J’ai les yeux grands ouverts, les bras retombant de chaque côté de mon corps par-dessus les couvertures, fixant le plafond depuis près de deux heures. Je vais pouvoir faire concurrence aux zombies du cimetière demain, ça me paraît évident. Non pas que cela soit d’une grande importance, mais l’idée d’être épuisée de me réjouit pas particulièrement. Et tout ça, bien entendu, à cause de Cro-Magnon. Je tourne la tête sur l’oreiller, jetant un regard accusateur en direction du jeune homme qui semble paisiblement endormi. Je me suis suffisamment habituée à l’obscurité pour distinguer les moindres détails, et je perçois sa silhouette à mes côtés sans la moindre difficulté. Sa respiration régulière m’agace au plus haut point, et son petit air tranquille sur le visage, c’est tout simplement révoltant. Je m’oblige à rester éveillée afin d’éviter de ruiner son sommeil, et je vis ça comme un retour en arrière injustifié. Milan s’est accoutumé à mes coups de pieds et ma chevelure intrusive, mais pour Connor ce n’est pas la même affaire. Je crains ses foudres si j’ose ne serait-ce que poser un doigt de son côté du lit. Je souffle doucement et entreprends de vérifier ma théorie, pointant un index sur son épaule, la poussant légèrement. Aucune réaction. Finalement, il est peut-être suffisamment plongé dans ses rêveries pour ne pas être dérangé par mes prouesses nocturnes. De toute manière je ne vois pas pourquoi je lui offre le plaisir de me retenir, il m’a balancée en prison et m’a subtilisée mon haut de maillot en l’espace de deux semaines –d’ailleurs, il faudra que je pense à le récupérer-. Je ne lui dois donc rien, et le voir sursauter sous mes assauts serait en vérité plutôt délectable. Un rictus moqueur prend possession de mes lèvres à cette pensée, cela me donne presque une idée. Un peu comme les suicidaires qui incitent autrui à se jeter d’un pont avec eux pour ne pas mourir seuls, je décide d’embêter mon charmant partenaire pour éviter d’avoir à compter les moutons. De toute façon, je sais qu’il me faudra encore une heure avant de trouver Morphée. Je me mets à plat ventre sur le matelas, posant ma jambe gauche par-dessus son ventre avec délicatesse, l’installation nécessitant une certaine discrétion. Puis je relève légèrement ma tête et la secoue afin de faire basculer la majorité de ma longue chevelure de son côté, quelques mèches chatouillant son visage serein. Je balance alors mon bras comme un marteau, qui tombe lourdement sur son torse. Mais je n’ai le droit qu’à une espèce de grognement pour toute réponse, ce qui me retire une petite moue déçue. C’est qu’il n’a pas l’air décidé à se réveiller le Connor . . . Je me creuse les neurones pour trouver le meilleur moyen de le tirer de là. J’hésite à le désaper, lui hurler dans les oreilles, lui coller une claque, lui susurrer des mots salaces, mais finalement j’opte pour souffler au creux de son oreille. C’est pas juste insupportable ça ? Si, j’en suis convaincue. J’ai l’impression que ça marche, alors je me hâte d’enfouir mon visage dans le coussin pour lui faire croire que je dors, alors que je pouffe discrètement comme une gamine fière de sa dernière bêtise, ma jambe, mon bras et mes cheveux toujours en position. Ah j’vous jure, ce château fait sacrément régresser.