FRANCKIE

La salle de musique dans le sous-sol représente assurément le lieu artistique par excellence de l'émission. Quoi de mieux pour révéler toute notre créativité enfouie au fin fond de nous-mêmes que cette pièce du château ? J'entraîne Franckie dans les escaliers, d'un air hautement mystique, tandis que mes bras sont occupés par tout un tas de matériel. Enfin arrivé à destination, je le fais s'asseoir avec fermeté sur l'un des coussins éparpillés de droite à gauche dans la grande salle. Je m'éloigne quelques secondes de lui pour filer jusqu'à la sono dans laquelle je glisse un CD appartenant à toute la panoplie que j'ai préalablement compilé pour l'occasion. La musique se met à retentir dans les basses et un grand sourire se dessine sur mes lèvres. Entraîné par le rythme, je fais un petit pas chassé pour rejoindre le jeune homme. Je crois que T-rex produit un effet très étrange sur ma personne, mais j'espère que le son se montre assez dynamique pour satisfaire ce que j'ai prévu. Je me pose à même le sol en face de lui, jambes croisées, tandis que j'éparpille entre nous tout ce que j'ai subtilement récupéré dans le cellier. Crayons, feutres, pinceaux, peintures... Mais pas la moindre feuille de papier à l'horizon. Je le laisse admirer mon petit butin, d'un air mystérieux, patientant quelques secondes le temps que son cerveau suscite quelques questionnements à propos de mes intentions, avant de parler d'une voix assez forte pour couvrir les paroles de la chanson. « Tu n'as jamais rêvé de dessiner sur les murs, très franchement. » je lui demande, les yeux brillants.

J'avais accepté de suivre Elvis, en pleins milieu de l'après midi, ne sachant trop ce qu'il voulait me montrer. Bon, j'avais très certainement une confiance trop aveugle en lui pour que je ne puisse lui refuser quoi que ce soit. D'ailleurs je refusais rarement quelque chose, à n'importe qui. Il avait en sa possession un incroyable matériel, ce qui lui occupait toute la largeur de ces bras. Cette vue me fit sourire, me rappelant avec joie l'effet cartoon que cela produisait, toujours plus. Finalement c'est au sous sol, dans la salle de musique que nous trouvions notre bonheur. Obéissant, je m'asseyais à l'endroit où il m'avait ordonné -encore une fois, c'est un grand mot- de me poser et attendais la suite avec impatience. Je le vis se diriger vers la chaine hifi dans laquelle il introduisit un CD. Bientôt, la musique résonnait à pleins fouets dans toute la pièce, musique qui m'était tout à fait inconnue. Finalement, face à moi, il déballa une ribambelle de matériaux et ustensiles pour dessiner, peindre mais aucune feuille à l'horizon. Mon sourcil droit s'arqua alors que je m’apprêtais à faire la remarque. Cependant il fut plus rapide. « Tu n'as jamais rêvé de dessiner sur les murs, très franchement. » un sourire enfantin fendit alors mon visage en deux. Balayant les outils des yeux, je revenais ensuite sur le visage du jeune homme « Mais... Mais on a le droit ? » lâchais-je naïvement alors que je m'avançais pour me placer à ses côtés, saisissant vivement un feutre vert et un second rouge, n'ayant cependant aucune idée de ce que je pouvais bien faire de ces deux couleurs, classées comme complémentaires. Finalement mes yeux se rivèrent dans ceux du jeune homme, comme pour attendre ses instructions.

Un sourire se dessine sur mes lèvres en réponse à celui qui a éclairé le visage du jeune homme quand je lui ai exposé mes intentions. Comme un effet domino. Je ne suis pas très expressif en règle générale, mais dans ce cas précis, les sourires de Franckie sont tout simplement trop communicatifs pour que je reste de marbre lorsque l'un d'entre-eux intervient dans la conversation. Je me passe la main dans les cheveux, tandis que le candidat me rejoint sur le sol. « Mais... Mais on a le droit ? » me demande-t-il. En fait, je ne me suis pas tellement posé de question depuis qu'une pulsion artistique a pointé le bout de son nez dans mon esprit. Je me gratte machinalement le sommet du crâne, tandis que je prends en considération ses interrogations. Ce n'est pas vraiment comme si on risquait de réellement dégrader la grande demeure, puisque les murs de la salle de musique sont de toute manière recouvert de papier peint et il ne me semble pas que Cupidon ait mentionné une quelconque règle à ce propos. Je lui réponds, une légère moue collée aux lèvres, révélant les réflexions internes qui se bousculent à l'intérieur de ma tête: « J'imagine que oui. » J'hausse les épaules, pas vraiment sûr de ce que j'avance à cent pour cent.« Dans le pire des cas, on s'improvisera un atelier nettoyage si Cupidon ne parvient pas à apprécier nos talents artistiques. » Ce qui risquait de s'avérer vrai concernant mes propres méthodes de dessin, plutôt rudimentaires. Mais passer une éponge sur un mur ne devrait pas demander un effort considérable, donc je ne voyais aucune raison de ne pas réaliser le rêve de tous les gamins de la planète. Je me penche et saisit un feutre rose, loin d'être une couleur pour les vrais bonhommes, mais ça m'était plutôt égal. « Alors, tu es prêt à affronter les foudres de l'angelot du château ? » je lui demande, en clignant des yeux.

« J'imagine que oui. » me répondit-il en haussant les épaules. Bon alors si on avait le droit, c'était bon non ? Et puis peut-être que les murs étaient genre de grandes ardoises faciles à effacer. Oui bon j'en doutais tout de même fortement. « Dans le pire des cas, on s'improvisera un atelier nettoyage si Cupidon ne parvient pas à apprécier nos talents artistiques. » un léger rire s'échappa de mes lèvres. Aucun doute que l'on devrait alors nettoyer juste après, mais bon, au final ce n'était rien comparé au bon moment que j'étais sûr que nous allions passer. « Alors, tu es prêt à affronter les foudres de l'angelot du château ? » je le fixais, les yeux scintillant d'une excitation toute particulière, tel un gamin s’apprêtant à faire la bêtise la plus drôle et amusante du siècle. Me relevant, je déposais un baiser sur la joue du jeune homme avant de lui sourire de toutes mes dents « Ça va être drôle ! » j'accourais alors jusqu'au mur et le balayais du regard pour prendre en compte sa superficie. Il était plutôt grand, je doutais donc de pouvoir le recouvrir de graffitis et autres dessins mais je ferai tout mon possible pour ne pas décevoir mon camarade. Me léchant les babines, minutieusement, je me mis à dessiner la première chose qui me passait par la tête. Oui, un chien rouge et vert, vous n'en aviez jamais vu n'est ce pas ? C'était une révolution dans le milieu naturel. Mais après tout pourquoi pas ? Dessiné aux feutres le pauvre ne ressemblait pas à grand chose mais pour tout vous dire moi j'le trouvais cool. Et puis il était assez grand tout de même, vous savez le genre de chien taille poney sur lesquels les gamins s'amusent à monter ?

Il rit, ses yeux brillent autant que ceux d'un gamin le jour de Noël et il me dépose même un baiser sur la joue. Je suis heureux de constater que j'ai vu juste en pensant que Franckie s'amuserait de ce que j'avais préparé. Très sincèrement, quel enfant n'a jamais rêvé ne serait-ce qu'une fois d'imprimer sa patte sur un mur ? Néanmoins, pour une raison qui m'échappe, ceci est une activité strictement prohibée par la société. Mon contentement se révèle à travers un simple et grand sourire qui franchit mes lèvres. Je ne suis pas spécialement expressif dans mon genre, il s'agit là d'une grande preuve des bons sentiments que j'éprouve en compagnie du jeune homme. « Ça va être drôle ! » déclare-t-il toujours aussi euphorique, avant de rejoindre l'une des cloisons de la pièce avec rapidité, en uniquement deux ou trois pas de géant. Je m'avance à mon tour, muni d'un feutre, et j'observe pendant un court instant les formes qui apparaissent de la main de l'habitant sur la surface murale. Je crois reconnaître le début d'un chien. Bien entendu, son dessin s'annonce assez génial, ce qui est plutôt compromis me concernant. Mes talents artistiques son réduits à néant, je suis nul. Peut-être presque autant que Sixtine, d'après ce qu'on raconte sur son coup de crayon. Malgré tout, je me lance. Au pire, Franckie repassera après moi pour améliorer la chose. Je me donne pour mission de dessiner une sorte de wookie poilu, parce que oui, dans mon esprit une créature de la guerre des étoiles est un équivalent tout à fait normal d'un animal. Je m'écarte et admire la catastrophe, grandeur nature car faite à ma taille, d'un air perplexe. « Tu crois que ça peut faire un Chewbacca convainquant ? »

Mon chien était affreux, réellement, je le pensais. Mais de toute manière je n'étais jamais content de mes créations, peut-être parce que la plupart d'entre elles n'étaient que bancales, bourrées de défauts, trop imparfaites. Je me torturais littéralement l'esprit à chaque coup de crayon que je pouvais faire. Seule la bande dessinée me fascinait réellement. Mes personnages n'avaient pas besoin d'être parfaits pour me plaire, je les faisais à l'image qu'ils devaient être à mes yeux. Et puis une personne sans défaut, ce n'est pas drôle n'est ce pas ? M'étirant de tout mon long, je me permettais quelques pas en arrière pour observer mon oeuvre avant d'être interpellé par mon camarade « Tu crois que ça peut faire un Chewbacca convainquant ? » me retournant, je posais mes yeux sur son dessin. Étrangement, je le trouvais charmant. Dans le sens où bien qu'enfantin, il était tout à fait mignon. Petit, il m'était arrivé de dessiner un homme avec une tête presque similaire... Ce qui n'était, soyons d'accord, pas forcement une bonne chose. Un sourire se dessina sur mes lèvres « C'est un bon début mais il faut améliorer le tout ! » dis-je en m'approchant du jeune homme, tout en relookant de haut en bas, et plusieurs fois l'image comme pour la scanner dans ma tête « Attends je vais t'aider. » Je me plaçais alors derrière le jeune homme, torse contre son dos, tête sur son épaule et une main chacun tenant le dit stylo. « Alors tu vois, tu t'occupes dans un premier temps de la forme englobante, pas besoin d'entrer dans les détails en premier » nous retracions à côté de Chewbacca v1.0 son meilleur copain, Chewbacca v2.0 qui, je l'espère ne serait que meilleurs que l'original « T'as pas besoin d'attaquer le corps tout de suite, la tête est la base de tout, une fois que tu as tracé le crâne, tu repères où placer les yeux, qui doivent être parallèles, le nez, en leur centre et la bouche qui doit être placée dans la partie inférieure. » c'était stupide dit comme ça mais pourtant, beaucoup se trompaient sur les proportions du visage. Notre petite tête avançait petit à petit et commençait enfin à ressembler à quelque chose une fois les yeux terminés « Tu vois, c'est pas compliqué ! » lâchais-je sur un ton enjoué, un sourire aux lèvres.

Il s'écarte de son propre dessin pour jeter un coup d'oeil à mon oeuvre, avant de me faire part de son avis: « C'est un bon début mais il faut améliorer le tout ! » Sans blague. Mon Chewbacca est loin d'avoir une apparence aussi imposante que celle de l'original de la véritable saga. Le mien ressemble davantage à une grosse bestiole poilue, qui plus est difforme, digne des esquisses d'un gamin âgé de dix ans. Pour le moment, la créature semble loin d'être capable de tenir un sabre laser sans se couper la moitié de sa fourrure brune au passage. ]« Attends je vais t'aider. » déclare le jeune homme, en quittant sa place face au mur. Il passe derrière-moi, où mon champ de vision n'est plus capable de le voir et je ne parviens à déterminer sa position seulement lorsque je sens son torse venir se coller contre mon dos. Je ne peux m'empêcher de remercier le destin, qui a fait que nous ne sommes que deux dans la salle de musique. Un grand nombre de candidats s'intéresse de près au duo que nous formons, Franckie et moi, effectuant bien souvent des conclusions plus ou moins hâtives à notre sujet. Je ne sais pas ce que ça donne de son côté, mais personnellement je ne cesse de devoir justifer mes sentiments à l'égard de l'habitant. J'imagine qu'il aurait suffit d'une paire de yeux indiscrètes pour que les rumeurs aient de bon train au sein du nid uniquement au bout de quelques heures. Les commérages se prolifèrent dans le château aussi rapidement que la vitesse de la lumière. « Alors tu vois, tu t'occupes dans un premier temps de la forme englobante, pas besoin d'entrer dans les détails en premier. T'as pas besoin d'attaquer le corps tout de suite, la tête est la base de tout, une fois que tu as tracé le crâne, tu repères où placer les yeux, qui doivent être parallèles, le nez, en leur centre et la bouche qui doit être placée dans la partie inférieure. » Ma main est imprimée par les mouvements que le candidat donne au feutre. Il se trouve un peu dans son milieu, les traits de son dessins sont clairs, assumés ce qui denote d'une certaine assurance de sa part. « Tu vois, c'est pas compliqué ! » J'observe le résultat et suis bien obligé de constater que le second Chewbacca est cent fois mieux réussi que le premier. Ils ne sont même pas comparable en fait. Je me retourne pour me retrouver face au jeune homme, avant de lui demander avec un grand sourire: « Tu préfères laquelle des combinaison de nos deux prénoms: Franvis ou Elkie ? »