THE ANIMALS, THE ANIMALS
@zélie

Il était quatorze heure et malgré le repas de midi, j'avais faim. De toute manière avec moi fallait pas chercher midi à quatorze heure, j'avais tout le temps faim. Espérant trouver un petit truc à me mettre sous la dent afin de combler le petit creux qui commençait à se faire sentir dans mon estomac. Je croisais dans le réfectoire une demoiselle, qui tentait désespérément de couper ce qui ressemblait à un steak. La pauvre, je l'a comprenais tellement. J'avais moi-même pas mal galéré deux heures auparavant à couper puis manger ce bout de viande en béton armé. Compatissante, je m'approchais d'elle, remettant par la même occasion mon casse-croute à plus tard.
Ouais tout à l'heure. Après, si sa peux te rassurer j'ai eu moi aussi toutes les peines du monde à couper ce truc. Mais bon à force de persévérance, j'ai fini par en avoir raison.
Enfin, ça c'était la version officielle. La version officieuse étant que de colère et de dépit j'avais jeté les pauvres restes de mon steak qui refusait de plier à mon découpage énergique dans la poubelle. Je pouvais être très patiente, mais là quand ça commençais à m'énerver, je pouvais facilement partir au quart de tour. Maintenant que j'étais là, j'avais la flemme de me relever, je me décidais donc à tenter de lancer la conversation :
Au fait, je suis Zélie et toi ?
Je disais bien tenter, car si la jeune femme. J'aurais bientôt l'occasion d'aller voir ailleurs si j'y étais. Perso quand je mange, faut pas me déranger, sinon je peux devenir vraiment très méchant. Là, je ne savais pas si la situation rentrait dans cette case puisque théoriquement c'était elle qui avait cessé de manger pour me parler. Mais bon, comme le dis si bien le proverbe : mieux vaut prévenir que guérir. Et puis, de toute manière, je ne connaissais pas encore assez bien les autres candidats pour prévoir leurs réactions. Il fallait donc que j'agisse avec prudence.

J'étais un peu interloquée par le spectacle qui se déroulait face à moi. Une brune volcanique tentant désespérément de gagner son combat contre un steak. La lutte fut acharnée et se termina par un vol planée de steak qui passa par-dessus mon épaule pour aller s'exploser quelques mètres plus loin. Khadi, puisque c'était son nom, semblait consternée… Enfin, ce sentiment ne dura pas longtemps bientôt remplacé par une espèce de colère. Sans crier gare, elle se leva brutalement et alla attraper une pomme derrière la zone de service. Ah… Il y avait des pommes dans cette cafétéria… C'était à retenir pour la suite. Qui sait peut-être que les repas à venir seront bien pire que celui-ci et que je serais ainsi bien contente de manger une pomme en remplacement. En attendant, je me devais de rester la plus calme possible. Khadija était déjà bien assez énervé comme ça, couplé à la mauvaise humeur permanente de la cantinière on avait largement dépassé le quota d'onde négative dans cette pièce. Elle s'excusait et justifiait son attitude, elle n'en avait pas besoin. Je lui souriais pour la rassurer et continuais ensuite sur ma lancée :
T'as pas à être désolée, c'est tout à fait normal. Après qu'on réagisse comme ça, c'est ce qu'attend la production et je ne leur ferais pas ce plaisir.
Elle savourait sa pomme, ce qui me faisait plaisir pour elle. Après tous les efforts qu'elle avait mis dans le découpage du steak pour finir par un échec cuisant, elle méritait bien un peu de réconfort fruité.
C'est mauvais aujourd'hui, mais qui sait ? Peut-être que cela s'améliorera au fil des jours…
Je tentais d'être la plus convaincante possible. Mais vu que j'avais du mal à y croire moi-même, je me doutais que cela ne fonctionnerait pas. Après, rien ne m'empêchait d'essayer. En attendant, mon calme semblait impressionner Khadi qui me demandait comment je faisais :
Je relativise. Je me dis que cela pourrait être bien pire et surtout qu'il y a sur cette planète pas mal de monde qui serait ravi d'être à notre place, même dans ces abysses. On est des privilégiés et on se doit de profiter à fond de notre aventure. Surtout si celle-ci doit s'arrêter dimanche soir.
Bien sûr, je serais frustré de n'avoir connu de Fake Lover que les abysses. Mais bon, j'ai déjà eu la chance d'être présélectionnée pour cette étape. Il ne fallait donc pas que je me plaigne, que j'y aille à fond, afin de n'avoir aucun regret surtout si c'était ma seule semaine d'aventure.

La grande force de ces abysses, c'était la vérité des personnes que l'on pouvait y trouver. On avait tous un parcours différents et bizarrement, on avait tous décidé de venir postuler pour la même saison de Fake Lover. En tout cas, pour ceux que j'avais rencontrés, cela présageait une aventure des plus sympathiques. Pas de tout repos, certes, surtout avec des caractères aussi forts que Khadi, mais vraiment génial malgré tout. Après, elle n'avait pas tout à fait tort, la faim pouvait déclencher des réactions extrêmes.
La faim est l'une des choses les plus nécessaires à l'homme. Après tous les aliments peuvent se subsituer à d'autres… Et puis si un être humain finit par ne plus avoir à manger, tant qu'il peut boire, il peut survivre.
C'était une simple question de physionomie pure. Mais, bon je comprenais sa réaction. Ainsi que son attitude. On était tous différent et c'est ce qui faisait notre force. Toute sourire, je profitais de sa remarque pour ajouter un petit quelque chose :
Tu sais, moi c'est l'inverse. Je trouve que depuis quelque temps, je planifie trop, je suis devenu ennuyeuse. J'aimerai bien être un peu plus comme toi, pétillante, à vivre au jour le jour.
Deux contraires qui se percutaient de plein fouet. Deux femmes qui admiraient l'autre pour être ce qu'elle n'était pas. Voilà ce qu'on était et cela me fascinait. En attendant sa manière de penser me plaisait beaucoup, c'était clair, net, précis. Et surtout, surtout, c'était absolument juste. Après, on pouvait ne pas être d'accord avec elle, mais personne ne pouvaient dire que ces arguments ne tenaient pas la route. En attendant j'étais un peu perturbé par sa question, ne sachant pas trop quoi lui répondre. Mais bon, comme toujours, ce sentiment ne dura pas longtemps.
Il n'y a pas de seuil particulier. Je me plains régulièrement tu sais… Mais ça ne dure jamais bien longtemps. Je trouve ensuite, toujours, une solution pour arranger les choses et à partir de ce moment-là, le sourire revient.
Si la vie m'avait bien appris quelque chose, c'était d'être réactive. Toujours réfléchir à cent à l'heure, ne jamais se laisser abattre et quoi qu'il arrive ne jamais perdre son sourire. J'ai perdu ma joie de vivre pendant pas mal de temps et vu les ennuis que cela m'a apporter, je me suis promis de ne plus jamais recommencer.