Le prime avait touché à sa fin en une drôle et bien triste ambiance. Rory, seule à s'être un peu déchiré la tête et - au début - sans vraiment s'en rendre compte, avait vite comprit que personne n'avait le coeur à se marrer, bien qu'elle ait réussi à décrocher un sourire à l'un ou l'autre candidat. Cela dit, bourrée ou pas, elle savait Connor malheureux et ça, c'était hors de question de laisser passer. Le salon s'était peu à peu vidé et le jeune homme lui avait signe de la tête qu'il sortait. Elle avait acquiescé, simplement. Il avait besoin de souffler et elle d'un grand verre d'eau avant de jouer les épaules solides ... Ainsi, notre petite brunette resta sur son sofa quelques longues minutes de plus à se concentrer ... tenter de reprendre ses esprits et surtout vider cette foutue bouteille d'eau qui l'aiderait peut-être à reprendre pied. Au bout d'un petit temps, elle se sent mieux, plus stable. Ce n'est pas encore la pure sobriété, loin de là, mais elle se déplace sans véritable soucis et sa tête à terminer de jouer à la balançoire dans sa boite crânienne. Se redressant et toujours la bouteille d'eau en main, Rory quitte la villa. Elle enfila un gros pull et arpente le parc à la recherche de son compagnon. Aucune trace du beau. C'est alors qu'elle se douta qu'il devait être à la falaise. C'était l'endroit parfait pour ce genre d'instant. Au pied de cette dernière, elle pu deviner sa silhouette tout là haut. Bongo ... Mais merde aussi ! Parce qu'escalader avec un verre dans le nez, c'est tout de suite moins facile. Pourtant pas question de faire demi tour : Rory se lance dans son expédition plus laborieuse qu'à l'accoutumée. Elle dérape une ou deux fois mais rien de bien grave et surtout pas de chute ... c'est le principal non ? Arrivée au sommet, elle ne peut s'empêcher de lâcher un grand soupir de soulagement. Je pense qu'une aide pour redescendre tout à l'heure ne sera pas de trop ... Ou alors c'était la mort ... au choix ... Oui bon allez, ce soir ce n'était pas d'elle qu'on parlait ! Elle se redressa, se frotta les mains pour ôter les gravillons accrochés à ses paumes et vint prendre place non loin de Connor. Le bon air semblait à la fois lui faire du bien et lui faire tourner la tête à nouveau ... Etrange. Je sais que c'est pas pareil mais ... je suis là ... J'aime pas voir ce joli visage si tristounet .... Elle posa son regard au loin, laisse quelques secondes de silence prendre possession de leur conversation avant de rajouter : Tu ne sautes pas hein dis ?!! Mélange loufoque de propos justes et d'interrogations stupides ... C'est clair, il reste encore quelques bulles dans cette petite tête.

Le prime était terminé ou peut être pas, quoi qu'il en soit j'ai estimé que j'étais resté assez longtemps, bien trop longtemps dans cette pièce. Cette pièce qui avait été le théâtre du départ tragique de Sixtine dont j'étais à l'origine. Je savais, non depuis plusieurs jours, semaines, je suis certain que le départ des candidats dont j'étais proche me toucherait. C'était une évidence, néanmoins, je n'ai pas prévu que ce jour arriverait aussi vite. J'étais lucide, le jeu incluait des éliminations et des départs, des pertes atroces. Le départ de Sixtine était arbitraire, et se basait sur une décision plus que douteuse. J'aurais eu du mal à accepter une nomination mais un départ c'était bien trop énorme. Mon ventre se nouait, ma gorge se serrait, un trou énorme se formait, mon coeur avait explosé en une multitude de morceau lorsqu'elle m'avait embrassé. La douleur était quelque chose que je connaissais sur le bout des doigts, mais je n'exagérais pas une seule seconde lorsque je comparais cette perte à une douleur que je n'avais encore jamais connu. Je m'évade dans le parc du château, je marche sans but, j'ai simplement besoin d'air, je suffoque. Mes yeux s'embrument, ils piquent, me brûlent. Putain, ça fait un mal de chien. Je commence à courir, et puis, je suis heurté dans ma course, une balustrade, j'entends le bruit des vagues. J'identifie rapidement les falaises. J'inspire profondément, un vent glaciale fouette mon visage. Je ferme les yeux un instant. Je ne suis plus seul, j'entends un soupire dernière moi. J'suis sûr le point de renvoyer la personne d'où elle vient, sèchement lorsque je reconnais la voix de Rory. Je soupire, glissant mes mains au fond de mes poches. Je me retourne pour évaluer son état lorsqu'elle évoque le besoin d'une aide. Moi en l'occurrence. Je ne réponds, de toute évidence, je ne vais clairement pas la laisser là. Elle s'approche à quelques centimètre de moi. « Merci.... T'es importante pour moi, aussi. C'est... C'est différent c'est tout. »Je ne saurais décrire avec précision la relation que j'entretiens. Entretenais avec Sixtine. Je sais juste qu'elle avait ce pouvoir sur moi, que lorsque j'étais en sa compagnie j'étais comme un adolescent. Elle éveillait une certaine sensation, assez agréable, une sensation que je n'aurais plus la chance de connaître. De toute évidence, je n'en avais pas envie. Trop de paramètres entraient en compte. Et puis, il s'agissait d'elle, personne d'autre. La remarque de Rory, m'extirpa pas ce qu'on pouvait assimiler ce soir à un sourire. Même s'il fallait être assez imaginatif. « Non, j'ai perdu assez de temps dans ma vie pour mettre un terme à ma vie de cette façon. » Le suicide, je trouve ça lâche de toute façon.

"C'est différent" avait-il dit ... Elle comprenait. Ce n'était pas la même chose, effectivement. Elle ne connaissait pas la nature exacte unissant son petit Connor à Sixtine mais elle les savait très proche et intime, d'une certaine manière. S'il n'avaient pas été aussi mignon tous les deux, elle aurait presque pu être jalouse. Sauf qu'elle ne l'était pas vraiment. Elle était juste triste pour lui, compatissante. Assise à ses côtés, elle passa alors son bras sous le sien, vint lui déposer un bisous sur la joue et logea sa tête tout contre lui. Elle tenta de fermer les yeux mais cela lui faisait tourner les idées encore plus. Elle garda donc ses deux pupilles bien ouvertes et bien grandes, plantées dans le bleu marine du ciel tacheté d'étoiles scintillantes. Un jour j'ai perdu un pote moi aussi, un ami, un ex, un peu des deux. Enfin bref ... Un jour il n'était plus là, parti ou on ne sait quoi et personne ne l'a jamais plus revu depuis ! Ca m'a foutu un sacré coup dans les dents. Des fois je me demande s'il est toujours en vie ou s'il se dore les fesses à la Barbade comme il disait en rêver à longueur de journée ... Elle inspira et expira profondément. Joli moment de complicité, jusqu'à ce qu'il soit légèrement éraillé par le taux d'alcoolémie : Tu vois Sixtine tu vas la revoir, elle est juste dehors à te mater à travers son petit écran. Sauf si elle aussi à préféré la Barbade ... Rory se redresse alors d'un coup comme illuminée par les Dieux ... Ouais tu parles !! Tu ne crois quand même pas qu'ils l'ont envoyée à la Barbade hein ?!! T'imagines ?! Parce que là c'est clair, elle ne rentrera pas ... ! Rory lâche alors le bras de son ami et se relève, elle fait quelques pas, tourne en rond avant de s'approcher du bord de la falaise. T'as raison, sauter ne résoudrait rien. Elle sourit, écarte les bras, genre Titanic sur la pointe du bateau, elle avance encore un peu, dangereusement. Elle ne se rend pas compte. Ce qu'elle voit c'est l'immensité du ciel, de l'océan, des vagues qui s'écrasent sur les rochers en contre bas ... C'est tellement beau ! Sauter non. Mais voler ce serait tellement bien !! T'imagines ... Pchiouuuu, la plus belle des thérapies, crier un bon coup en plein ciel et se laisser flotter. Le vent se lève et passe à travers sa crinière, le décors semble bouger autour d'elle, comme si elle était déjà en train de voler, la sensation est agréable.

Rory était souvent décrié à tord, parce qu'au fond, et même si elle était parfois maladroite dans ses propos, dans son attitude. Comme par exemple, ce soir, elle s'était bourrée la tronche parce qu'elle appartenait à l'équipe Syssoï, pourtant, elle était précieuse pour moi. J'suis pas sûr qu'elle sache à quel point, c'était un point d'encrage, une bouée, ma stabilité dans le jeu. J'avais besoin d'elle et elle était là, bien sûr dans le cas contraire, j'serais là aussi, mais, je lui avais rien demandé, elle était venue à ma rescousse, tentant de me remonter le moral, et je l'aimais énormément pour ça. Je la laisse faire lorsqu'elle passe son bras autour de moi, lorsqu'elle se love contre moi, ça fait du bien, énormément de bien. Je l'écoute attentivement lorsqu'elle écoute son histoire, et puis cale ma tête contre la sienne. « Faut pas être normal pour te quitter comme ça, du jour au lendemain, sans prévenir. Même pour partir à la Barbade. Toute façon, y'a quoi à la Barbade à part Rihanna hein ? » Ok, j'savais même pas qui était cette fille, une chanteuse j'crois. Enfin bref, ça m'a marqué cette histoire parce qu'une fois, ma soeur m'a fait sourire en me disant qu'elle voulait y aller parce que cette fameuse Rihanna y était originaire. Enfin bon, elle a quinze ans ma soeur, faut pas lui en vouloir d'être aussi naïve. Et puis, elle poursuit, je l'écoute. « Ouais, j'sais pas, j'espère... Mais... » J'parlais plus pour moi même qu'autre chose, parlant en même temps qu'elle, lorsqu'elle annonça qu'elle était peut être partie à la Barbade. « T'es folle, elle irait jamais là-bas, et puis, j'sais pas je la vois bien s'enfuir, sauter en parachute de l'avion. Même en otage au prise avec des barbares, une bonne prise de krav-maga plus tard et le tour est joué, elle peut pas partir, elle doit être entrain de me surveiller, j'suis sûr. » Sixtine ou le petit ninja de l'aventure, ouais j'sais pas, je la voyais bien faire la peau à tout le monde, juste pour pouvoir vérifier que ses dires. Je souris, merci Rory, on dit. Et puis, elle se lève, tout à coup, et s'appuie contre la rambarde, dangereusement. Je me lève aussitôt, alors qu'elle parle de voler, j'écoute pas vraiment à vrai dire, j'suis trop occupé à la surveiller. Et puis, je l'attrape par la taille et la ramène sur la terre ferme. « Du calme Peter Pan, tu vas te tuer si ça continue. » Je la tire contre moi, et passe mes bras autour de sa taille, comme pour l'empêcher de s'enfuir, et aussi pour l'empêcher de tomber, elle chancelle.