COOPER

Deux jours. Il m’avait fallu deux jours pour me convaincre que je n’allais pas devenir dingue. Parce qu’avec une trentaine de personnes dans les parages à longueur de journée, j’avais disons eu du mal à avoir ne serait-ce qu’un court tête-à-tête avec moi-même. Partout où j’allais, il y avait toujours quelqu’un. À croire qu’ils se passaient le mot pour m’emmerder rien qu’un peu. Un moment de solitude, ce n’était pas trop demander, non? À croire que si. J’allais devoir courir vite et me planquer bien loin si je voulais la paix. Les falaises paraissaient d’ailleurs être l’endroit idéal pour décrocher un peu, et profiter du silence, cette rareté des derniers jours. Accoudé à l’une des barrières protectrices, mon regard était rivé vers l’horizon qui s’étendait devant moi. La mer était agitée, aujourd’hui, probablement à cause du vent qui soufflait et qui me faisait frissonner. Tant pis. Plus il faisait froid, et moi les gens avaient envie de sortir, ce qui réduisait considérablement mes chances de croiser qui que ce soit. Mais Dieu, dans sa grandeur d’âme semblait ne pas avoir bien compris mes prières. Le salaud. Des bruits de pas se firent entendre et je soupirais. Me retournant pour faire face à l’arrivant, je lui offris un sourire contraint. « Si c’est la solitude que tu cherchais, désolé de te décevoir, mais tu ne la trouveras pas ici. Je me suis fait avoir, moi aussi. » lui fis-je savoir en haussant les épaules.

Le château était immense, mais bordel, pas moyen d'être seul. Au moindre détour d'un couloir, paf, on tombait sur quelqu'un. Quelle idée d'agglutiner une trentaine de personnes dans un même lieu ? Je n'aurais jamais cru que nous serions si nombreux. N'empêches avec tout cet espace, je suis sur qu'ils auraient pu réaménager pour qu'on est chacun notre chambre. Bon d'accord, ce n'était pas vraiment le but du jeu, mais merde. Même aux chiottes on ne pouvait pas être tranquille ! Les gens s'impatientaient, toquaient à la porte. Argh. Pas étonnant que je préférais vivre seul. Malgré tout, je ne désespérais pas de trouver un petit moment de calme. En cherchant bien cela devrait être possible. Je tentai alors les falaises. Le temps était relativement frisquet, nous étions encore quand même à une heure assez matinale pour la moitié des habitants...Donc bon, sait on jamais. Sauf que hey hey, pas de bol, évidemment une blondinette se trouvait déjà là. Bon, pour me consoler, au moins elle était seule. Le jeune femme semblait tout aussi ravie que moi de sa présence. Apparemment nous avions eu la même idée. Pas très brillante à l'évidence.  « Hmm, y a toujours moyen de remédier à ça. Un accident est si vite arrivé. » Quel humour, je sais. J'étais d'avis que dans quelques semaines, si ce n'est jour, j'aurais déjà envie de pousser certains candidats du bord de la falaise, ni vu ni connu. Je sortis mon paquet de clopes de ma poche pour m'en griller une.  « T'en veux une ? » lui proposais je dans ma grande bonté. Qu'elle en profite c'était plutôt rare.

« Hmm, y’a toujours moyen de remédier à ça. Un accident est si vite arrivé. » Je le jugeais du regard un moment avant d’étaler sur mes lèvres un léger sourire. De l’humour noir, de l’humour sadique, violent. Ça me plaisait. Pas mal certaines que cette idée-là était passée dans la tête de pas moins de la moitié des candidats, à ce jour, d’ailleurs, et l’aventure ne faisait que commencer. Preuve que nous étions tous tout à fait sain d’esprit, j’vous assure. Je le vis fouiller dans sa poche pour en ressortir un paquet de clopes. « T’en veux une ? » qu’il me dit, en me tendant le paquet. D’ordinaire, je ne fume pas. Correction : je ne fume plus. Ça gâchait ma voix. Mais là, j’en peux plus, c’est plus fort que moi. L'envie de nicotine m'a repris dès que mes pieds ont foulés ce fichu château. Ça doit être un truc dans l'air. « Merci. » fis-je en m’approchant de lui, attrapant une cigarette du bout des doigts. « T’as du feu, je suppose. » ajoutais-je, avant de poser la fautive entre mes lèvres. Parce que bon, c’était évident. Le truc, c’est que moi, je n’en avais pas. Je pouvais bien prendre deux pierres et essayer de les frotter ensemble pour en faire, mais ça risquait d’être un tantinet long. Malheureusement, ma patience avec ces limites. En gentleman qui m'offrait une clope, il fallait au moins qui l’honore en me l'allumant, c'était la moindre des choses.

La blondinette ne se fit pas prier pour accepter ma clope. Et une fumeuse de plus, une. Pour ma part, j'avais essayé d'arrêter une fois, mais ça c'était très mal passé. Disons que si je n'étais déjà pas forcément un cadeau en temps normal, j'avais carrément fais vivre un enfer à mes proches. Donc pour le bien être de tout le monde, valait mieux que j'ai ma dose quotidienne de nicotine. «T’as du feu, je suppose. » Wouah, cette fille était un génie, comment avait elle deviné ?  « Non, je comptais attendre une auto combustion en fait. » répliquais je moqueur. Avant de sortir mon briquet de ma poche et de lui allumer sa cigarette. Quel mec sympa je faisais. J'en fis de même pour la mienne, que je portais à mes lèvres. Je tirai une taff, tout en admirant le paysage. La vue était juste magnifique. Rien avoir avec mon quartier pourri.  « Au fait moi c'est Cooper. Pour que tu te souviennes qui remercier, après cet énorme élan de générosité. » Genre elle me devait une faveur à présent.

Ça n’avait pas été une question, mais plutôt une constatation. En toute logique, chaque fumeur qui se respecte avait en sa possession du feu. Briquet, allumette, alouette! « Non, je comptais attendre une auto combustion en fait. » Il se moquait, mais je n’allais pas m’en offusquer. Pas avant qu’il n’ait posé le feu sacré sur le bout de ma cigarette. « Bonne chance. » laissa-je plutôt entendre sur le même ton. Finalement, comme je l’avais prédis, il se chargea de ma clope, et dès que ce fut fait, je savourais le goût retrouvé de la nicotine sur mes lèvres. Un goût âcre, un poil amer. « Au fait moi c’est Cooper. Pour que tu te souviennes qui remercier, après cet énorme élan de générosité. » Il s’était retournée pour observer le paysage, moi, je préférais lui tourner le dos, m’accoudant contre le parapet. « Cooper, c’est noté. » fis-je en tirant une seconde bouffée de la tueuse. « Et j'suis pas du genre à oublier. Pas un geste aussi charitable. » Ce n’était pas des paroles en l’air : je tenais mes promesses, toujours. Je me rappelais aussi très bien des petits gestes comme celui-là, insignifiants aux yeux de certains, mais pas pour moi. « Si ça peut t'intéresser - sait-on jamais, mon nom c'est Evey. » me présentais-je finalement. J'aurais trouver ça impoli de le laisser en plan après son geste honorable.

Elle avait intérêt à le retenir mon prénom. De toute façon, on ne pouvait pas m'oublier. « Et j'suis pas du genre à oublier. Pas un geste aussi charitable. »  « J'espère bien » Non mais. Je comptais bien qu'elle s'en souvienne de se geste, et qu'elle sache l'apprécier à sa juste valeur. Après tout, d'autres, s'étaient risqués à perdre une main en me volant une clope, alors elle avait de la chance. Plus que ça elle devrait se sentir honorée.  « Si ça peut t'intéresser - sait-on jamais, mon nom c'est Evey. » Non pas que ça m'intéressait vraiment, mais ouais, sait on jamais, ça pourrait être utile de le connaître dans le futur. Genre pour les nominations, haha. Non pas qu'elle soit dans ma ligne de mire pour l'instant.  « T'es dans quelle équipe ? » Histoire que je sache un peu qui était censé faire parti de la mienne. Honnêtement je n'étais pas franchement emballé par ça. Je n'avais pas vraiment l'esprit d'équipe. Tout du moins pas avec des personnes que je ne connaissais pas. Genre se la jouer solidaire, s'entraider et tout, pfff. Mais bon je ferais un effort, parce que j'étais venu ici pour gagner.

« J’espère bien. » Rien qu’à son attitude, je me doutais bien que ces clopes, ils ne les offraient pas à volonté. J’avais été l’exception à la règle, sa bonne action de la journée. Je n’étais pas flattée, ceci dit. Mais je reconnaissais que ce geste avait sûrement une certaine valeur pour lui. Quand on n’a pas l’habitude d’être généreux, une clope, c’est cher donné. « T’es dans quelle équipe ? » J’arque les sourcils l’espace d’un court instant. Non pas que sa question me rend perplexe, mais comme cette information est un brin inutile à ma vie, il me faut un moment pour m’en souvenir. « Celle de Micah, j’crois. » lui répondis-je en haussant les épaules, désintéressé. Parce que d’un point de vue tout à fait personnel, je me fiche un peu de le savoir. Je ne compte pas vraiment me mêler à la guerre, du moins, tant que ce n’est pas nécessaire. Mon avis sur la chose, en fait, s’apparente de beaucoup à celui de Cooper. À croire que nous avons quelques points en commun. Surprenant. Je prends deux ou trois bouffées de ma cigarette avant de reposer mon regard sur lui. « Qu’est-ce qui t’amène ici? » que je lui demande. Simple curiosité d’usage. « Le fric, les belles filles? Me dit pas l'amour, sinon j'te pousse en bas. Sérieusement. » Je n’ai pas la prétention de vouloir entretenir la conversation, mais tant qu’à être là, aussi bien s’y tenir.