Je m’éveille dans l’obscurité. Ca m’arrive à peu près deux fois par semaine, j’ouvre les yeux et j’ai faim. Vraiment faim. J’écarte les couvertures et me glisse hors du lit, enfilant une veste verte ainsi que mes chaussons. Je baille à m’en décrocher la mâchoire, heurtant le coin d’un meuble en tentant de quitter la chambre discrètement. Punaise, ça fait un mal de chien. J’étouffe un cri de douleur, puis rejoins les escaliers. J’arrive bientôt dans la cuisine, baignée un raie de lumière lunaire. Au lieu d’allumer l’interrupteur, je sors trois bougies du tiroir central et fait craquer une allumette. C’est beaucoup moins agressif. Je me gratte la nuque, prenant une casserole que je remplis d’eau. J’attends quelques minutes en lisant les instructions derrière une boîte de corn flakes, attendant la température d’ébullition. Je verse des pâtes à l’intérieur et m’assoit sur une chaise, tentant de me concentre sur la lueur dansante des flammes. Mais bientôt ma tête tombe doucement sur le côté, je me livre de nouveau à Morphée sans prendre conscience que l’eau est en train de déborder. Il est vrai que le plus simple aurait été de me composer une salade . . .

Je n’ai pas beaucoup mangé au repas du soir : j’avais mal au ventre et préférais ne pas ingurgiter trop de nourriture mais, du coup, j’étais affamée. Je soupirai en sortant de lit, doucement pour ne pas réveiller mon partenaire de la semaine et me dirigeai à pas de loups vers la cuisine vêtue d’une robe de chambre bleue et de pantoufles en forme de lapins. C’est super mignon et tout doux. Arrivée dans la cuisine je sens une odeur de brulée et entends un bruit bizarre, je vois alors Sixtine devant le feu, plus précisément devant une casserole dont l’eau déborde, c’est ça l’odeur et le bruit, l’eau qui touche la plaque se transforme en vapeur instantanément. Je me précipité et retire la casserole du feu avant d’éteindre la plaque. Je me tourne alors vers Sixtine, flute et si elle était somnambule maintenant hein ? Je posai doucement ma main sur son épaule et demande « Sixtine ? »

Je suis en pleine manif, en train de gueuler comme un putois dans un micro. J’affirme avec véhémence que les extra-terrestres sont sur le point de nous envahir, et qu’il faut réunir toutes les bombes insecticides de la planète pour se préparer à un assaut mondial. Oh mon dieu. Si Zhara ne m’avait pas éveillée, j’aurais continué longtemps à déblatérer ces imbécilités sans aucun sens. A la place je me réveille en sursaut, levant soudain la tête en ne manquant pas d’assommer la brune d’un coup de tête imprévisible. Aïe. Deuxième bosse de l’aventure pour moi. Je marmonne quelque chose d’incompréhensible ressemblant à « gnarole peu ? », me frottant la tête en grimaçant. Je me rends compte que j’ai heurté la demoiselle, aussi je m’empresse de reprendre mes esprits pour lui murmurer un « Oh désolée, attends ! » en faisant glisser mes mains sur ses joues. Je l’examine un instant avant de la lâcher, ça ne devrait pas être trop grave. Cependant j’attrape un paquet de glace dans le frigo avant de le lui tendre, esquissant le sourire crispé du coupable. Je remarque au passage qu’elle a retiré ma casserole du feu. Bonne initiative. Je m’approche du contenant et verse les pâtes dans une passoire, agitant le tout en observant Zhara. « T’en veux ? » Je prends deux assiettes sans même attendre sa réponse, puis je m’empare du beurre que je pose sur la table. « C’est ton nouveau partenaire qui t’empêche de dormir ? » Je ne me souviens pas du tout de qui elle a hérité, mais je ne serais pas étonnée d’apprendre que les nouveaux couples donnent lieu à des insomnies collectives.

Elle relève la tête et boum, me met un coup de boule. Je me recule et pose d’instinct ma main sur la zone douloureuse. La jeune femme prononce ensuite quelques mots incompréhensible alors qu’elle semble se réveiller d’un micro sommeil. « Oh désolée, attends ! » dit-elle en prenant mon visage dans ses mains, elle semble m’observer comme si c’était elle la médecin ici, ce qui me fit un peu rire d’ailleurs mais l’intention était gentille et j’appréciais. Elle me tend ensuite un paquet gelé et je le prends pour l‘appliquer doucement sur mon crane. « Merci, au pire j’aurai une bosse, tu n’es pas assez forte pour me faire une commotion cérébrale. » dis-je en riant, de toute manière si j’en avais une, de commotion, on l’aurait tout de suite remarqué. « T’en veux ? » me demanda-t-elle alors qu’elle avait cuit ses pâtes, je hochai doucement la tête, j’étais venue pour ça après tout. « Avec plaisir ! » dis-je en me mettant devant l’assiette qu’elle avait remplit de pâtes, je me tournai pour prendre le fromage dans le frigo : des pâtes sans fromage ce n’est définitivement pas pareil. Enfin après tout dépend la sauce et les pâtes, il y en a tellement ! « C’est ton nouveau partenaire qui t’empêche de dormir ? » je secouai la tête. « Non, ça va encore, je crois qu’il essaye de ne pas trop prendre de place, j’ai presque l’impression d’avoir la réputation d’être complètement frigide. » dis-je en sortant le paquet de fromage du frigo, je me tournai alors vers la jeune femme et en mit un peu sur mes pâtes avant de le lui tendre. « Mais bon, au moins j’évite les attouchements divers et variés. » dis-je en riant.

Je décompresse un peu lorsqu’elle m’affirme ne pas avoir de commotion cérébrale, c’est vrai que bon, je n’ai pas une force herculéenne. Je me détends, sale mes pâtes en lui tendant son assiette. Je ris à sa remarque. La pauvre est en effet vue par la majorité des candidats comme une sorte d’intouchable, mais cela n’est pas plus mal. La suite agrandit mon sourire. « Ah ouais, tu crois ça ? » Je lui lance un regard provocateur, limite pervers, puis je m’approche d’elle en lui glissant ma main sur la sienne de façon suggestive pour attraper le fromage. Je la caresse quelques secondes avant d’avancer mon autre main qui vient chatouiller ses côtes. Je me mets à rire en parsemant mes pâtes de gruyère. Alala. Peut-être qu’elle évite les attouchements de son nouveau partenaire, mais il me semble bien qu’elle n’est pas parvenu à en esquiver certains. « Tu ne m’avais pas l’air si frigide avec Baptiste en tout cas. » Ca a le mérite d’être direct, vous en conviendrez. Je gobe une bouchée de mon plat en m’installant sur un siège, lui jetant un regard rempli de sous-entendus. Je continue de sourire bêtement, la bouche pleine. Je les ai surpris deux jours auparavant, Zhara les mains accrochées aux boutons de la chemise de flic du jeune homme, et n’importe qui aurait pu se poser un tas de questions en étant témoin de cette scène. Mais j’avais pris mes responsabilités en leur filant des capotes, même si je suis à peu près certaine qu’il ne s’est rien passé. Enfin ici, on n’est jamais sûr de rien. C’est donc une façon indirecte de lui faire cracher le morceau, parce que si elle n’est pas restée innocente ça se verra immédiatement sur son visage.

« Ah ouais, tu crois ça ? » dit-elle avec un regard bizarre qui me fait hausser les sourcils, elle caresse alors ma main d’une manière vraiment étrange et légèrement déplacée, je la retire alors doucement, parce que je sais qu’elle ne pense pas à mal bien sur, elle me taquine simplement. « Coincée is the new chic, c’est ça ? » demandais-je en levant mes yeux rieurs vers elle. J’enfourne ensuite une fourchette de pâtes juste quand elle me parle de Baptiste. J’avale vite fait et je secoue la tête. « [colorteal]Il est fou, complètement fou. C’est pas comme si tout le monde savait que le sexe est prohibé chez moi.[/color] » dis-je en haussant les épaules, je n’avais pas du tout apprécier le fait que Baptiste ai fait ça, enfin surtout le fait qu’il ait persisté.

Je ris un peu à sa remarque. Ouais, le new chic. Il faut dire que pour la plupart, nous n’avons pas l’habitude de côtoyer des individus aussi innocents que Zhara, ou Franckie. « Bah, tu t’en fiches de ce que pensent les autres de toute façon. Sois-toi-même quoiqu’il arrive, mais tu as l’air de déjà suivre ce conseil. » Je ne vois pas la brune comme une personne susceptible de changer de comportement uniquement par l’influence d’autrui, et cette remarque à propos de Baptiste reflète parfaitement ma pensée. Il ne faut pas qu’elle s’attache trop au jugement des autres, et je n’ai pas l’impression qu’elle le fasse habituellement. Mais dans un tel contexte, dans ce jeu, c’est différent. On est davantage soumis à la pression des avis d'autrui. Je lui souris doucement en penchant ma tête sur le côté. « Oh tu sais, c’était simplement pour plaisanter, il ne serait jamais allé très loin sans ton consentement. » Enfin, j’espère ! Y’a qu’à voir, il a même remballé Wini quand l’ambiance est devenue trop électrique. Si ça se trouve, il n’est pas aussi ‘je saute sur tout ce qui bouge’ qu’il veut bien le laisser croire. Il ne va jamais bien loin, et ce qu’il fait dans ce genre est souvent pour rire, de façon légère. Cependant je comprends le point de vue de Zhara, qui n’est visiblement pas habituée à ce genre de choses, même pour s’amuser. Ce n’est pas évident de vivre un choc des idées comme ça, sans compter que sa famille est sûrement scotchée devant la télé, même si les membres qui la composent n’approuvent pas forcément son entré dans le château. Alors si en plus elle commence à participer à des strip teases et se faire peloter par les candidats, le retour risque d’être dur ! « Ca ne te fais pas peur, de devoir attendre le mariage et tout ? Tu es vraiment décidée à respecter ça ? » Ca implique : un, de se marier assez rapidement et deux, d’être susceptible d’être déçue ou dégoutée à vie des relations sexuelles en cas d’incompatibilité. Et ça existe, vous pouvez me croire. Suffit qu’elle tombe sur un fétichiste bizarre, un masochiste, un impuissant, bref. Je plonge à nouveau ma fourchette dans mes pâtes et engloutis trois nouvelles bouchées.