Sixtine au confessionnal !

Syssoï, quel secret penses-tu avoir découvert ?

J’arrive, j’me pose, j’m’impose ! Comme disent les rappeurs pourris de la banlieue pourrie où j’ai vécu quelques mois en signe de rébellion envers ma mère. Je pose mes fesses sur le fauteuil encore chaud de sa dernière entrevue, et désigne le coussin à Sixtine qui vient tout juste de rentrer. « C’est toi qui a chauffé le siège, Sesta ? » Certainement, vu qu’elle semble souffrir d’un cas rare du syndrome Gilles de la Tourette option Buzz. Je me repositionne bien, puis l’observe en plissant le front. J’en peux plus de son déguisement, elle non plus d’ailleurs, vivement demain que je la retrouve vraiment, elle-même, sans accent à plagier, ni comportement, ni démarche, ni répliques pourries. « T’aurais pas besoin de 5000 euros, par hasard ?» Dans tes rêves ! Pas cette fois... Je ne pense pas aller jusqu’à la révélation, mais j’espère tirer un maximum de cette entrevue. « Prête ? »

Je crois que je vais prendre un abonnement au confessionnal, ou y amener une couette, parce que là ça devient un peu répétitif. C’est pour ainsi dire ma seconde maison, et j’apprécie particulièrement être là cette semaine étant donné la nature de ma mission pourrie. Au moins, entre ses quatre murs, je peux redevenir moi-même. Je me pointe donc dans la pièce munie de deux couvertures, dont l’une d’un rouge criard atterrit sur le corps de Syssoï qui s’installe sur la place pré-réchauffée. « Ouais t’inquiètes, tu n’risques pas d’attraper des cochonneries. » Même si j’imagine que ce n’est pas sa préoccupation principale. Quoiqu’on peut se le demander, avec les échanges qui se trament dans ce château, au moins aussi nombreux que dans un club échangiste. Je tire le fauteuil vers l’avant afin de me rapprocher de Goliath, le positionnant un peu en biais. Puis j’enfonce mes fesses et lève les jambes, les installant tranquillement sur les genoux du jeune homme. J’espère cette fois qu’il ne va pas me jouer le coup du mec froid et assassin, mais je m’y suis préparée, juste au cas où. De toute façon il n’a pas intérêt, sinon il se prend un coup de pied en pleine figure ! « Non ça va, je suis relativement riche en ce moment, mais c’est bien gentil d’avoir pensé à moi. » C’est la première fois que j’ai autant d’argent depuis le début de l’aventure, et je ne peux m’empêcher d’avoir la boule au ventre à l’idée qu’il découvre mon vrai secret cette fois. Même si je ne suis pas trop inquiète, je connais ses talents d’enquêteur, et ils sont bien meilleurs que les miens. Je déglutis, plissant les yeux en dardant sur lui un regard plein d’assurance. « Ready to go ! » If you say so . . .

Sérieux, je pense qu’on devrait nous décerner un titre de propriété pour le confess, ou au moins graver nos prénom sur la porte, qui dirait « Halte, simple mortel ! Ci après s’étend le mystique Royaume de Sieur Syssoï le Rigide et Dame Sixtine la Frigide (pour la rime). Honni soit qui passe sans intention nobles et chastes. Passe ou trépasse, mortel. » ou un truc dans le genre. D’ailleurs, Sixtine doit nourrir le même genre de pensées que moi, puisqu’elle nous apporte deux couvertures qu’elle partage entre nous. Il manque la bouffe, elle perd des points. Elle rapproche son siège du mien, s’installe, puis pose ses jambes sur mes cuisses. Machinalement, plus par habitude, qu’autre chose, je fait voler ses affreuses chaussures qui s’écrasent au sol, bientôt rejoint pas les chaussettes ignobles qu’elle portait. Elle m’annonce fièrement qu’elle est riche en ce moment. J’ai envie de lui répondre que je l’ai toujours été, mais je me tais. Je me contente d’enfoncer le bout de mes pouces sur les points stratégiques de sa voute plantaire. Vous saviez qu’on peut faire gémir de plaisir une femme, comme ça ? Ouai, sauf que c’est pas ce à quoi je m’emploie, je ne tente que de la détendre. Je lui demande si elle est prête, et ses pieds se crispent. Non, elle n’est pas prête, elle ne le sera jamais, mais courageusement elle prétend le contraire. Je met un peu plus de coeur à l’ouvrage, et je demande « Est-ce que tes parents sont très différents de toi ? » Quoi ? Je teste le terrain. Je ne sais pas comment s’y prennent les autres lors des confront, mais moi je joue à la bataille navale, avec toujours le porte-avion en ligne de mire.

J’ai peur que Syssoï se débarrasse de mes sales pattes d’un revers de main, qu’il s’insurge de tant de familiarités, qu’il plaque de nouveau ce masque de froideur que j’ai eu tant de mal à lui arracher. Quand j’y pense, il a sacrément changé depuis le début de l’aventure. Peut-être pas changé remarque, c’est probablement qu’il s’est simplement ouvert progressivement, qu’il nous a laissé voir ce qu’il y a derrière la première impression. Heureusement, parce que sinon, comme Siomha, ça aurait été particulièrement épineux et emmerdant d’alimenter une conversation. Cependant le français balaie mes doutes en me débarrassant des chaussures dans lesquelles je flotte. Un vrai soulagement, pour mon cœur et mes pieds douloureux. Il semble prêt à me rendre la monnaie de ma pièce pour mon petit massage du prime, néanmoins je ne peux qu’espérer que celui-ci trouvera une autre fin. A priori pas de départ à l’horizon, pas de larmes dans les yeux, tout va bien. Un petit soupir de bien être s’échappe de mes lèvres tandis que je penche ma tête en arrière, mes longs cheveux blonds tombant sur le dossier. Je ferme les yeux, oubliant presque que je suis en confrontation, m’imaginant dans un salon de beauté. Je me redresse soudain à sa question, rouvrant mes paupières. Il tente de me soutirer mon secret en m’amadouant par un massage de pieds, et si ça s’trouve il va bientôt se mettre à les torturer. J’éprouve une envie irrépressible de les retirer immédiatement, le front plissé par l’angoisse, espérant qu’il ne planque pas une plume dans son slip. Cependant ma raison prend le dessus et je ne bouge pas d’un iota, me mordillant la lèvre. « Ben, déjà ils sont bien plus vieux. » Ah ah ah . . . non, en fait c’est nul. « Et ils sont beaucoup plus pragmatiques, plus terre à terre, toujours désespérés par mes plans foireux et mon implication illimitée dans toute chose. » C’est certain, mes parents et moi sommes très différents dans le caractère, et sur tous les autres niveaux. « Pourquoi ? »

elle se calme, se détend, relâchant muscles et tête au point que celle-ci se renverse sur le dossier, ne m’offrant plus qu’une vue partielle de son cou et son menton relevé. J’en profite pour poser ma question. Premier indice : celle-ci se redresse brusquement. Deuxième indice : elle m’offre une blague foireuse signe incontestable d’embarras chez Sixtine. Troisième indice : alors que toute personne m’aurait répondu en parlant du physique, elle m’explique la mentalité de ses parents. Je me contente d’hocher la tête, comme si cette réponse me satisfaisait. Finalement, c’est un peu ça, ses réponses orales non, mais ses réponses muettes oui. Je laisse le silence gagner du terrain tandis que mes doigts s’évertuent à faire redescendre de plusieurs échelons la nervosité croissante dans ces points stratégiques. Je ne sais pas ce qu’elle redoute en cet instant, mais j’imagine qu’il doit y avoir beaucoup d’appréhension liée à notre dernière confrontation au confess, lorsque j’ai exposé sous ses yeux ce personnage que je suis et ne suis pas en même temps, celui que je devrais être. Je la force à pousser un soupir, puis je reprends. « Je parlais essentiellement de différences physiques. Tes yeux. Je sais qu’aucun de tes parents n’a cette particularité, que toi-même tu ne sais pas d’où ça provient. Mais je pense que... » Je marque une pause, laissant mes doigts couvrir un plus grand périmètre. « ... Je pense que ces dissemblances ne s’arrêtent pas là, au point que ton physique puisse être jugé «double» et «illogique».» Voilà que je case les indices reçus par la Prod. J’ai tenté en vain de leur trouver une place dans un désordre mental, avant de m’arrêter sur un détail redondant dans les diverses conversation de la blonde...

Mes yeux. Il s’attaque à mes beaux yeux bleu hypnotiques, ça je ne le permets pas. Non mais oh. Je note toutefois sa perspicacité, il a raison sur ce point. Cela dit je ne vois pas bien où il veut en venir, ce n’est pas rare ce genre de choses. « On ne t’as jamais appris que la couleur des yeux est déterminé par un allèle récessif en ce qui concerne le bleu ? Ca peut très bien être dans mon bagage génétique après avoir traversé des dizaines de générations des deux côtés. » Implacable comme raisonnement, il faut l’avoue. Néanmoins je sens qu’il s’en moque, puisqu’il n’a pas l’intention de me buzzer pour le secret : mes parents n’ont pas mon regard. En effet, il s’attaque à mon physique tout entier. « Quoi, tu crois qu’ils sont obèses ou que ce sont des nains, un truc comme ça ? » Je fais la moue, lui signifiant clairement que je ne vois pas du tout où il veut en venir. Et à propos de dissemblances physiques, je ne perçois que le maigre-gros, grand-petit. Je ferme les paupières pour éviter d’avoir à subir son regard pénétrant, me concentrant sur son délicieux massage qui ferait presque cesser ce boucan qui résonne dans mes oreilles, et qui provient de mon cœur qui semble tout faire pour s’échapper de ma poitrine.

C’est la deuxième confrontation que l’on a, et les pièges du premier m’ont servit de leçon, tout comme ils me permettent de mieux appréhender ses réactions. Elle fait tout pour se dompter, pour parvenir à un timbre linéaire, une expression linéaire, un regard linéaire. Alors que Sixtine est tout sauf linéaire. C’est cette neutralité qui renforce ma conviction d’être sur la bonne voie. « Il peut y avoir énormément de choses dans ton bagage génétique, comme ta couleur d’yeux, ta couleur de cheveux, ou encore... Je ne sais pas, moi... Ta couleur de peau, par exemple... » Je ne l’observe pas, du moins je fais semblant de n’avoir d’yeux que pour ses pieds tandis que je scrute l’angle de mon champ visuel pour ne pas perdre une miette de chaque réactions faciales incontrôlées. Elle poursuit, néanmoins, me demandant si j’imagine qu’elle peut être fille d’obèses ou de nains. Si l’obésité me semble trop banale pour un secret, les nains, ça pourrait être pas mal, je n’y avais pas pensé. Sauf que Sixtine ne parle jamais de nain. Non, son truc à elle c’est les blacks. « C’est étrange la génétique, mon regard, mes yeux se transmettent de génération en génération. Leur couleur particulière et inimitable est à la limite du signe de reconnaissance... Pourtant tu as les mêmes. C’est ce qui m’a fait m’y intéresser, sinon je pense que j’aurais pu passer à côté de tout le reste. Ta peau si claire qui se marie tellement mal avec tes goûts vestimentaires dignes de la sapologie par moment, et du ghetto style à d’autres. Ta façon de t’exprimer. Le quartier dont tu es originaire... » Je marque une nouvelle pause, noyant le poisson pour ne pas lui laisser le temps de se forger une attitude qui annihilerait toute présence de réaction naturelle, puis je me tourne vers elle, scrutant son visage que je connais par coeur à présent. « Tu sais que tu es la seule à avoir noté l’absence de candidat noir, cette saison ? » Je plisse le front, puis ajoute : « Je crois, au contraire, que nous avons déjà un candidat noir. » ça passe, ou ça casse.

Je n’aime pas quand il me sonde comme ça, ça me fait horreur. J’adore être curieuse avec les autres, pénétrer dans leur monde, mais qu’on me fasse la même chose me perturbe hautement. En plus il bénéficie de la confrontation précédente, et peut donc interpréter mes réactions, savoir distinguer le bluff de l’honnête. A moins que je change de tactique, bien entendu. Il s’intéresse donc à ma couleur de peau. De peau, sérieusement ? Je ne peux m’empêcher de lâcher un rire bref, qui signifie que je trouve cette idée ridicule. « Quoi, tu m’imagines en Big Mamma ? » Il poursuit son petit monologue, me fournissant les pistes qui l’ont conduit à cette conclusion. Il est vrai que je viens d’un quartier qui craint, il le sait. Mais c’est un peu discriminatoire d’y associer les noirs, non ? Il sait aussi que j’ai un goût vestimentaire de chiotte et que j’ai éprouvé la volonté –à diverses reprises- de voir un black dans l’émission. Il a soigneusement rassemblé ces informations, et je dois avouer qu’il est très observateur, qu’il stocke bien les renseignements. « Si tu t’attaches à ma préférence pour les beaux noirs, c’est un peu mince comme piste non ? Jaloux. » J’esquisse un sourire, agitant mes doigts de pied pour ne pas qu’il perdre le fil de son massage. Je me demande s’il a songé à l’adoption, comme moi avec Zhara, mais visiblement ce n’est pas le cas. Je pense d’ailleurs que c’est cette dernière qui a le plus de chance de me mettre à nue. « J’suis pas Michael Jackson très cher, désolée de te décevoir. » Ah ça non, si j’étais née noire pas question de me bourrer de cachetons et de subir des opérations chirurgicales. Mais je sais pertinemment qu’il veut dire autre chose.

Je ne saurais dire si elle joue la comédie ou bien se montre franche. Elle est assez douée pour la dissimulation, et c’est ce qui me force à pousser plus encore. Peut être que je me plante, peut être que je suis entrain de me ridiculiser totalement avec cette théorie farfelue, mais c’est la faute de Zhara et Evey, ce sont elles qui m’ont mit sur la piste. Avant même que le secret ne soit validé, l’énoncer a fait émerger cette théorie qui était stockée là depuis un moment sans que je n’ose y toucher. Les pièces du puzzle s’emboîtaient tellement bien que ça en devenait surprenant. Elle m’accuse d’être jaloux en laissant échapper un sourire. Je me contente d’hausser les épaules avec nonchalance « C’est pas faux. » puis de reprendre mon massage dont, finalement, elle semble elle-même reconnaître le besoin. Qui dit possessivité dit jalousie, je n’ai jamais trompé personne là-dessus. Elle embraye sur le thème Michael Jackson, ce qui a pour effet de me provoquer un sourire. Whooooo, cocotte, tu vas arrêter de me prendre pour un lapin, et de te faire passer pour une lapine ? « Oui, c’était totalement ça mon idée, tu es née noire et tu as subis une dépigmentation de la peau parce que tu voulais devenir albinos. » je secoue la tête avec la lassitude du professeur face à un élève particulièrement récalcitrant. « Tu savais que les nourrissons sont tous blancs à la naissance, même les noirs ? Oui, évidemment que tu le sais. La peau ne prend sa couleur que quelques jours plus tard. J’imagine que pendant quelques jours, tu as été une enfant normale, une enfant noire issue de parents noirs. Ce n’est qu’après ce délais qu’ils ont prit conscience que quelque chose clochait, n’est-ce pas ? Quelle a été la réaction de ton père ? Il a imaginé que ta mère l’avait trompé, c’est ça ? » Je bluffe, je bluffe à mort. J’ai l’air sûr de moi, là, non ? Actor Studio, les gars.