La douche était un moment que je redoutais. Chez moi, je n'avais pas l'habitude de me laver en compagnie d'autres personnes. Chez moi, je n'avais aucune caméra pour m'épier même dans ces moments. Je me raclais la gorgé, prenant alors mon courage à deux mains et j'avançais vers les douches, pieds nus et en simple boxer, avec ma canne blanche que je déposais à l'extérieur. Je fis le reste du chemin en restant proche des murs jusqu'à ce que je trouve le premier robinet. Je l'allumais pour la seconde fois. Dieu que ça faisait du bien ! Je me laissais alors aller sous cette chaleur et je me décontractais plus que je ne l'aurais cru. Je constatais alors que je n'avais pas de gel douche. J'étais maudit, aujourd'hui ! Je soupirais. Je refis donc le chemin inverse pour sortir des douches et retournais à mon casier dans laquelle j'avais posé ma trousse de toilette. Malheureusement pour moi, en grand optimiste, je n'avais pas pris ma canne pour me diriger et je me tapais alors le pied dans une des baignoires avant de glisser de tomber à terre. Sur le cul, je me redressais. « Eh merde... »

Je venais juste de me lever lorsque j'avançais déjà en direction de la salle de bain. Oui, c'est vrai, il était un peu tard pour un réveil, mais tant pis. Apparemment, la pièce était déjà occupée, par un ou plusieurs candidats je n'en avais pas la moindre idée, mais en tout cas les douches coulaient. J'en profitais alors pour attraper dans ma trousse de toilette ma brosse à dents, de la fournir de dentifrice et de m'asseoir sur le bord du lavabo, le temps de frotter l'intégralité de mes molaires, canines...et j'en passe. Puis, quelques secondes après, l'eau se coupa, et je vis sortir de la douche un jeune homme, plutôt séduisant, je ne le cachais pas. Je l'observais, un peu interpelée par son comportement. Il ne réagissait même pas à ma présence dans la salle de bain, j'avais envie de lui crier un pauvre eh oh, mais c'est finalement en le voyant extirper un tube de gel douche rose que je lui offris une réaction. « Genre, t'es gay ? » Consciente du fait que j'avais peut-être envoyé ma question de manière un peu trop brutale, je me pressais de renchérir. « Enfin, je dis ça...c'est que j'ai rarement vu un homme se laver avec un gel douche à la pivoine en fait, mais chacun ses goûts hein. » Ma phrase achevée, je reprenais mon brossage de dents, l'achevant lui-même par un rinçage, puis me replaçais sur le bord du lavabo, comme je l'étais avant. « Et, sinon, ta chute, t'as pas trop mal ? » Forcément, venant de moi, cette attention devait sonner de manière on ne peut plus fausse, mais pour une fois, je m'y intéressais presque.

A près une chute mémorable, je ne pouvais que mieux me relever. Je n'avais pas remarqué la présence d'un autre candidat. Ce n'est que lorsqu'elle continua de se brosser les dents que j'identifiais une présence. « Eh merde ! » Cette pensée m'avait traversé l'esprit avant que je ne reprenne mon chemin en direction de mon casier. Pour le retrouver en toute facilité, j'avais pris le premier. J'en sortis alors un gel douche. Finalement, une jeune femme prit la parole. « Genre, t'es gay ? » « Quoi ? » « Enfin, je dis ça...c'est que j'ai rarement vu un homme se laver avec un gel douche à la pivoine en fait, mais chacun ses goûts hein. » « Heu... Bah, ça sent bon. » Le silence revint ainsi que le brossage de dents. Je repris donc ma route, avec une certaine lenteur pour assurer ma sécurité et mon coccyx qui en avait déjà pris un coup. J'arrivais près de la vitre séparant les douches du reste de la salle de bain. « Et, sinon, ta chute, t'as pas trop mal ? » « J'ai un peu mal aux fesses mais ça va. Je survivrais ! » Je fis alors quelques pas avant de me retourner vers la jeune femme dont j'ignorais encore le nom. « Et pourquoi tu m'as demandé si j'étais gay ? »

« Ah beh ouais...j'aurais du m'en douter. Ô Winifred, que tu es stupide ! » lançais-je de manière complètement ironique, voire complètement aberrante. En général, pour dire vrai, les odeurs de fleurs c'était pas franchement mon trip, en fait, j'aime pas ça les fleurs, pour faire bref. Je l'écoutais m'avouer que le fait qu'il aille à la rencontre du carrelage lui avait laissé quelques séquelles au niveau de son popotin, et je souriais de manière sadique alors avant de lui répondre. « Je te les masse moi tes fesses si tu veux, baby. » C'était vraiment drôle, enfin, son attitude était vraiment drôle. Pas drôle dans le sens de comique bien évidemment, pour une fois je me retenais d'être aussi salope, le mec venait de faire une chute quand même, mais plutôt drôle dans le sens d'étrange. Je balayais la salle du regard, tentant de trouver une explication un peu près logique à la façon dont il agissait. « C'est à toi l'espèce de manche à balai sans balai blanc posé dans un coin ? » demandais-je, en parlant de ce qui ressemblait étrangement à ce même truc que les aveugles trimbalaient partout pour savoir si ils allaient louper une marche ou non. D'ailleurs, j'avais toujours trouvé ça con. Parce-que leur baguette là, ils s'appliquaient toujours à ne pas la faire toucher le sol, dans l'unique but en fait de remarquer la présence de marches, mais, et si la marche, au lieu de monter, elle descendait hein ? Ca me ferait bien rire d'en voir un tomber sur le cul...sadique, un chouilla. « Parce-que je suis gaydophile, muahahah ! » Gay-dophile, pé-dophile, ouais je sais, je suis formidable.

Cette chute brutale m'avait fais mal et alors que j'avais une main sur mes fesses, la jeune femme me surprit encore plus. « Je te les masse moi tes fesses si tu veux, baby. » « Ca va aller, merci. » Parcourant les quelques mètres qui me séparait de la douche, j'écoutais d'une oreille ce qu'elle avait à me dire. « C'est à toi l'espèce de manche à balai sans balai blanc posé dans un coin ? » Je ne fus pas déçu et c'était bien la première fois que l'on comparait ma canne à un manche à balai sans balai en son bout. Cette comparaison m'amusa. « C'est ma canne. » Lui répondis-je alors en enchainant avec une autre question. Je ne savais pas pourquoi mais tout le monde voulait savoir si j'aimais également les hommes. J'en savais rien moi. Je ne savais pas même si j'aimais les femmes. « Parce-que je suis gaydophile, muahahah ! » Gaydophile ? « Heu, je ne suis pas sûr de comprendre. » Décrétais-je alors. Tout ce qui concernait le sexe à proprement parlé devait être plus explicite. Blagues ou second degré, je ne comprenais toujours pas tout. Je sais, j'étais un cas. Mais personne n'avait jamais voulu de moi. « Et t'es gay, toi ? C'est ça que tu voulais dire ? » Continuais-je avant de me placer sous une douche. Je rallumais l'eau et je commençais enfin à me laver.

L'ustensile était à lui alors, et donc ? « Et pourquoi tu as une...enfin, t'es aveugle ou un truc du genre ? » Compliqué quand même, d'être aveugle quand on occupe une telle demeure, espérons que personne ne le retrouve un jour, tout cassé en bas d'un escalier. Quoique, je n'aurai plus qu'à rédiger un article pour annoncer sa mort, et on pourra tous lui organiser des funérailles dans la chapelle avant de le foutre dans la fosse commune. En quelques pauvres secondes, je comprenais l'intérêt des multiples lieux placés à l'extérieur de la bâtisse, et la production m'apparaissait alors comme beaucoup plus intelligente que je ne l'aurais cru. « Et t'es gay, toi ? C'est ça que tu voulais dire ? » Non mais seriously, c'était quoi ce délire, c'était quoi ces arriérés ? « Non, mais non, je suis pas gay. » Je me tournais vers l'un des miroirs et marmonnais quelques trucs sans grand intérêts alors que l'eau se fit entendre, tandis qu'il prenait sa douche, admettons. Moi gay ? ok j'ai l'esprit open, mais quand même. « Tu me ferais de la place sous la douche, Ray Charles ? » demandais-je alors bêtement, sans aucuns sous-entendus non catholiques, bien entendu.

Ê tre ou ne pas être gay. Grande question, n'est-ce pas ? Depuis mon arrivée dans l'émission, j'avais eu droit à plusieurs reprises à cette question. Pourquoi, je n'en avais aucune idée. « Non, mais non, je suis pas gay. » Tant pis. Je n'y comprenais décidément plus rien. J'étais encore plus paumé par sa "gaydophilie". J'allumais donc le jet d'eau et commençais de me laver. Je versais alors un peu du gel douche dans la paume de ma main et je laissais mousser ce liquide sur mon torse. « Tu me ferais de la place sous la douche, Ray Charles ? » Je relevais la tête. « Oui, biensur. D'après la description des lieux je crois qu'il y a amplement de la place pour nous deux, non ? » Je lui tendais alors mon gel douche et je me passais le corps sous le jet d'eau chaude. Je restais un moment comme ça à attendre sous l'eau, espérant que la jeune femme ne me prenne pas pour un fou. « Au fait, je suis Lukas. »

« Il semblerait, au pire ça va, t'as pas l'air obèse et je suis limite anorexique alors ça devrait le faire. » Je m'attachais les cheveux en un bref chignon, pour éviter un tant soit peu de les mouiller puis je retirais alors mon pyjama. N'ayant pas de maillot de bain sur moi, je me contentais de ma culotte comme minimum syndical, bien au cas où quelqu'un passerait faire un tour dans la pièce. Quelqu'un autre que ce mec déjà présent, bien sûr, mais vu que lui de toutes façons ne saurait voir si j'étais à poil ou non...J'avançais jusqu'aux douches, et passais près du candidat qui me tendait alors son gel douche. Je fis une grimace avant d'avancer pour atteindre la douche d'à côté. « Oh...ouais, non merci. J'aime pas trop les fleurs, tu vois. » Beh ouais, autant être franche. « Au fait, je suis Lukas. » Ah beh quand même, je me demandais quand il aurait eu l'idée de me dévoiler son nom. Je veux dire, c'est toujours mieux de savoir avec qui vous êtes en train de prendre une douche, non ? « Lukas, ok. Et moi Winifred, donc. » Théoriquement, j'avais déjà délaissé mon prénom à la mémoire de...beh...Lukas, quelques temps plus tôt, mais autant le répéter, au cas où. J'allumais à mon tour l'eau, haussant le ton pour me faire entendre à travers le vacarme que les jets provoquaient. « Faut quand même que je te confesse un truc, voire deux. » Je le matais, sans gênes, de toutes façons, il n'était pas apte à le savoir, à moins que... « Numéro un, je suis nue. Enfin, presque. Et numéro deux, c'est bien parce-que tu es aveugle que je dis ça, mais t'es plutôt bien foutu. »

Winifred ! C'est vrai. Elle avait déjà mentionné son nom quelques minutes plus tôt. Et pour être franc, je pensais plutôt qu'elle parlait d'un personnage d'un livre, d'un conte de fée ou d'un copain de Winnie l'Ourson. J'étais légèrement honteux d'avoir eu ce genre de penser à son égard. Je continuais donc de me laver ou plutôt de me rincer sous l'eau chaude. C'était un réel plaisir de pouvoir prendre son temps, de pouvoir rester là, sans bouger pendant que cette chaleur recouvrait chaque parcelle de peau de mon corps. « Faut quand même que je te confesse un truc, voire deux. » Je l'écoutais alors attentivement. « Numéro un, je suis nue. Enfin, presque. Et numéro deux, c'est bien parce-que tu es aveugle que je dis ça, mais t'es plutôt bien foutu. » Je faillis tomber encore une fois. Mais je réussis tout de même à me retenir grâce au mur. Ce qu'elle venait de m'avouer était surprenant que j'en avais presque perdu l'équilibre. « Eh bien, je... Je... Tu... C'est bien, non ? Tu prends ta douche comme tu veux et t'as de la chance, je peux pas te voir. » Je rigolais nerveusement et je passais une main dans mes cheveux avant de croiser, finalement, mes bras sur mon torse. J'essayais de me cacher car sa deuxième confession était tout aussi gênante. « Bon bah, j'ai finis. Je sors... » L'informais-je. Me sentir observer, regarder était une sensation tout à fait étonnante et nouvelle car la jeune femme ne me regardait pas comme un aveugle mais comme un homme séduisant. Je n'en avais pas l'habitude. J'attrapais alors une serviette que je passais sur mes épaules et qui cachait ainsi ce que je tentais de ne pas montrer depuis LA révélation.