La semaine avait bien commencé et j’étais contente de ne pas être nominée, ça voulais dire que, quoi qu’il arrive, j’allais rester trois semaines minimum, non ? Du moins j’espérais que cupidon ne me jouerais pas de sales tours du genre, au prochaine prime, éliminée d’office. Bref, j’avais besoin de faire bouger un peu mes muscles alors, comme la semaine dernière, je décidai de me rendre à la piscine. J’avais enfilé un bikini vert kaki et un peignoir pour traverser le château jusqu'à la piscine. Une fois arrivée dans la pièce je laissai choir le peignoir sur une chaise et entrai dans l’eau avant de faire quelques longueurs, sans entendre Sixtine entrer dans la pièce.

Je m’étais levée avec tous les muscles engourdis. J’avais mal au dos, mal aux jambes, mal aux bras. Une vraie boule de douleur. Il fallait y remédier, et je ne trouvais rien de mieux que la piscine pour cela. J’avais envie de me baigner nue, complètement désapée, mais dans ce château on ne savait jamais qui allait débarquer. J’entrepris donc d’enfiler un maillot rouge deux pièces avant de me rendre au sous-sol. Je remarquai aussitôt que je n’allais pas être seule. J’étais en présence de la petite religieuse de l’émission, j’en avais aussi entendu un paquet à son sujet. Elle était facilement repérable, notamment car elle l’était l’une des rares brunes de l’émission. Elle me semblait bien inoffensive vue de là. Je pris un peu d’élan, puis m’élançai en avant en espérant ne pas me casser la figure. « BOOOOOOMMMMBEEE ! » Question subtilité on repassera . . . Je m’en foutais, de toute façon je ne pesais pas bien lourd, et au mieux arriverais-je à éclabousser son menton. Je surgis de l’eau, ma longue chevelure collée à la peau. « J’ai entendu que tu pratiquais la magie vaudou africaine et que tu étais la religieuse du château, c’est vrai tout ça ? » Plutôt direct comme approche, mais j’avais du temps à rattraper avec elle. Je n’allais lui poser les questions dont je connaissais déjà la réponse. Elle était née en Afrique du Sud, ça j’avais capté. Elle avait beaucoup de chance d’ailleurs, j’avais moins même quelques origines dans ce coin là. « Je t’avoue que j’aurais préféré un beau noir m’enfin, on fait avec ce qu’on a » ajoutai-je faussement déçue, un léger sourire sur les lèvres.

Je finissais une longueur quand… «BOOOOOOMMMMBEEE ! » je me retournai vivement juste à temps pour voir une blonde en l’air, les genoux collés à elle afin de faire une bombe parfaite. Je ne pus retenir un rire à cette vision et plus encore quand elle sortit de l’eau. J’étais trempée mais soit j’étais dans l’eau non ? Alors bon je m’en fichais un peu d’être plus mouillée que prévu. « J’ai entendu que tu pratiquais la magie vaudou africaine et que tu étais la religieuse du château, c’est vrai tout ça ? » je soupirai « Je ne fais pas de vaudou, ce n’est pas Evey qui fait ça ? Non moi je suis juste croyante. » Rien à voir avec le terme religieuse, donc. En ce qui concerne le vaudou, je voyais bien Evey faire ça et puis j’avais entendu qu’elle avait invoqué Bloody Mary dans les toilettes ce qui selon moi devait être totalement absurde. Dans les toilettes ? Vraiment ? Bref. « Je t’avoue que j’aurais préféré un beau noir m’enfin, on fait avec ce qu’on a » je souris avant de dire « c’est vrai que ça ne manque pas par chez moi. Dans ce cas il faudra que tu viennes en Afrique en sortant de ce jeu. » dis-je en haussant les épaules, elle avait plus de chances de voir un noir là-bas, non ? Sans vouloir avoir des pensées racistes, Dieu m’en garde.

Evey, c'était la blonde qui voulait un café hier soir, non ? Elle pratiquait le vaudou africain ? « Pourquoi, elle est née en Afrique elle aussi ? » questionnai-je naïvement. Bon, je m’étais peut-être mélangée les informations, ça ne m’aurait pas étonnée. Il était vrai que j’avais entendu quelque chose à propos de Bloody Mary à son sujet. Un frisson me parcourut brièvement l’échine. Br, je n’espérais pas qu’elle ait une petite poupée à mon effigie en sa possession. Mais il ne me semblait pas qu’elle ait touché à ma crinière pour m’arracher un cheveu, je m’estimai donc à l’abri pour le moment. Je souris à la remarque de la demoiselle, battant des cils. « Si tu m’invites . . . j’en serais ravie ! C’est vrai qu’en Ecosse ça ne court pas les rues, même s’il y en a bien sûr, surtout dans mon quartier. » Je plongeai un instant afin de remettre ma chevelure en place, remontant à la surface une main glissée à l’intérieur. « Mais dis-moi, tu fais tes études là-bas ? Ca m’étonne que tu sois dans cette émission si c’est le cas. » Ca m’intriguait, ce qu’une africaine d’origine pouvait bien faire dans un jeu de télé réalité franco-irlandais. Ah parce que oui, j’avais aussi compris qu’elle étudiait la médecine. Je savais tout sur tout moi madame.

« Pourquoi, elle est née en Afrique elle aussi ? » je haussai les épaules et secouai la tête « Euu, bah, j’en sais rien, elle m’a pas dis. » dis-je tout simplement. Après tout comment pouvais-je le savoir ? Bref. « Si tu m’invites . . . j’en serais ravie ! C’est vrai qu’en Ecosse ça ne court pas les rues, même s’il y en a bien sûr, surtout dans mon quartier. » je me demandais bien dans quel genre de quartier elle vivait mais bon comme je ne connaissais pas du tout l’Ecosse je ne le lui demandai pas. « Et bien, ma maison est suffisamment grande pour que tu viennes ! » dis-je en souriant. L’hospitalité était naturelle chez moi, ma famille était du genre à garder les amis à la maison après le nouvel an par exemple, quand il était devenu dangereux de rouler. La candidate plongea alors dans l’eau pour mettre ses cheveux en place et me posa encore une question « Mais dis-moi, tu fais tes études là-bas ? Ca m’étonne que tu sois dans cette émission si c’est le cas. » je passai une main sur ma crinière mouillée et répondis « Je me suis arrangée avec l’université, mais sinon oui je fais mes études là-bas. » avouais-je.

Elle avait le sens de l’hospitalité, comme ma famille, je trouvais ça génial. Je la remerciai silencieusement par un hochement de tête, accrochant ma main au rebord. Elle faisait donc ses études là-bas, étonnant ! Elle devait être la plus exotique de l’émission. Je m’imaginais déjà sur les plages du continent, fermant les yeux. « Oh c’est chouette, tu me fais rêver là . . . C’est un pays que j’aime beaucoup. » Je m’y étais déjà rendue à plusieurs reprises, au Kenya aussi, en Egypte, mais l’Afrique du Sud avait cette ambiance particulière qui m’attirait inéluctablement. « Dis, est-ce que tu es d’accord avec tout ce que dit la Bible, genre pratiquante aveugle ? Parce qu’ils affirment par exemple que l’homosexualité est un péché, c’est ça qui t’as mis en boule contre Evey ? » ne pus-je m’empêcher de lui demander. J’avais bien vu, étant donné le ton qu’elle employait à propos de la jeune fille, qu’elle ne la portait pas dans son cœur. Or je me souvenais l'avoir vue embrassée par la demoiselle lors du prime. Quand je vous dis que j'ai des yeux partout, il faut se méfier. Je lui souriais légèrement, je plaisantais à moitié. Mais on ne savait jamais, si ça se trouvait c’était à cause de ça, même si j’en doutais. Enfin ça m’intéressait d’avoir son point de vue sur la question, parce que les croyances absolues me hérissaient le poil. Les gens qui ne remettaient jamais leur éducation en question. L’histoire prouvait que les religions avaient entraîné autant d’amour que de guerres. « Parce que si on suit son enseignement . . . manger des crustacés est une abomination. » Je ris un peu, me souvenant de ces paroles qu’une amie m’avait confiées. La bible disait beaucoup de choses plus appliquées aujourd’hui. La femme adultère par exemple, n’était plus lapidée. Heureusement. De toute façon je n’aimais pas les crustacés.

« Oh c’est chouette, tu me fais rêver là . . . C’est un pays que j’aime beaucoup. » avoua-t-elle, je souris, ravie de constater qu’elle connaissait mon pays et que de plus elle l’aimait ! « Je suis bien contente que mes parents aient déménagés là-bas. » répondis-je, ma famille était en fait d’origines françaises et c’était comme ça que je connaissais l’émission, passant la plupart de mes vacances en France j’avais appris à connaitre quelques personnes là-bas et ils m’avaient fait découvrir l’émission. Bref. « Dis, est-ce que tu es d’accord avec tout ce que dit la Bible, genre pratiquante aveugle ? Parce qu’ils affirment par exemple que l’homosexualité est un péché, c’est ça qui t’as mis en boule contre Evey ? » Je comprenais sa question mais non, ça n’avait rien à voir. « Non, Evey c’est juste son irrespect envers mes croyances qui m’a agacé. Ceci dit, non, je ne suis pas d’accord avec l’Eglise à ce propos, pour moi l’amour n’a pas de sexe. Il y a tout un tas de choses que je trouve étranges voire contradictoires dans la croyance catholique mais je n’aie pas la science infuse alors je préfère ne pas trop remettre en cause tout ce que le Pape dit. » et pourtant il était pas mal insupportable comme Papa, dans son genre. Encore le précédent était admirable mais lui ? Non. « Parce que si on suit son enseignement . . . manger des crustacés est une abomination. » ajouta-t-elle, ce qui me fit lâcher un rire franc.

Sa famille n’était donc pas implantée en Afrique du Sud depuis des générations, mais ses parents avaient déménagé. Quelle chance, moi mes ancêtres avaient presque fait le contraire pour aller se réfugier en Ecosse, quelle idée ! « A cause du boulot ? » m’intéressai-je en me hissant sur le bord, m’asseyant sur le filtre de la piscine. Lorsqu’elle m’affirma que l’amour n’avait pas de sexe je ne pus m’empêcher d’approuver par un hochement de tête. Au moins n’était-elle pas le genre à vous faire la morale au moindre écart réprouvé par la Bible. « C’est bien, de remettre les choses en question de temps en temps. Mais il est souvent difficile de se détacher d’une éducation bien forgée. J’imagine que c’est ta famille qui t’as transmis ces valeurs ? » J’étais heureuse qu’elle me réponde avec autant de franchise. Mes questions étaient parfois intrusives et directes, je ne prenais pas le temps de mâcher mes mots. Dans ce genre d’émission nous n’avions pas toujours le temps de nous attarder sur les formes, pour connaître une personne ne valait-il pas mieux aller droit au but ? Et cette jeune fille m’intriguait. Je voulais tout savoir d’elle, tout de suite, même si cela était hélas impossible. Un petit film avec un résumé de sa vie, ses expériences les plus marquantes, les plus tristes, les plus amusantes, j’aurais aimé avoir cela en ma possession. « Je te remercie d’être aussi franche, j’en connais qui m’aurait envoyée sur les roses avec mes questions. » Je lui souris. Siomha et Syssoï n’auraient par exemple pas été aussi bavards, à n’en pas douter.

« A cause du boulot ? » me demanda-t-elle, j’acquiesçai alors « Oui, mon père est un homme d’affaire assez influent, je sais que ce n’est pas courant mais il a implanté son entreprise en Afrique du Sud et comme ma mère aime beaucoup le pays on y est resté. » dis-je simplement. « C’est bien, de remettre les choses en question de temps en temps. Mais il est souvent difficile de se détacher d’une éducation bien forgée. J’imagine que c’est ta famille qui t’as transmis ces valeurs ? » Ma famille était elle du genre à suivre la bible les yeux fermés et j’étais à peu près certaine que je ce que je venais de dire ne leurs ferait pas plaisir quand ils le découvriront. « Non, pas du tout, ma famille pense comme l’Eglise et parfois c’est un peu étouffant. » avouais-je. C’était aussi une des raisons de mon départ pour l’émission. Mais soit. « Je te remercie d’être aussi franche, j’en connais qui m’aurait envoyée sur les roses avec mes questions. » ajouta-t-elle, je lâchai alors un rire et répliquai « J’ai presque l’impression de subir un interrogatoire mais au moins on fait connaissance ! ». D’ailleurs je ne savais pas encore grand-chose d’elle, à mon tour. « A ton tour de me répondre. Question simple : que fais-tu dans la vie ? » Demandais-je alors que je bougeais légèrement dans l’eau histoire de ne pas geler sur place.

Etonnant en effet, une affaire implantée en Afrique du Sud. Je me questionnai un instant sur le sujet, me demandant s’il s’agissait d’un truc humanitaire, ce qui n’aurait pas été étonnant vu que c’était une famille croyante. Je décidai cependant de ne pas la harceler avec davantage de questions, remuant le bout des pieds dans l’eau fraîche. J’acquiesçai alors en silence, écoutant la suite avec un intérêt non dissimulé. Cette demoiselle se révélait beaucoup, plus que les autres en tout cas, et je ne désirais pas en perdre une miette. « Je comprends. » dis-je simplement lorsqu’elle me confia que sa famille suivait le dogme sans rechigner. La pauvre, en effet ce devait être agaçant par moment, et j’avais connu certains amis qui étaient piégés dans cette spirale. Il ne faudrait pas qu’un jour elle en vienne à devoir choisir entre sa famille et sa vie. J’imaginais d’ailleurs qu’ils ne devaient pas être au courant de sa participation à FAKE LOVER ! Elle avait sans doute voulu s’exprimer pour une fois. Ce ne devait pas être facile d'être parfaite tout le temps. Etait-elle sortie en douce comme les adolescentes de son âge ? Avait-elle fait des folies comme toutes les jeunes filles ? « Et tu ne leur a jamais rien caché, à part sans doute cette émission ? » Je ris à sa référence à un interrogatoire. Je murmurai un petit « désolée », me mordillant la lèvre. J’avais tendance à m’accrocher aux gens de façon trop insistante lorsque j’étais ainsi piégée dans un endroit clos sans autre moyen de s’occuper que discuter avec les autres. Cela pouvait agacer, mais la brune avait l’air de prendre ça plutôt bien. Quand l’interrogatoire se retourna contre moi je haussai les épaules, après tout ce n’était que justice pas vrai. « Je suis chauffeuse de bus, en fait » avouai-je en levant mes mains dans les airs et en les tournant comme si j’avais un énorme volant entre les doigts. « Et je défends la planète pendant mon temps libre. L'écologie c'est un peu ma religion à moi. » Il fallait le souligner, c’était d’ailleurs davantage cela qui me définissait que mon métier.