Vous vous souvenez quand j’ai dit que je n’étais pas une femme bonne à marier, eh bien sachez que je n’exagérait pas le moins du monde. Car en plus de frapper mon compagnon de chambre dans mon sommeil, d’ignorer comment faire un café et de détester les machines à laver, j’avais une sainte horreur de cuisiner. La plupart du temps j’ouvrais des boîtes de conserve, parfois je me faisais réchauffer les plats préparés à l’avance par mon délicieux boucher. Mais à FAKE LOVER, il n’y avait point de boucher. En tout cas, pas dans le sens premier du terme. J’avais alors décidé de faire un effort surhumain afin de préparer des muffins au chocolat. Un projet bien ambitieux pour une candidate n’ayant jamais utilisé un four, je vous l’accorde. Cependant j’étais particulièrement motivée et euphorique en cette journée du 8 février, et j’avais l’impression que tout pouvait me réussir. J’ouvris donc le four où j’avais déposé mon œuvre d’art un sourire aux lèvres, attrapant le plat avec deux serviettes de table. Grosse erreur. J’eus à peine le temps de le poser sur le bord du plan de travail qu’il me brûlait les doigts, m’obligeant à le lâcher à la hâte. Je poussai un cri de douleur tandis que les serviettes tombaient sur le sol, sautillant partout dans l’espoir de diminuer mon mal, en vain. Je ne trouvais rien de mieux que me précipiter vers le lavabo, en oubliant que le placard d’où j’avais sorti le plat était encore ouvert. Bim. Ma tête heurta le meuble sans ménagement, me faisant hurler de rage. « PUTAIN ! » Le seul point positif était que cette souffrance atténuait momentanément celle de mes mains en feu. Je refermai le placard d’un geste hargneux, reculant d’un pas sur la serviette. Malheur. Voilà que je me retrouvais les fesses par terre, les doigts brûlés et une bosse sur la tête. Parfait moment que choisit le plat en équilibre pour basculer sur le sol, répandant mes gâteaux trop cuits autour de moi, tel un dernier hommage. « Euh Dieu, fallait le dire si je dérangeais ! » lançai-je ironiquement en observant le plafond.

Gabrielle s'était posée avec délicatesse sur le canapé, elle croisa ses jambes sur ses fesse, une position bizarre, comme à son habitude. A croire que la jeune femme ne pourrait jamais s'asseoir normalement, de façon civilisée. Non c'est apparement impossible pour la petite rousse. Son verre d'eau fraîche à la main, la jeune femme observait les habitants qui passaient devant elle. Elle s'appretait à porter le verre à ses lèvres lorsqu'un bruit se fit entendre. « PUTAIN ! » Ce cri résonna jusqu'au salon, la rousse sursauta brusquement, en renversant son verre d'eau..sur elle. Son haut était trempé. Et m*rde, c'était toujours à elle que ce genre de chose arriva. Heureusement que son verre n'était pas rempli à ras-bord. Gabrielle se leva doucement, posa son verre d'eau sur la table, tirant l'extrémité de son haut pour éviter que celui-ci ne lui colle à la peau. La rousse se dirigea dans la cuisine, histoire de connaître l'origine de tout ce bruit, et de connaître la responsable. Celle qui lui avait fait involontairement renversé son verre. Gabrielle tomba sur un étrange spectacle. « Je pense pas que dieu soit le seul responsable. » déclara t-elle en avisant Sixtine assise sur le sol, entourée de gâteaux à moitié brulés. La candidate tendit sa main à la blonde, pour l'aider à se relever.

Une candidate vint à ma rescousse, certainement alertée par tout le boucan que ma tentative de cuisiner avait engendré. C’était le petit singe de Syssoï, la jolie Gabrielle. J’avais noté un point commun entre elle et moi : nous étions deux poids plume exerçant un métier d’homme. Je grognai un moment à sa remarque pour manifester mon désaccord. « Si tu avais assisté à toute la scène, tu n’aurais pas eu le moindre doute ! » J’attrapai sa main tendue afin de me relever, la remerciant d’un pâle sourire. Bon sang, j’avais l’impression d’avoir un œuf de pigeon sur le front et du béton à la place des fesses. Je me dirigeai vers le frigo, en extirpant un pack gel que j’appliquai soigneusement sur ma bosse non sans une grimace sous l’effet du froid. Comme si on ne caillait pas assez dans ce château . . . Puis j’observai les dégâts avec une mine de dépit. J’étais tellement déçue de voir mes muffins ainsi ruinés que j’en aurais presque pleuré. Cependant mon regard s’illumina lorsqu’il erra sur le plan de travail où un gâteau semblait avoir survécu à la vague de poisse. Il trônait là, avec son enrobage un peu trop noir, tel un diamant au milieu de la boue. Je me précipitai vers mon petit chef d’œuvre, l’attrapant entre mes doigts libres. Je n’étais jamais parvenue à un tel résultat, qui constituait pour moi un véritable exploit. « Tu veux goûter ? » demandai-je à la rousse d’une voix pleine d’espoir. Avec mes petits yeux qui brillaient, elle ne pourrait pas refuser, n’est-ce pas ? « J’adore tes cheveux, au fait » ajoutai-je comme pour achever de la convaincre, au cas où mes yeux bleus ne suffiraient pas. Mais c’était la pure vérité, sa chevelure me fascinait chaque fois qu’elle virevoltait devant moi.

« Si tu avais assisté à toute la scène, tu n’aurais pas eu le moindre doute ! » « Vu le carnage , j'ai pas de mal à le deviner. » Un sourire s'etire sur les lèvres charnues de la rousse. Sixtine saisit sa main, et se lève, elle sourit à peine. Elle doit avoir mal, c'est évident. Gabrielle l'observe. La jeune femme la tire légèrement vers elle, pour l'aider à lever définitivement ses fesses du sol. Sixtine sort une poche de glace, et la met sur sa bosse. Pendant ce temps, Gabrielle s'occupe de son tee-shirt, elle fait un noeud au bout, comme ça elle n'a pas à sentir la partie du tissus qui est trempée contre sa peau, qui est déjà si froide d'ordinaire. Elle voit Sixtine bouger, elle comprend rapidement, la blonde tient son seul gateau survivant. Gabrielle le trouve vachement noir. « Tu veux goûter ? » Elle n'avait pas tellement faim à cette heure-ci, mais pour Sixtine, elle ferait un effort. Et par gourmandise aussi. « Avec plaisir. » murmura la rousse à l'égard de l'autre candidate. Gabrielle prend pas sur une chaise qui trainait non loin, elle s'asseoit en tailleur sur la chaise. « J’adore tes cheveux, au fait » Elle sourit discrètement. « Et moi tes yeux. » annonce t-elle en levant ses yeux vers Sixtine. Ceux de la blonde étaient d'un bleu, magnifique.

Visiblement Gabrielle ne croyait pas en une intervention divine exclusive. En fait moi non plus je n’y croyais pas habituellement, mais il fallait avouer que dans ce cas je me livrais à cette déduction de bon cœur. La poche de glace sur ma bosse je lui tendais un gâteau de ma conception qu’elle accepta. La pauvre, il était vrai qu’il ne donnait pas franchement envie avec sa croûte noire, mais ne disait-on pas de ne pas juger un livre selon sa couverture ? Si ça se trouvait j’avais des talents de cuisinière longtemps ignorés. Ou pas. Le muffin quitta mes doigts pour rejoindre ses lèvres pulpeuses, et mon regard brillait suivait chacun de ses mouvements. J’attendis un instant avant de lui demander avec beaucoup, beaucoup d’espoir. « Alors ? » Son jugement était réclamé par la partie intéressée. Je me plaçai devant elle tout en restant debout tandis qu’elle répondait à mon compliment par un autre. On m’avait souvent fait des remarques concernant mon regard, et pas toujours agréables. On m’avait parfois rétorqué qu’il faisait flipper, qu’il mettait mal à l’aise, ce genre de choses toujours bonnes à entendre . . . Gabrielle semblait sincère, ce qui me retira un sourire. « Merci » dis-je simplement, attendant le verdict sur mon gâteau.